Aujourd'hui, c'est dimanche. Vous êtes donc bien sur Radio Dordogne, je suis le Dendrobate Doctor et nous sommes ensemble pour faire l'état de la recherche sur l'épidémie de Covid-19 et le reste.
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FAKE DE LA SEMAINE
Aujourd’hui, on attaque avec une vieille lune (expression que je ne comprendrais jamais, une lune en général c’est vieux) transmise par une abonnée (merci à elle). En effet, sur les réseaux, un chirurgien (on va y revenir…) publie que, ça y est, enfin, Pfizer publie la liste des effets secondaires possibles de son vaccin contre le Covid. On va passer outre le fait que le terme vaccin est écrit entre guillemets, parce que là vous devez vous dire « … mais attendez c’était quoi alors la notice qui allait avec les flacons du truc qu’on m’a filé ? ». Et ce serait en effet une excellente question, que le monsieur ne vous remercierait pas de lui avoir posée, parce qu’alors il devrait admettre que la liste, la vraie, on la connait déjà. Depuis un moment en fait. Depuis plusieurs années même…
Mais on va regarder sa liste à lui quand même car elle est rigolote. Et si je dis ça, c’est parce que à ce stade il vaut mieux en rire, le gars a quand même listé 45 effets secondaires tous plus tragiques et ridicules les uns que les autres. Alors, clairement, je vais pas tous les faire, mais je me suis dit que c’était l’occasion d’en prendre quelques-uns pour vous expliquer ce que c’est, comme ça le jour où on vous les balancera à la tête ils feront moins peur.
N°3 : Myélite flasque aiguë – Appelée également Paralysie Flasque Aiguë (PFA) ou syndrome pseudo-polio. La PFA touche exclusivement les enfants, adolescents et très jeunes adultes (donc typiquement les tranches d’âge les moins concernées par ledit vaccin, en plus) et elle cause une faiblesse brutale des extrémités, apparaissant en moins de 4 jours. Il n’existe à ce jour aucun traitement, les enfants atteints finissant généralement totalement paralysés du membre atteint. La cause de la maladie n’est pas identifiée, mais les grandes vagues des cas sont toutes liées à des épidémies virales, en particulier des entérovirus (la gastro et sa famille étendue), des poliovirus (la polio et sa clique) et des adénovirus (les trucs qui donnent des pharyngites). En clair, aucun lien avec la vaccination, mais un plutôt solide avec les infections virales… next.
N°7, 8, 10, 32 et 44 : Arrêts cardiaques et ses causes – Oui parce que, le sachiez-tu brave public, on ne meurt jamais d’un arrêt cardiaque, techniquement. On meurt de quelque chose qui entraine un arrêt cardiaque. Lister les arrêts cardiaques d’une part, puis
4 pathologies différentes qui les causent, c’est de l’esbrouffe, et bien la preuve que le mec est là pour faire flipper avec de la surenchère, pas pour expliquer quoi que ce soit. « Tu pinailles, Dendrobate » Non je pinaille pas, à ce compte-là si on veut, toutes les morts sont naturelles (« parfaitement madame la juge, je lui ai enfoncé ma hache dans le crâne, les lésions des neurones n’ont pas permis à l’encéphale de continuer à fonctionner, il a arrêté d’envoyer des commandes aux autres organes, et donc le gars est mort, c’est naturel »).
N°7, 12, 36 et 45 : Mort – Oui vous m’avez bien lu, le gars annonce sans trembler des genoux que dans les effets secondaires, il y a la mort, sans plus de détails (mais en faisant des redites qui font joli, parce que « décès néo-natal », « mortinatalité » et « mort subite du nourrisson », c’est juste une manière de dire « ton bébé va mourir à plein d’âges différents » avec des termes ampoulés). Encore une fois « mort », ça n’est pas un diagnostic (au mieux c’est un constat).
N°18 : Paralysie faciale – Celui-là je l’aime bien parce qu’il est exactement ce que je veux dire quand j’explique que les gars comme lui mêlent le vrai et le faux pour faire peur aux gens. La paralysie faciale, appelée aussi paralysie de Bell, est bien un effet secondaire recensé (par contre recensé en 2021, donc niveau scoop va falloir trouver mieux) du vaccin contre le Covid. C’est une paralysie qui touche la moitié basse du visage et qui est causée par une inflammation du nerf facial, généralement d’un seul côté. Cette inflammation est causée par une réaction du système immunitaire, très rarement suite à une vaccination, dans l’immense majorité des cas suite à une otite, une infection bactérienne (maladie de Lyme, syphilis ou tuberculose) ou virale (herpès, varicelle, oreillons, influenza ou EBV). Elle rentre généralement dans l’ordre toute seule (parfois on l’aide avec des corticoïdes) et y a vraiment pas de quoi faire paniquer les gens avec ça (hormis sur le fait que ça ressemble un peu à un AVC et que ça vaut le coup de voir un toubib pour être sûr).
N°22 : Encéphalopathie de Hashimoto – Celle-là est intéressante parce qu’elle est représentative du grand fourre-tout de cette liste. Il s’agit d’une complication de la maladie de Hashimoto, une pathologie auto-immune de la thyroïde. Personne, donc, ne déclenche jamais cette encéphalopathie sans avoir, d’abord, une maladie de Hashimoto, un truc qui est à 80% génétique. Mais là, bonhomme il vous dit que avec l’injection de Pfizer, vous devez pouvoir bypasser les prérequis de base et choper une complication sans la maladie originelle, c’est vachement fort. Mieux encore (ou pire, je sais plus à force), il s’agit d’une complication incroyablement rare : le premier cas est décrit en 1966 et depuis on a en recensé en tout et pour tout 200 à l’échelle de la planète. S’il y a une pathologie au monde dont une augmentation énorme de l’incidence se verrait comme le nez au milieu de la figure… ce serait le noma, d’accord, mais celle-là serait sans doute pas loin. Personne ne peut affirmer un truc pareil en y croyant réellement, c’est qui ce clown ?
Le clown en question, c’est le « docteur chirurgien Résimont » comme il signe son message. Résimont, sans grande surprise, n’y connait rien ni en immunologie ni en épidémiologie (il est ORL, ce qui est très respectable mais pas top pour donner son avis sur un sujet pareil), sans plus grande surprise, il a été condamné pour avoir fait n’imp avec ses patients mais, et là c’est une surprise, sa condamnation date de bien des années avant le Covid. L’affaire date de 2012, et en gros il utilisait des cocktails hormonaux de son cru composés de substances interdites en Belgique (oui, il est Belge, on peut pas avoir le monopole des clowns) pour soigner ses patients d’on ne sait pas trop quoi. En creusant un peu le volet judiciaire du bonhomme, je suis également tombée sur cette information qui, vu le personnage, me laisse particulièrement nauséeuse. En 2011, Résimont est déjà présenté à la justice. Il est accusé d’assassinat sur mineur vulnérable. Un de ses anciens collègues l’a dénoncé à la police, disant qu’il aurait usé de ses connaissances médicales pour, 7 ans auparavant, faire passer le meurtre de sa petite fille lourdement handicapé pour une mort naturelle. A l’époque déjà, il avait été soupçonné et entendu, mais l’autopsie n’avait pas été concluante. Le procès se soldera par un non-lieu, les faits dénoncés par le collègue étant impossibles à prouver puisque Résimont, dès sa sortie de garde à vue et la restitution du corps de sa fille, en avait organisé les funérailles par crémation. Je suis bien forcée de conclure qu’on ne saura jamais ce qui s’est réellement passé. Mais ce genre de clown a fini de me faire rire.
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DECOUVERTE DE LA SEMAINE
Il s’appelle Gwana négatif, et il est à l’heure actuel le groupe sanguin le plus rare au monde. Si nous connaissons surtout le système ABO et le système Rhésus, il existe en réalité 48 systèmes pour classer le sang humain. L’immense majorité d’entre nous sera correctement classée en utilisant seulement les deux premiers systèmes (par exemple je suis O+, ça veut dire que dans le système ABO, je ne porte aucun marqueur, mais que dans le système Rhésus, j’en possède un, je ne peux donc pas donner mon sang à quelqu’un négatif dans le système Rhésus, mais je suis en revanche donneuse universelle de plasma, du fait de mon absence de marqueur dans le système ABO). Mais ce n’est pas le cas de tout le monde, et parfois d’autres systèmes de classification sont nécessaires pour comprendre qu’est-ce qui fait que tel sang est compatible avec tel receveur, quel est le marqueur en jeu.
Et c’est ce qui se passe ici avec cette découverte signée Inserm, et qui porte le nom de l’origine guadeloupéenne de la patiente chez qui ce groupe, dont elle est pour l’instant l’unique représentant au monde, a été identifié. Le nouveau système, le 48e donc, mis au point pour correctement évaluer ce type de marqueur, s’appelle PIGZ, et pour l’instant n’a malheureusement pas permis de trouver d’autres porteurs (les frères et sœurs de la patiente, comme ses parents, sont chacun porteurs d’une seule copie mutée du gène impliqué, elle seule a hérité des deux). Mais vu les origines de la patiente, les chercheurs prévoient d’investiguer sur l’île et peut-être d’autres territoires des Caraïbes.
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PISTE DE LA SEMAINE
• Zoologie : vous aimez les arthropodes ? Marins ? Géants ? Dans les profondeurs abyssales ? Et bien vous allez être servis parce qu’on en a trouvé plein. Mais genre PLEIN. Le papier (ici https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.241635) sorti le mois dernier, indique que Alicella gigantea (aka le cloporte de mer nécrophage géant), une beauté torride et transparente (allez voir le papier en lien, y a des images) de 34 centimètres, est en réalité beaucoup, beaucoup, beaucoup plus répandue sur le globe qu’on ne le croyait. Initialement pensée comme endémique des profondeurs autour des îles Canaries, elle habiterait en réalité plus de la moitié des planchers océaniques et marins du globe.
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IMPASSE DE LA SEMAINE
• Chikungunya : on ne l’arrête plus, le virus circule actuellement en métropole, à un niveau jamais atteint aussi tôt dans l’année. A la suite directe de l’épidémie qui a touché la Réunion, les cas métropolitains sont apparus entre le 27 mai et le 19 juin, les plus précoces jamais identifiés en France hexagonale », souligne Santé publique France. Non sans déconner, on ne l’arrête plus, et ça va vite devenir un vrai gros problème.
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MAUVAISE NOUVELLE DE LA SEMAINE
• Canicule : le triste ballet des oubliés dans les voitures commence. Après un drame évité de justesse la semaine dernière, c’est cette fois un enfant de deux ans qui est mort dans une voiture, laissé en plein soleil par 36C° par son père qui avait oublié de le déposer à la crèche. Ca devrait être une évidence, mais manifestement ça ne l’est pas, donc on va répéter : on ne laisse jamais, sous aucun prétexte, un enfant, un chat, un chien, un vieux, une personne endormie, alcoolisée, vulnérable, bref, jamais personne qui ne sera pas capable de s’extraire de lui-même du véhicule, dans une voiture en été sans surveillance, même pour cinq minutes, même garé à l’ombre, même avec la clim’ (demandez-vous seulement ce qu’il adviendrait si, durant vos 5 minutes d’absence, vous vous faisiez renverser et que la situation devait en fait durer plusieurs heures). Si vous avez peur d’oublier parce que vous êtes fatigué, surmené ou que sais-je, mettez le couffin, le siège-auto ou la cage de transport à l’avant, ou à l’inverse, laissez vos clés, votre portable, votre portefeuille à l’arrière. Et si vous êtes témoin d’un animal, d’un enfant ou d’une personne vulnérable laissés dans une voiture, contactez la police (ils se chargeront de faire le lien avec les secours), et si l’individu semble en détresse urgente ou est inanimé, entourez-vous de témoins, fracturez la vitre du véhicule (la procédure permettant d’intervenir sans être tenu responsable de dommages est disponible sur le site de la gendarmerie https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/l-info-en-continu/que-faire-lorsqu-un-animal-est-enferme-dans-un-vehicule-en-plein-soleil), extrayez l’individu et placez-le à l’ombre, mouillez-le avec de l’eau pas trop froide pour éviter un choc thermique et, s’il est conscient, faites-le boire par petites quantités de l’eau à température ambiante.
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BONNE NOUVELLE DE LA SEMAINE
• Justice : on a parlé de Résimont, qui filait des cocktails dangereux à ses patients, mais il n’est pas le seul. Radié en 2017 (pour de faits remontant jusqu’aux années 1990, on applaudit encore la réactivité de l’Ordre des Médecins sur ce coup-ci), Michel Geffard, ancien directeur de recherche à l’Inserm (comme Henrion-Caude, ils en font un élevage ou quoi ?) est poursuivi pour avoir prescrit des traitements de son invention, de manière transfrontalière pour brouiller les pistes, avec comme éléments de preuve « quoi ça des preuves, ça se mange ? », à des malades atteints de sclérose en plaques ou de maladie de Charcot. Des malades condamnés et désespérés qu’il était facile d’abuser. Des malades qui, dans l’immense majorité, n’ont jamais pu porter plainte car ils sont morts de leur pathologie avant de réaliser qu’ils avaient filé tout le fric et le temps qu’il leur restait à vivre à un charlatan. Et c’est vraiment une chronique qui me donne des envies de violence à force.
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« QU’EST-CE QUE PUTAIN DE QUOI ? »
C’est un rabbin, un imam, un curé et un moine bouddhiste qui prennent des champignons hallucinogènes. On dirait le début d’une blague nulle, mais non, c’est l’introduction d’une étude très sérieuse, bien qu’un peu perchée, sur l’effet des hallucinations sur la foi et la croyance religieuse. En effet, au cours de l’histoire, de nombreuses religions ont intégré des psychotropes et des hallucinogènes à leurs rituels, et les chercheurs à l’origine de l’expérimentation (publiée ici https://www.liebertpub.com/doi/10.1089/psymed.2023.0044) voulaient observer l’impact de telles pratiques sur des croyances contemporaines. Les résultats sont sans appel : ceux qui hallucinent ont leurs croyances plus renforcées que ceux qui n’hallucinent pas, et plus les gens hallucinent fort (l’étude ayant testé différents dosages de psilocybine, la substance active des champignons), plus ils croient fort. Mieux encore (ou pire, ou plus bizarre, je sais plus là moi à force), 96% des religieux interrogés ont décrit cette expérience (où ils sont donc en train de vivre à peu près les mêmes choses qu’un beatnik sous LSD donc) comme l’une des plus significatives sur le plan spirituel de leurs vies. Si on commence à expliquer aux évangélistes américains qu’en fait les hippies avaient raison et que Dieu est dans le LSD, je sens que ça va être drôle…
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POINT METHODE DE LA SEMAINE – le déni, mode d’emploi
Alors que nous sommes en pleine canicule (et que les rapporteurs du GIEC doivent en être à leur 150e « je vous l’avais dit » de la saison), il se trouve encore des gens pour dire que le changement climatique, ça n’existe pas. Ou s’il existe, il n’est pas du tout aussi grave que les scientifiques veulent le faire croire. Ou s’il l’est, ce n’est pas la faute de l’humain mais des cycles naturels de la Terre etc.
Plutôt que de démonter les arguments (même si le débunkage a toujours son utilité), il peut être utile de se demander pourquoi le déni est aussi fort chez certains. Parce que la plupart des gens qui croient à des fadaises pareilles ne les croient pas juste parce qu’ils sont mal informés, bien au contraire. Ils ont souvent beaucoup lu (sur ça, sur le nucléaire, sur les OGM, ce que vous voulez) et beaucoup investigué pour collecter le plus possible de preuves allant dans leur sens. Ils ne croient pas parce qu’ils sont convaincus, ils croient parce qu’ils veulent croire et qu’ils sont prêts à beaucoup d’efforts pour valider leur croyance.
Ce n’est pas nouveau (et c’est l’origine même de la théologie, étudier sa croyance pour trouver tout ce qui peut la renforcer), mais autant pour Dieu, bon, comme personne ne l’a vu, on peut bien se dire après tout pourquoi pas, autant pour des sujets où il y a des preuves en face, ça pose question.
Je pense que, lorsqu’on vient sur le terrain de la contradiction avec quelqu’un qui est dans ce genre de croyance, il faut bien avoir en tête, si on veut être efficace (généralement pas tant pour lui que pour le public qui regarde), que ce qui est important ce n’est pas la croyance, c’est ce dont elle protège le croyant. Le réchauffement climatique existe, mais il ne l’admettra pas, parce que vivre dans le monde qui va en découler est bien trop terrifiant, demande trop de remise en question, trop de changements dans sa vie. Un peu comme le fait qu’on a jamais vu de preuves de l’existence d’un dieu (celui que vous voulez) ou d’un au-delà (celui qui vous tente le plus) mais pour beaucoup l’idée de n’être rien qu’une conscience éphémère apparue par hasard complet sur un caillou lambda errant au milieu de l’espace gelé qui s’éteindra dans le néant est beaucoup trop dure à supporter sans faire des crises d’angoisses à longueur de journée.
Les croyances, lorsqu’elles sont fausses ou irrationnelles, sont souvent des moyens que le cerveau a trouvés pour se protéger de quelque chose qui le terrifie. Et cette chose lui fait plus peur que vous, vous ne vaincrez pas sur ce terrain-là. C’est aussi pour ça que le débunkage ou l’entretien épistémique, c’est bien, mais ça ne sert à rien si on ne s’attaque pas aussi aux gens qui propagent la peur ou qui s’en nourrissent. Et c’est d’ailleurs un bon moyen pour distinguer un marchand de peur d’un lanceur d’alerte. Genre les mecs qui vous font peur avec les vaccins, ils ont des livres à vendre, et des conférences, et des cures détox, et des compléments alimentaires. Les mecs du GIEC ils en sont encore à passer une ligne de crédit pour qu’on leur répare la machine à café.
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En espérant avoir pu apporter un peu de lumière dans le chaos ambiant, je rends l'antenne, et on y retourne pas la semaine prochaine, car je serai à nouveau en congrès, à Lyon, je vous en reparle très prochainement car il est ouvert au public. En attendant, prenez soin de vous et des chercheurs qui bossent dur, et, aimez la science, la vraie, et ceux qui la font. Bisous.