Le 26 mai 1940, l’amiral Bertram Ramsay lance l’opération avec l’espoir de sauver 45 000 soldats. Il s’agit d’un mouvement de retraite stratégique qui s’articule en deux axes : récupérer les forces alliées grâce à des navires qui les conduisent au Royaume-Uni, et protéger la poche de Dunkerque où se trouvent les dites forces, prises en étau par les troupes allemandes et exposées à leur aviation et leur artillerie.
Pourquoi cette tactique ? Les Britanniques ne peuvent pas contre-attaquer car les Français n’ont plus de réserves et ils ont, en outre, besoin de ces divisions pour défendre leur propre pays. L’une des solutions pour évacuer les soldats est d’utiliser la jetée du port de Dunkerque. Mais les bancs de sable ne permettent pas aux soldats de monter directement à bord des navires, qui sont loin de la plage. Comme le film le montre, des centaines de navires de plaisance (370 au total), les « Little Ships », sont appelés par le gouvernement pour faire la navette.
Durant neuf jours, jusqu’au 4 juin, environ 338 000 soldats, majoritairement britanniques, parviennent à rejoindre l’Angleterre, un chiffre dépassant largement les espérances. Si l’opération est « un miracle » selon Winston Churchill, entre 35 et 40 000 soldats n’ont pas pu être sauvés et sont faits prisonniers le 4 juin, lorsque les forces allemandes pénètrent dans la ville.
Ce sacrifice est quasiment absent du film de Christopher Nolan, ce qui lui a valu quelques critiques. Mais cela n'a pas empêché Dunkerque de rencontrer un vif succès, avec 526 millions de dollars de recettes dans le monde. Quant au prochain film du cinéaste, Tenet, il faudra patienter jusqu'au 12 août pour le découvrir en salles, si sa sortie n'est pas compromise d'ici là par la crise sanitaire.
Dunkerque : c'est quoi l'opération Dynamo, l'événement raconté dans le film de Christopher Nolan ?
"Dunkerque" de Christopher Nolan revient sur l'évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai 1940, aussi appelée "opération Dynamo".
En 2017, après la science-fiction et les films de super-héros, Christopher Nolan se frotte pour la première fois de sa carrière au genre historique avec Dunkerque. Se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale, en mai 1940, le long-métrage raconte comment le Corps Expéditionnaire britannique (CEB) monte une opération (qui a pour nom de code « Dynamo », car elle a été préparée dans la salle des dynamos du fort de Douvres) pour évacuer les soldats britanniques, belges, canadiens et français encerclés par les troupes allemandes. Celles-ci progressent rapidement dans le nord de la France et ont alors envahi les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.
Le 26 mai 1940, l’amiral Bertram Ramsay lance l’opération avec l’espoir de sauver 45 000 soldats. Il s’agit d’un mouvement de retraite stratégique qui s’articule en deux axes : récupérer les forces alliées grâce à des navires qui les conduisent au Royaume-Uni, et protéger la poche de Dunkerque où se trouvent les dites forces, prises en étau par les troupes allemandes et exposées à leur aviation et leur artillerie.
Pourquoi cette tactique ? Les Britanniques ne peuvent pas contre-attaquer car les Français n’ont plus de réserves et ils ont, en outre, besoin de ces divisions pour défendre leur propre pays. L’une des solutions pour évacuer les soldats est d’utiliser la jetée du port de Dunkerque. Mais les bancs de sable ne permettent pas aux soldats de monter directement à bord des navires, qui sont loin de la plage. Comme le film le montre, des centaines de navires de plaisance (370 au total), les « Little Ships », sont appelés par le gouvernement pour faire la navette.
Durant neuf jours, jusqu’au 4 juin, environ 338 000 soldats, majoritairement britanniques, parviennent à rejoindre l’Angleterre, un chiffre dépassant largement les espérances. Si l’opération est « un miracle » selon Winston Churchill, entre 35 et 40 000 soldats n’ont pas pu être sauvés et sont faits prisonniers le 4 juin, lorsque les forces allemandes pénètrent dans la ville.
Ce sacrifice est quasiment absent du film de Christopher Nolan, ce qui lui a valu quelques critiques. Mais cela n'a pas empêché Dunkerque de rencontrer un vif succès, avec 526 millions de dollars de recettes dans le monde. Quant au prochain film du cinéaste, Tenet, il faudra patienter jusqu'au 12 août pour le découvrir en salles, si sa sortie n'est pas compromise d'ici là par la crise sanitaire.
C’est l’ordre d’expulsion de plusieurs familles du quartier de Shaykh Jarrah qui a déclenché les tragiques affrontements en cours. Pour les comprendre, il faut remonter en 1967, aux lendemains de la conquête de Jérusalem Est par Israël, après sa victoire lors de la guerre des Six-Jours.
C’est l’ordre d’expulsion de plusieurs familles du quartier de Shaykh Jarrah qui a déclenché les tragiques affrontements en cours. Pour les comprendre, il faut remonter en 1967, aux lendemains de la conquête de Jérusalem Est par Israël, après sa victoire lors de la guerre des Six-Jours.
Trois ans après la conquête de Jérusalem Est par Israël, la loi sur les affaires juridiques et administratives de 1970 est votée : elle permet aux citoyens juifs de revendiquer des biens perdus en 1948 à Jérusalem Est. En revanche, elle n’autorise aucune revendication palestinienne sur des biens perdus à Jérusalem Ouest. La loi sur la propriété des absents de 1950 offrait également à Israël la possibilité de confisquer les biens abandonnés par les Palestiniens qui avaient fui la guerre ou avaient été chassés de chez eux. Au nom de la loi de 1950, l’hôtel Shepherd à Shaykh Jarrah, une maison construite dans les années 1930 pour le mufti de Jérusalem, où il ne put jamais habiter, fut déclaré « propriété abandonnée » et détruit en 2011 pour construire une colonie de vingt logements.
Le quartier de Shaykh Jarrah se trouve à environ 2 km au nord des remparts de la vieille ville de Jérusalem. Le nom du quartier vient du nom d’un émir et médecin de Saladin, le sultan qui reconquit la ville sur les Croisés en 1187. Le médecin y mourut et fut enterré dans une fondation religieuse, appelée en arabe al-zawiya al-jarrahiyya, qui est toujours visitée aujourd’hui. Jusqu’au début du xxe siècle, seuls quelques maisons et lieux sacrés occupaient le terrain. Les juifs y vénérent quant à eux la tombe de Shimon Hatzadik, un grand prêtre du Temple de Jérusalem dans l’Antiquité. À partir des années 1860, les notables musulmans commencent à quitter la Vieille ville pour acquérir des domaines à Shaykh Jarrah qui devient, en quelques décennies, le quartier de l’élite musulmane. Une colonie de chrétiens utopiques américains s’y installe en 1881, les Anglais y élèvent en 1898 la cathédrale Saint-Georges, siège du diocèse anglican de Jérusalem. On y trouve aussi l’hôpital Saint-Joseph depuis 1954, et plusieurs représentations diplomatiques. Pendant le mandat britannique, une unité d’artillerie est stationnée sur le Jabal al-Masharif (Mont Scopus) voisin.
D’après le recensement ottoman de 1905, 167 familles musulmanes, 97 familles juives et 6 familles chrétiennes vivaient alors à Shaykh Jarrah.
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Après la Nakba, qui chassa 750 000 Palestiniens de chez eux, la Cisjordanie et Jérusalem Est passent sous contrôle jordanien. À la suite d’un accord conclu en 1954 entre la Jordanie et l’UNRWA, l’agence de l’ONU chargé des réfugiés palestiniens, 28 familles palestiniennes se réinstallent à Shaykh Jarrah. Avant que les contrats de transfert de propriété ne puissent être définitivement établis, la Jordanie perd le contrôle de Jérusalem Est à la suite de la guerre des Six-Jours. La loi de 1980 fait de Jérusalem la capitale « une et indivisible » d’Israël.
En 1972, des comités ashkénazes et séfarades commencent à revendiquer en justice des terres de Shaykh Jarrah, au prétexte qu’elles auraient appartenu à des juifs en 1885. La justice israélienne rend en 1976 une première décision en faveur des Palestiniens. Mais à la suite de la soumission de nouveaux documents, la première décision est cassée et une seconde est rendue en faveur des plaignants juifs. Le ministère de la justice israélien continue néanmoins à respecter l’accord conclu entre la Jordanie et l’UNRWA. Une nouvelle plainte est déposée en 1982 pour obtenir l’expulsion des 24 familles palestiniennes réinstallées. Elle durera jusqu’en 1991 ; à nouveau, les plaignants juifs ne peuvent rien prouver. L’avocat des familles palestiennes, Tosye Cohen, conclut par la suite, dans le dos des 17 familles qu’il représente, un accord injuste avec les comités. Cet accord a ouvert la voie à l’expropriation de ces familles par le tribunal et au transfert de la propriété de leur maison aux comités. Les Palestiniens devenaient locataires de leur propre bien !
Les comités décident de vendre, en 2003, leur droit de propriété à une entreprise engagée dans la colonisation. Après une première expulsion en 2002, les suivantes s’enchaînent en 2008, 2009 et 2017. L’explosion des derniers jours fait suite à la décision de justice ordonnant à 13 familles d’abandonner leur logement : 4 devaient être parties en janvier, 4 le 6 mai et 3 le 1er août. Les cas des 2 familles sont encore en appel aujourd’hui.
De manière intéressante, des actes originaux de propriété ont été retrouvés dans les archives ottomanes. Mais quand Sulayman Darwish Hijazi, un habitant de Shaykh Jarrah, les soumet en 2005 au tribunal, ils sont refusés. Dans l’affaire de la maison de Muhammad al-Kurd, les deux parties avaient apporté des actes de propriété d’époque ottomane : les documents de la partie palestinienne montraient que la terre n’avait pas été vendue à des juifs séfarades, mais seulement louée. Quant aux documents de la partie juive, il s’est avéré qu’ils avaient été contrefaits ! Malgré cela, une décision a été rendue en faveur des colons.
En avril dernier, la Jordanie a fourni une copie retrouvée de l’accord de 1954 avec l’UNRWA et les contrats individuels de location avec les familles palestiniennes. Le jugement en appel a été repoussé en juin. Un processus similaire est en cours à Silwan, ou bien à Batan al-Hawa, où une décision de justice a été rendue en novembre dernier contre 87 familles palestiniennes. Les Anglais auraient transféré la propriété des biens revendiqués à des juifs yéménites à l’époque du mandat.
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Ce que vivent les Palestiniens est dans le prolongement direct de ce qu’ils vivent depuis la Nakba. Un deuxième exil, un nettoyage ethnique qui n’en finit pas. Les « inquiétudes » de la communauté internationale sont un blanc-seing pour Israël. Assuré du soutien inconditionnel des États-Unis et de l’Europe, comment Israël pourrait-il prendre au sérieux ces réactions verbales, quand le pays piétine les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ?
Le ministère des Affaires Étrangères israélien prétend que les événements actuels viennent d’un « conflit de propriété entre personnes privées, réglé en justice ». Comme s’il ne s’agissait pas d’une conséquence de la politique de colonisation d’Israël. Benjamin Netanyahou a réaffirmé que « tout pays construit dans sa capitale, nous avons le droit de construire à Jérusalem ». En revanche, les familles palestiennes des Territoires occupées ne reçoivent pas de permis de construire pour agrandir leurs maisons quand cela est nécessaire. Quand elles s’y risquent, les extensions sont détruites.
Selon l’organisation israélienne B’Tselem, 1 005 maisons et 424 lieux de travail palestiens ont été détruits à Jérusalem Est par Israël entre 2004 et 2020. En Cisjordanie, ce sont 1 554 maisons qui ont été détruites entre 2006 et 2020, et depuis 2012, 1 673 lieux de travail ont connu le même sort. Face à ces destructions, 18 colonies juives ont été fondées à Jérusalem Est, qui abritent aujourd’hui 220 000 colons. Aucune pression et aucun mécanisme de sanction ne dissuadent Israël de poursuivre la colonisation. La justice israélienne, quant à elle, ne sert à rien d’autre qu’à favoriser l’avancée pas à pas des colonies, sur la base de fausses déclarations, de pièces contrefaites et d’accords léonins. Les quartiers comme Shaykh Jarrah et Silwan sont les fronts de cette entreprise de colonisation israélienne.
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Israël a prouvé à maintes reprises qu’il irait jusqu’au bout de la colonisation, profitant de chaque accord international pour prolonger le statu quo et avancer ses pions. Les effets désastreux des Accords d’Oslo pour les Palestiniens, à Jérusalem Est et en Cisjordanie, sont évidents. L’indifférence de la communauté internationale garantit une impunité totale à Israël. Les Émirats Arabes Unis et Bahreïn, qui n’ont jamais levé le petit doigt pour soutenir les Palestiniens, ont instrumentalisé la question palestinienne pour conclure la paix avec Israël par les « accords d’Abraham » signés en 2020, sous l’égide des États-Unis de Donald Trump. Certains ont cru naïvement qu’en contrepartie, Israël interromprait au moins pour quelques temps la colonisation illégale. Israël n’a même pas senti le besoin de faire un geste pour contenter ses nouveaux amis arabes. Mais contrairement aux attentes, la jeunesse palestinienne s’est montrée plus active qu’attendu.
Parents, grands-parents, je lance un appel : je vous demande de faire pour la jeunesse ce que d'autres, avant nous, avant vous, ont fait pour la vieillesse.
https://francoisruffin.fr/jeunesse-appel/
C’est aux parents et aux grands-parents que je m’adresse, c’est à vous, pour vos enfants, pour vos petits-enfants, que je lance un appel. Et j’irai droit à l’essentiel.
Dans l’épreuve que traverse notre nation, vous avez une dette envers la jeunesse. Depuis l’an dernier, pourquoi les jeunes sont-ils confinés ? Pourquoi a-t-on fermé leurs universités ? Pourquoi leur a-t-on imposé enfermement et couvre-feu ? Pour vous protéger, vous, leurs ainés, les plus âgés, et ce sacrifice, les jeunes l’ont largement accepté.
Mais c’est un sacrifice. D’après Santé Publique France, un jeune sur trois est en dépression, la moitié se disent inquiets pour leur santé mentale, 20 % ont des idées suicidaires.
Et comment sont-ils remerciés ? Comment les récompense-t-on pour leur civisme, pour leur altruisme ? En leur imposant une double peine : c’est eux, qui vont payer, qui paient déjà, la crise sociale.
Le retour des soupes populaires
Les images ont frappé, glacé : ces files de jeunes gens, des queues infinies, des centaines de mètres, pour aller quérir un colis alimentaire, le soir, dans la rue ou dans un gymnase, à l’occasion d’une distribution caritative…
Qui n’est pas stupéfait par cette vision ? Qui ne retrouve pas, comme en un écho visuel, le souvenir de ces clichés en noir et blanc aperçus dans les manuels d’histoire, au chapitre de la grande dépression, prises aux Etats-Unis lors des soupes populaires ?
Mais il ne s’agit pas des années 30, là, ni de la lointaine Amérique. Il s’agit de notre pays, aujourd’hui, au XXIe siècle, et c’est l’avenir de notre Nation qui est réduit à la mendicité.
Moi-même j’y participe, à Amiens, avec le restaurateur Thierry Martin et ses copains, qui préparent des repas quotidiens, avec ma permanence de député submergée, de la cave à l’entrée, jusqu’au canapé, par les cartons de tampons hygiéniques, gels douches, tubes de dentifrice… C’est formidable, non, cette générosité ?
Eh bien non. C’est lamentable, cette générosité.
Car à qui accorde-t-on notre charité ? Ce n’est plus à des continents lointains, après une famine, un tremblement de terre, un tsunami. Ce n’est même plus aux pauvres de chez nous, aux découragés, aux relégués de l’emploi. Non, c’est à nos étudiants, à nos jeunes, et il faudrait s’applaudir, applaudir ce scandale ?
Ce rapport, je l’ai mené en reporter, avec les ministères, certes. Mais surtout, d’un Foyer de jeunes travailleurs à une résidence universitaire, d’une Maison familiale rurale à une Mission locale, des sortants de l’Aide sociale à l’enfance au Mouvement des jeunes chrétiens…
« La peur de ne pas y arriver »
Avec, partout, des témoignages vibrants.
Des témoignages sur la peur, je cite, « la peur de ne pas y arriver, de ne pas payer son loyer, la peur de ne plus avoir, la peur de ne pas manger, la peur de l’été qui arrive, de la bourse qui ne sera plus versée. »
Des témoignages sur la faim : « Je ne mange qu’un repas par jour, soit le matin, soit le soir. Je suis allée deux fois aux Restos du Cœur, mais comme il y avait une queue monstre, là-bas je suis partie… »
Des témoignages de découragement, surtout, ce désarroi qui saisit Laurelyne : « La seule solution, c’est de faire des gosses. Ma sœur, elle a 19 ans, elle vient de faire un gosse. Je lui ai dit, ‘c’est bon, maintenant t’auras droit aux allocs…’ »
Des témoignages sur un rétrécissement, sur des existences qui se rétractent, recroquevillées sur la pauvreté : « Je ne suis jamais parti en vacances de ma vie, rapporte Rachid. C’est un exemple bête, mais je ne connais rien à part mon quartier, rien du tout. Ma vie, c’est quoi? Je me réveille le matin, je sors, je passe la journée dehors, je rentre. Je n’avance pas. Et ça c’est triste. »
J’en ai des kilomètres de témoignages. Mais à la place, je vous propose un symbole, juste un. Cette petite boite. C’est Maxime qui me l’a remise.
Un Etat qui bricole
Lui étudie en Master de psychologie à l’Université de Picardie. Ses parents ne peuvent pas l’aider, « zéro, zéro », me dit-il, sauf à l’occasion un sac de courses. Il perçoit 100 € de bourse, 150 € d’APL, voilà qui ne couvre pas son loyer. Cette année, il effectue son stage, obligatoire, dans un centre de pédopsychiatrie, du lundi au vendredi, parfois le samedi. Ce stage est non-rémunéré. Et impossible, à côté, d’occuper un petit boulot.
Il n’y a pas de beurre dans les épinards. Il n’y a ni beurre ni épinard : « Depuis que je suis à la fac, je ne mange plus de viande, plus de poissons, plus de légumes frais. C’est mieux de prendre des paquets de pâtes au Leclerc. » Son logement engloutit tout le budget. Le cinéma, le théâtre, les concerts, il ne connaît pas. Lui qui brillait au saut en longueur, il a arrêté le sport : sa licence d’athlétisme lui coûtait trop cher.
« Mais le pire, me confie-t-il, le pire, c’est la santé. Je suis malentendant. J’ai mes appareils auditifs ici. Mais ça a un coût. C’est 100 € par mois d’entretien, et je ne peux plus les mettre. Avant, c’était à demi-remboursé. Maintenant, ce n’est plus du tout remboursé par la Sécu. Ils estiment que mon handicap n’est pas assez grand. Du coup, je ne les porte plus.
Et en plus, avec les masques, moi qui avais l’habitude de lire sur les lèvres, je ne peux plus. Donc mon handicap, que je masquais, je suis maintenant obligé de l’avouer. Je demande aux gens de répéter, même à la caissière du supermarché, l’autre fois. Je vois des soupirs. Je surprends des « il est sourd, celui-là », eh bien oui. En stage, là, c’est infernal, je leur fais répéter tout le temps. »
Le choix de l’Etat : maltraiter la jeunesse
Ce cas, nous l’avons présenté à Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat à la jeunesse : comment Maxime peut-il s’en sortir ? « Maxime, moi j’ai deux conseils à lui donner, nous a-t-elle répondu. D’un côté, c’est de demander le fonds d’urgence auprès du Crous. Donc, ça ferait le versement de 100 euros par mois en plus. Et de l’autre côté, parce qu’il fait des études hyper-utiles, humainement et socialement, il pourrait aujourd’hui, Maxime, faire une mission de service civique. C’est 680 euros par mois sur les douze prochains mois. »
Je suis retourné vers Maxime, avec ces suggestions ministérielles : « L’aide exceptionnelle, je l’ai demandée et obtenue… mais c’est 100 € par an, et non par mois ! Autrement dit, une aumône. Et pour le service civique, il faudrait donc que je mène ça en parallèle de mon stage, de mes études. J’ai déjà fait plusieurs demandes, toutes refusées : les administrations, ou les associations, qui pourraient me recruter, quand je les contacte, elles privilégient les jeunes avec plus de temps libre, et je les comprends.
Mais quand même, tient-il à ajouter : la ministre me paraît à côté de la plaque. Elle ne connaît pas la réalité. Elle croit ses dispositifs magiques, universels… »
La secrétaire d’Etat bricole, avec des bouts de service civique par-ci et de contrat par-là. Le gouvernement bricole depuis un an. L’Etat bricole depuis trente ans. Et c’est un choix, c’est un choix politique, d’être à côté de la plaque. C’est le choix de faire souffrir notre jeunesse, c’est le choix de maltraiter la jeunesse dans la durée.
L’aveu de Macron
Quand, dans L’Opinion, la semaine dernière, Emmanuel Macron fait paraître une tribune, quand il écrit : « Nous travaillons pour qu’en avril 2025, puisse paraître une Une sur notre jeunesse qui aurait tourné la page », ça se veut de l’empathie, ça se veut une espérance, mais c’est tout l’inverse : c’est un aveu ! quatre ans ! Quatre ans ! Les jeunes devront attendre quatre ans, en suer durant jusque 2025, pour « tourner la page » !
Quand l’Etat veut, pourtant, l’Etat peut. Dès le premier confinement, dès le premier jour, l’an dernier, pour les entreprises, pour toutes les entreprises du pays, pour leurs salariés, l’Etat a dressé un filet de sécurité. Avec deux mesures, deux mesures d’ampleur, deux mesures simples, sans critère et sans condition, qui valaient pour la PME du coin comme pour la multinationale : le chômage partiel et le prêt garanti. Un vaste filet de sécurité, et je ne le conteste pas ici.
Mais pour les jeunes, rien. Rien pendant un an. Rien sauf des aumônes. Et quand le scandale est devenu trop criant, trop évident, l’Etat a bidouillé des « dispositifs », des « dispositifs » avec des critères et des conditions, cette fois, des « dispositifs » avec des trous partout, des « dispositifs » même pas financés, sans enveloppe, des « dispositifs » bidons. Mais tout, pour les jeunes, tout, sauf un vaste filet de sécurité.
Un filet de sécurité sociale pour les jeunes
C’est ce filet de sécurité que je viens réclamer ici. Le minimum du minimum. Avec une idée guère originale, plus que banale, mais de bon sens, une évidence : dans notre pays, la majorité politique est à dix-huit ans : un Français peut voter. Dans notre pays, la majorité pénale est à dix-huit ans : un Français peut aller en prison. Pourquoi la majorité sociale n’est-elle pas à dix-huit ans ? Pourquoi, jusque vingt-cinq ans, les jeunes sont-ils exclus du RSA ? Pourquoi cette discrimination par l’âge ?
Quelle décision politique étrange, tout de même, et qui dure : une mesure supposée lutter contre la pauvreté écarte… les plus frappés par cette pauvreté ! Elle évite ce qui devrait être sa première cible !
Mais au-delà, parents, grands-parents. Je vous demande de faire pour la jeunesse ce que d’autres, avant vous, avant nous, ont fait pour la vieillesse.
Après la Seconde Guerre mondiale, dans une France exsangue, qu’ont décidé nos anciens ? De mettre en place « un vaste plan de sécurité sociale », avec notamment les retraites, avec le minimum vieillesse. Et ce fut un miracle : depuis des millénaires, vieillesse signifiait pauvreté dans les milieux populaires. On vieillissait, quand on avait la chance de vieillir, au crochet de ses enfants, ou de la charité. C’était la norme, qui appartenait au paysage. Et voilà qu’en trente ans, cette malédiction séculaire fut brisée : le taux de pauvreté chez les personnes âgées fut divisé par quatre, il a glissé sous la moyenne nationale. Et pourquoi, comment ? Parce qu’on est passé d’une solidarité familiale à une solidarité nationale, à une solidarité sociale.
Sortir les jeunes de la pauvreté : appel aux parents et grands-parents
C’est le même mouvement qu’il nous faut poursuivre, aujourd’hui, pour la jeunesse. Car les statistiques se sont inversées : c’est chez les jeunes, désormais, que la pauvreté est massive, quatre fois plus élevée que chez les retraités. C’est chez les jeunes, désormais, que cette pauvreté est devenue la norme, qui ne choque plus, qui appartient au paysage. Et ce sont les jeunes, désormais, qui vivent au crochet de leurs familles, un peu ou beaucoup, selon les fortunes : pour les plus aisés, leur loyer est payé, pour les autres, ils sont dépannés d’un sac de courses.
Cette solidarité familiale, inégale, ne suffit pas : là encore, il nous faut aller vers une solidarité sociale, une solidarité nationale. Il nous faut un socle offert à toutes, à tous, pour se former, pour se loger, pour se soigner, pour découvrir notre pays, pour s’envoler du nid, sans une aile cassée, sans un plomb à la patte.
C’est dans la pire des épreuves à la sortie de la nuit nazie que notre pays s’est grandi. A notre tour dans l’épreuve que traverse notre nation à notre tour de nous grandir pour notre jeunesse pour nos enfants pour nos petits-enfants.