mardi 15 octobre 2024

 


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Gabriel Jean-Marie, secrétaire général de la CGT Martinique, revient sur le mouvement contre la vie chère qui agite l’île depuis le 1er septembre. Il insiste sur la responsabilité des grands groupes de distribution aux mains des békés, reproduisant un modèle colonial qu’il qualifie de « racket ».



Gabriel Jean-Marie, secrétaire général de la CGT Martinique, revient pour Mediapart sur le mouvement contre la vie chère qui agite l’île depuis le 1er septembre. Les syndicats ne sont pas à l’origine de la mobilisation, lancée par un collectif tout neuf, le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC). Pour expliquer les différences de prix avec la métropole (plus du double pour certains produits alimentaires ou de consommation courante), le responsable syndical insiste sur la responsabilité des grands groupes de distribution aux mains des békés, reproduisant un modèle colonial qu’il qualifie de « racket ». Mais la CGT insiste sur la nécessité d’augmenter les revenus des habitant·es.

Mediapart : Le mouvement contre la vie chère a été lancé tout début septembre. Où en est-on aujourd’hui ?

Gabriel Jean-Marie : Ce mouvement remet le sujet sur le tapis, parce qu’il y a déjà eu une grosse poussée de fièvre sur le sujet en février-mars 2009. Il y a plus de quinze ans, donc. Et si on remonte dans l’histoire des revendications du monde du travail en Martinique, il y en a eu bien avant aussi. En 1935, on a eu de grosses mobilisations, avec des morts, déjà sur la question de la vie chère et celle des bas salaires.

En 2009, les capitalistes locaux, les gens de la grande distribution notamment, avaient fait des concessions à l’époque, mais ils ont très vite trouvé le moyen de récupérer ce qu’ils avaient perdu. Et les choses se sont accélérées : le niveau des prix aujourd’hui est scandaleux.

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Dans un supermarché de Fort-de-France (Martinique) le 14 octobre 2024. © Photo Philippe Lopez / AFP

On parle en moyenne de prix 40 % plus chers qu’en métropole pour les produits alimentaires.

Au moins ! Un Martiniquais a créé le site Kiprix, qui compare produit par produit. La différence de prix va jusqu’à 162 % de plus, parfois 200 %... Je connais un concessionnaire automobile qui achetait des pièces, et quand il les revendait, il appliquait tout de suite un coefficient multiplicateur de trois.

Après 2009, la Confédération générale du travail de la Martinique (CGTM) avait créé une brigade pour aller contrôler les prix. Avec le temps, il y a moins d’enthousiasme, on a d’autres choses à faire, et on n’a pas pu maintenir cette initiative. Les propriétaires de commerce l’ont bien compris et ils s’en sont donné à cœur joie, et particulièrement dans le commerce alimentaire. À côté de ça, il y a une production locale qui n’est pas aidée. Ceux qui organisent l’arrivée des marchandises, ils ont plus à gagner sur l’importation plutôt que sur une production locale.

En Martinique, 90 % des produits sont importés.

C’est vrai qu’on importe beaucoup et qu’on exporte très peu. Qu’est-ce qu’on produit à la Martinique ? La banane. Il n’y a plus de sucre – il ne reste qu’une dernière usine, mais très subventionnée. Et on produit encore de l’alcool. Le résultat, c’est qu’on a un secteur public qui est important, c’est le premier employeur dans l’île, il ne faut pas se le cacher : les communes, la fonction publique d’État, la fonction publique hospitalière… Mais en Martinique, le problème véritable, c’est celui des bas salaires.

Et comment ces salaires ont-ils évolué ces dernières années ?

Il faut savoir que dans la plupart des branches, comme dans la branche commerce, il n’y a plus de négociations. Il n’y a que quelques malheureuses discussions pour les ouvriers de la banane, où le patronat propose seulement quelques centimes de plus que le smic. Pareil pour le bâtiment, mais il n’y a que dans ces deux secteurs qu’on parle de négociation. Il n’y a plus de rapport de force. Notamment dans le commerce, et c’est là où il y a le scandale.

Les fonctionnaires touchent une surrémunération de 40 % par rapport aux fonctionnaires travaillant en métropole, grâce à une « prime de vie chère ». Certains estiment que cette situation entretient les prix hauts, puisqu’il existe une population qui peut se les permettre.

Certains veulent rendre les fonctionnaires responsables de cette situation, oui. Mais les fonctionnaires n’ont pas d’argent caché, ils consomment tout. Ceux qui en profitent sont ceux qui font de l’import.




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