LE PARCOURS DU TOUR 2023 EST DÉVOILÉ !
Vous en pensez-quoi ?
Photo Le Tour de France
Malgré l'orage tombé dimanche, Lanvellec en fête a fait un beau retour samedi 22 et dimanche 23.
Après quatre ans sans la fête du village, bénévoles et visiteurs étaient au rendez-vous de Lanvellec en fête le week-end dernier. Ils ont pu porter ou admirer les costumes réalisés par la créatrice de Perros-Guirec, Pétra Musiol-Salvi.
Une soixantaine d’exposants, artisans et vieux métiers, étaient présents sur le centre bourg, transformé par les échoppes ornées de magnifiques compositions florales. La Combe aux ânes a proposé des promenades en calèche ; troubadours, bagad, fanfares, chanteurs, orgue de Barbarie donnaient le ton et l’ambiance musicale. Côté restauration, des crêpières ont œuvré sans relâche pour satisfaire les gourmands.
Le dimanche midi, un repas patates au lard, saucisses, sustentait les estomacs et réchauffait les corps des chalands, pour tenter de contrecarrer une météo pour le moins chaotique.
Une belle réussite malgré l’orage et, déjà, l’envie d’une prochaine édition d’ici deux ans pour le président Bernard Rolland et tous les bénévoles.
La pourriture est parfois un signal inesthétique qu'il est temps que les restes de la semaine dernière soient rapidement jetés à la poubelle, bien que toutes les détériorations ne conduisent pas au bac à compost ou aux ordures. Le jus pétillant et les veines de moisissure sont responsables des plats courants comme la bière, le fromage, le kombucha, le kimchi et le pain, et bien que nos réactions de dégoût aient tendance à masquer les caractéristiques les plus fructueuses du processus de décomposition, la détérioration peut avoir des effets bénéfiques sur la santé et également être visuellement magnifique - nous sommes continuellement fascinés par la capacité de Kathleen Ryan à brouiller la frontière entre le beau et le grotesque.
Dans le court métrage « Wrought », les réalisateurs Anna Sigrithur et Joel Penner de Biofilm Productions mettent en évidence les qualités intrigantes et séduisantes de la moisissure et de la pourriture. Des spores vaporeuses qui poussent sur une surface au chou liquéfié en passant par les tranches de fruits ratatinées, le timelapse documentaire fait apparaître une variété de substances alors qu'elles se flétrissent et se fanent et remettent finalement en question nos perceptions du processus naturel.
Regardez la bande-annonce de "Wrought" ci-dessus et trouvez le film de 22 minutes sur Vimeo.
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Écrivaine au succès public grandissant en dépit des controverses critiques qui accompagnent régulièrement la parution de chaque nouveau récit, Annie Ernaux vient d’obtenir le prix Nobel de Littérature 2022. Publiée dans la collection Blanche chez Gallimard depuis le premier opus, un roman autobiographique paru en 1974 (Les Armoires vides), elle avait auparavant déjà été plusieurs fois distinguée par des prix littéraires : par exemple du Renaudot et du prix Maillé-Latour-Landry en 1984 pour La Place, du prix Marguerite-Duras et du prix François-Mauriac pour Les Années en 2008, ainsi que le Prix de la langue française (2008) et le prix Marguerite Yourcenar (2017) pour l’ensemble de son œuvre.
Née en 1940, fille d’ouvriers normands devenus petits commerçants propriétaires d’une épicerie-café à Yvetot, elle est devenue, grâce au capital culturel acquis par le biais de l’école, « une métis sociale », une « déclassée par le haut », ou encore une « transfuge de classe », comme elle aime souvent à se définir elle-même.
Se fondant sur sa propre expérience d’une trajectoire sociale improbable de très forte mobilité sociale ascendante, nourrie de lectures sociologiques, notamment celle des travaux du sociologue Pierre Bourdieu, ou encore du britannique Richard Hoggart, elle décrit dans ses récits autosociobiographiques le monde et les représentations des petits commerçants en zone rurale dans la période de l’après-guerre, et cherche à rendre « la culture du monde dominé » dont elle est issue, pour « venger sa race ».
Elle tend aussi à saisir les effets des déplacements – parfois de grande ampleur – dans l’espace social sur les perceptions que les personnes concernées par la mobilité sociale ascendante ont du monde social et politique au sens large du terme, les effets de la confrontation à la culture légitime diffusée par l’école, la rupture souvent douloureuse que la scolarisation introduit avec le milieu familial d’origine, enfin les conversions d’habitus et les malaises que de telles trajectoires créent chez les individus qui les expérimentent : tiraillés entre deux fidélités irréconciliables, toujours « déplacés », ces « transfuges » ont le plus grand mal à trouver leur place dans l’espace social.
Toutefois, écrire sur les effets d’une telle posture de « l’entre-deux », et sur la honte sociale qu’elle génère (honte des origines sociales, honte des parents, honte d’avoir honte) ne va pas de soi : ayant intériorisé « l’indignité » culturelle de ses origines populaires, Annie Ernaux a ainsi longtemps estimé que la réalité triviale qu’elle vivait était indicible, inconvenante et qu’elle ne méritait pas d’être racontée, de devenir « objet littéraire » :
« Quand j’étais enfant et adolescente, je nous sentais (ma famille, le quartier, moi) hors littérature, indignes d’être analysés et décrits, à peu près de la même façon que nous n’étions pas très sortables. »
Qui plus est, elle n’a pas su immédiatement comment en rendre compte littérairement sans trahir ses origines. La quête de la « forme juste » sera donc placée au cœur de sa réflexion stylistique tout au long de son œuvre, et l’amènera, à partir de La Place, à privilégier une « écriture au couteau », qu’elle qualifie de « plate » ou de « blanche », une « langue des choses », dépouillée des attributs habituels en littérature, la seule tenable selon elle pour rendre compte d’existences « soumises à la nécessité ».
Une telle tension entre les deux mondes était déjà perçue par Annie Ernaux enfant à l’école, bien avant l’entrée en écriture. On trouve notamment dans La Place des indications qui permettent de reconstituer l’univers familier de références de l’autrice à l’époque, et les contradictions dans lesquelles la fillette scolarisée était prise :
« Dans les rédactions, j’essayais d’utiliser ce qui fait bien, c’est-à-dire ce qui se rapprochait de mes lectures, “tapis jonché de feuilles”, etc. […] Et comme la littérature que je connaissais ne parlait pas d’une mère qui s’endormait à table de fatigue après souper ou de repas d’inhumation où l’on chante, je jugeais qu’il ne fallait pas en parler. […] Quand j’ai commencé à écrire, je me désespérais de ne pas faire de la beauté à chaque phrase. » (p. 10)
Fascinée et déférente envers ce nouveau monde, c’est dorénavant à son aune que l’enfant va jauger et juger toutes les valeurs et pratiques en vigueur dans le milieu familial d’origine. L’école symbolise en effet le basculement dans l’univers des livres et de la culture, avec le cortège de contraintes que ce mode d’accession aux études implique : contrôle de l’hexis corporelle et des affects, déni des goûts, des comportements et du langage qui ont cours dans la famille, bannissement de l’accent et du patois, rectification de l’intonation…
Ainsi s’exprime Denise Lesur, le « double » d’Annie Ernaux dans Les Armoires vides :
« [J’ai] la tête bruissante de mots, dominus, le maître, the cat is on the table, à côté les dettes des clients, les livraisons d’huile en retard font figure de choses sans importance. […] Comment aurais-je pu faire pour ne pas retenir, jusqu’à l’intonation même, ces mots de la maîtresse qui ouvraient à deux battants sur l’inconnu, sur tout ce qui n’était pas la boutique couverte de pas boueux, les criailleries du souper, les humiliations… […] Chez moi, j’étais libre de puiser dans les bocaux et les pots de confiote, d’agacer les vieux soûlots, de parler comme les mots me venaient, du popu et du patois […]. Toutes ces remarques, ces ricanements, non, les choses de mon univers n’avaient pas cours à l’école. […] Les profs […] ils ne tiendraient pas une journée chez moi, ils seraient dégoûtés, continuellement ils disent qu’ils ont horreur des gens vulgaires, ils font les dégoûtés si on éternue fort, si on se gratte, si on ne sait pas s’exprimer. […] Il n’y a peut-être jamais eu d’équilibre entre mes mondes. Il a bien fallu en choisir un, comme point de repère, on est obligé. Si j’avais choisi celui de mes parents, de la famille Lesur, encore pire, la moitié carburait au picrate, je n’aurais pas voulu réussir à l’école, ça ne m’aurait rien fait de vendre des patates derrière le comptoir, je n’aurais pas été à la fac. Il fallait bien haïr toute la boutique, le troquet, la clientèle de minables à l’ardoise. […] Étrangère à mes parents, à mon milieu, je ne voulais plus les regarder. […] Le pire, c’était que la classe […] ce n’était pas non plus mon vrai lieu. Pourtant, j’y aspirais de toutes mes forces. […] Il faut encore creuser l’écart, semer définitivement le café-épicerie, l’enfance péquenaude, les copines à indéfrisable… Entrer à la fac. » (p. 66, 67, 75, 78, 83, 94, 100, 119 et 161).
C’est donc essentiellement le langage qui vient cristalliser la rupture entre les deux mondes – et lui qu’il faudra sans cesse travailler pour rendre compte littérairement de cette dernière : celui de l’école, châtié et constamment contrôlé, qui invalide brutalement les pratiques linguistiques qui ont cours dans le milieu familial. « Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l’argent », note ainsi Annie Ernaux dans La Place (p. 64).
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Les remarques sur l’apprentissage du langage normé des dominants, sans référent dans l’expérience réelle – « pire qu’une langue étrangère », écrit-elle dans Les Armoires vides (p. 53) –, et la séparation d’avec « le monde d’en bas » qu’il signifie, abondent dans l’œuvre de l’écrivaine : « Enfant, quand je m’efforçais de m’exprimer dans un langage châtié, j’avais l’impression de me jeter dans le vide », se souvient-elle dans La Place (p. 64) ; ou encore :
« Il se trouve des gens pour apprécier le “pittoresque du patois” et du français populaire. Ainsi Proust relevait avec ravissement les incorrections et les mots anciens de Françoise. Seule l’esthétique lui importe parce que Françoise est sa bonne et non sa mère. Que lui-même n’a jamais senti ces tournures lui venir aux lèvres spontanément. Pour mon père, le patois était quelque chose de vieux et de laid, un signe d’infériorité. […] Il lui a toujours paru impossible que l’on puisse parler “bien” naturellement. Toubib ou curé, il fallait se forcer, s’écouter, quitte chez soi à se laisser aller. […] Toujours parler avec précaution, peur indicible du mot de travers, d’aussi mauvais effet que de lâcher un pet. » (p. 62-63)
Dans La Honte (1997) en particulier, Annie Ernaux évoque longuement les effets ataviques du premier langage :
« Parler bien suppose un effort, chercher un autre mot à la place de celui qui vient spontanément, emprunter une voix plus légère, précautionneuse, comme si l’on manipulait des objets délicats. […] Mon père dit souvent “j’avions” et “j’étions”, lorsque je le reprends, il prononce “nous avions” avec affectation, en détachant les syllabes, ajoutant sur son ton habituel, “si tu veux”, signifiant par cette concession le peu d’importance qu’a le beau parler pour lui. En 52, j’écris en “bon français” mais je dis sans doute “d’où que tu reviens” et “je me débarbouille” pour “je me lave” comme mes parents, puisque nous vivons dans le même usage du monde. » (p. 54-55)
Parlant comme ses parents, elle intériorise pourtant progressivement le modèle linguistique dominant, qu’elle décrit dans Les Armoires vides comme un « système de mots de passe pour entrer dans un autre milieu » (p. 78).
Soumise aux catégories d’entendement professoral, elle commence à écrire « comme ses lectures » :
« Je comprenais à peu près tout ce qu’elle disait, la maîtresse, mais je n’aurais pas pu le trouver toute seule, mes parents non plus, la preuve, c’est que je ne l’avais jamais entendu chez eux. […] [Les livres de lecture, de vocabulaire et de grammaire] ne parlent pas comme nous, ils ont leurs mots à eux, leurs tournures qui m’avertissent d’un monde différent du mien. […] Langage bizarre, délicat, sans épaisseur, bien rangé et qui prononcé, sonne faux chez moi. […] C’est pour ça que je n’employais mes nouveaux mots que pour écrire, je leur restituais leur seule forme possible pour moi. Dans la bouche, je n’y arrivais pas. Expression orale maladroite en dépit de bons résultats, elles écrivaient, les maîtresses sur le carnet de notes… Je porte en moi deux langages. […] La faute, c’est leur langage à eux [ses parents], malgré mes précautions, ma barrière entre l’école et la maison, il finit par traverser, se glisser dans un devoir, une réponse. J’avais ce langage en moi […]. Toutes les humiliations, je les mets sur leur compte, ils ne m’ont rien appris, c’est à cause d’eux qu’on s’est moqué de moi. Leurs mots dont on me dit qu’ils sont l’incorrection même, “incorrect”, “familier”, “bas”, mademoiselle Lesur, ne saviez-vous pas que cela ne se dit pas ? […] Maintenant, j’ai l’impression que je ne pourrai plus revenir en arrière, que j’avance, ruisselante de littérature, d’anglais et de latin, et eux, ils tournent en rond dans leur petit boui-boui. […] Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c’est trop tard. » (p. 53, 76, 77, 115, 158 et 181)
On saisit bien toute l’importance sociale et les implications politiques de ces thèmes, rarement abordés de manière aussi directe et systématique en littérature. Récits réflexifs d’une expérience individuelle, mais aussi et surtout narration d’une forme de destin épistémique, celui de la mobilité sociale ascendante de celles et ceux qui sont nés dans les années 1940-1950, les livres d’Annie Ernaux constituent une offre singulière de symbolisation de l’expérience du « transfuge de classe », fondée sur un pacte de lecture lui-même spécifique, « littéraire » mais sociologiquement instruit. Ils vont rapidement trouver un écho important chez des lectrices et lecteurs caractérisés par des formes d’identification projective avec l’autrice, leur permettant de mettre en mots, en particulier dans les lettres qu’elles-ils adressent en nombre à l’écrivaine, leur propre trajectoire et les déchirures sociales qui lui sont liées, souvent vécues jusqu’à lors sur le registre du cas singulier, de l’isolement et de la honte.
Au-delà de l’œuvre de la lauréate du prix Nobel de Littérature 2022, marquée par l’influence de ses connaissances sociologiques, il semble que les trajectoires de migration de classe prédisposent celles et ceux qui les expérimentent – et qui décident de les publiciser en les publiant sous forme de textes littéraires – à développer une sensibilité et une lucidité sociales aiguës, qui les amène à devenir de (très) bons « sociologues spontanés » d’eux-mêmes et d’un monde social où, pour eux, rien « ne va de soi ». Une sorte de « privilège de classe » inversé…
Cet article reprend des réflexions initiées dans une thèse de doctorat de science politique portant sur les conditions de production et sur les réceptions de l’œuvre d’A. Ernaux. Voir Charpentier (I.), Une Intellectuelle déplacée. Enjeux et usages sociaux et politiques de l’œuvre d’Annie Ernaux (1974-1998), Amiens, Université de Picardie–Jules Verne, 1999.
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