Le coronavirus continue de faire sa vie sans susciter la moindre inquiétude, hormis chez les professionnels de santé. L’insouciance a gagné la population. Le masque envolé, les gestes de protection oubliés, les rassemblements générateurs de foyers d’infection multipliés. Tout va donc pour le mieux ?
En contrepoint du relâchement face à la pandémie, somme toute compréhensible après deux ans de confinement et de privations, trois chiffres illustrent la face cachée du Covid.
Premier chiffre : 53%. C’est le taux d’augmentation du nombre de décès supplémentaires au second semestre de 2021 par rapport à la même période de 2019. L’INSEE effectue cette comparaison pour mesurer la surmortalité attribuée à la pandémie.
Une augmentation de moitié de la mortalité : nous n’avons jamais atteint ces sommets dans notre histoire. Les données sont comparables pour Guadeloupe et Guyane. Pour la France entière, c’est +7%. Dans nos trois territoires, la surmortalité due à la pandémie est 7 fois supérieure par rapport à la moyenne globale.
Deuxième chiffre : 45%. C’est le taux de personnes totalement vaccinées en Martinique. Ceux de Guadeloupe et de Guyane sont sensiblement équivalents. Selon l’Agence caraïbe de santé publique et l’Organisation mondiale de la santé, les principaux pays de l’archipel affichent des taux nettement supérieurs.
Cuba détient le record avec 82% de personnes totalement vaccinées, qui plus est, avec des produits inventés et fabriqués sur place. Puis viennent Guyana, Belize, Barbade, Trinidad et Dominique. En queue de classement, et derrière nous : Bahamas, Grenade, Montserrat, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Jamaïque, Haïti.
Précision : les chefs d’Etat et de gouvernement de tous ces pays sont vaccinés. Est-ce le cas de tous nos parlementaires, conseillers territoriaux et maires ?
Troisième chiffre : 919. C’est le dernier taux d’incidence, mesurant le nombre de nouveaux cas pour 100 000 habitants durant la semaine précédente. C’est la troisième semaine consécutive de hausse de cet indicateur.
L’épidémie repart à la hausse. Maladi-a ka viré pati. Certains d’entre nous traduisent pourtant qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer, que le variant Omicron est moins mortel que les précédents et que l’immunité collective est acquise. Ce qui n’est validé par aucune observation scientifique.
Ces idées couramment répandues masquent certaines vérités. D’abord, nous avons intégré le paramètre de la souffrance face à la maladie et à la mort. Dès lors, le virus peut vivre sa vie, tant qu’il ne contamine pas un proche.
Ensuite, nous nous croyons les plus malins de la Caraïbe. Nos cousins trinidadiens, barbadiens ou cubains ignorent que nous sommes mieux instruits qu’eux. Alors, pourquoi autant de décès et aussi peu de personnes soignées, alors que Martinique et Guadeloupe sont les plus riches de l’archipel ?
Troisième vérité : la pandémie est aussi une catastrophe humaine, construite à partir de nos négligences, de nos manquements. Les professionnels libéraux ont été écartés de la prise en charge des malades. La prévention a été négligée. Les élus ont été cadenassés. La population n’a pas été éduquée. Des soignants sont suspendus sans motif sérieux ni valable.
Sans oublier ces apprentis sorciers obscurantistes ayant misé sur notre crédulité pour laver nos cerveaux et s’emparer des esprits les plus disponibles pour les thèses complotistes.
Dans ce contexte, le discours scientifique a été rendu inaudible et chacun a cherché une solution à sa portée, sans se préoccuper du collectif. Le collectif, une notion oubliée durant cette pandémie qui aura des conséquences sur notre vivre-ensemble beaucoup plus néfastes que nous le pensons.