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Covid long : le cri d'alarme de patients
À l'occasion de la première Journée internationale du covid long, Priscilla Ribeiro, auxiliaire de vie à domicile, contaminée lors de la première vague, se fait la voix, dans cette lettre ouverte au président de la République et au ministre de la Santé, de plus de deux millions de Français qui souffrent de symptômes persistants de la maladie. Errance médicale, sentiment d'être abandonné des autorités sanitaires et politiques... Au-delà de la souffrance physique qui étreint certains malades depuis bientôt trois ans, leur invisibilité aux yeux de la société pèse comme une double peine. "Nous sommes malades pas muets", dit celle qui a fédéré de nombreux patients bien au-delà du pourtour de l'Étang de Berre où elle réside.
La tribune
"Monsieur le président de la République, monsieur le ministre de la Santé,
À plusieurs reprises, nos associations, nos malades, nos députés et sénateurs, vous ont interpellés, sur la réalité de nombreux hommes, femmes, enfants touchés par le covid long.
Plus de 200 études scientifiques dans le monde entier ont démontré la persistance virale et décrit des symptômes invalidants et douloureux. Aujourd'hui, nos malades sont en colère et fatigués d'être encore confrontés à ce silence assourdissant, ce déni... Vous ignorez les données scientifiques et économiques.
Pour rappel, le 12 octobre 2022, le directeur de l'Organisation mondiale de la santé, a déclaré : "Le monde doit agir contre les effets dévastateurs du covid long". Qu'en est-il de l'action en France ? Ou l'inaction devrait-on plutôt dire... alors qu'en 2020, Monsieur le Président, vous vous étiez engagé à "ne laisser personne sur le bord du chemin".
Vous, Monsieur Braun, depuis votre entrée en fonction en juillet 2022, vous n'avez eu que ces mots : "On ne sait pas encore si c'est une maladie". Comment osez-vous en tant que médecin et ministre décrédibiliser plus de 2 millions de citoyens français ? Il est insupportable que vous taisiez les conséquences économiques et sanitaires de ce virus, quand d'autres pays s'en inquiètent...
La Nouvelle Zélande et les États-Unis annoncent que le covid long pourrait être la cause principale d'invalidité dans leur pays. Le ministre de la Santé allemand rapporte "que le covid long est un problème majeur de la société, avec le potentiel de perturber le marché du travail", que "les personnes atteintes doivent souvent faire face à un déficit immunitaire incurable".
Nous serions à ce jour 145 millions atteints du covid long dans le monde, 2 millions en France, sans compter les enfants qui sont passés sous silence. Où en est-on de la plateforme promise par Olivier Véran depuis le 24 janvier 2022 à des fins de recensement en France ?
Vos compatriotes, Monsieur le Président, sont aujourd'hui malades et abandonnés. Ils ont besoin de vous ! Deux ans après les principaux symptômes n'ont pas disparu. Moins de 10 % des covid long sont rétablis, d'après de multiples études. Les patients ont besoin que la recherche avance : la France n'a déboursé que 9,5 millions en France contre 50 millions de livres au Royaume-Uni. L'Allemagne annonce un investissement de 100 millions d'euros !
Il est urgent que des autorisations d'essais thérapeutiques soient accordées mais aussi financés publiquement. Aujourd'hui aucun essai thérapeutique n'a débuté en France, contrairement à nos pays voisins.
Ces patients victimes de leur maladie le sont aujourd'hui aussi de la précarité. C'est encore aujourd'hui un parcours du combattant pour obtenir une prise en charge en affection de longue durée (ALD) ou la conserver. Mais également pour obtenir une reconnaissance de son handicap, une pension d'invalidité, une protection au niveau professionnel...
Nous sommes abasourdis de la méconnaissance de cette maladie par les généralistes et spécialistes malgré les recommandations de la HAS. Nous sommes perpétuellement confrontés au mépris et l'incrédulité, affrontant l'errance médicale.
Les malades souffrent, Monsieur le Président, Monsieur le ministre. Parfois de plus de 50 symptômes par jour. Une liste tellement longue et lourde de conséquences que les paroles de Brigitte Autran, présidente du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) n'en sont que plus choquantes : "Ce sont des symptômes désagréables".
La vérité est tout autre : une multitude de symptômes paralysants, douloureux. Des pères ou mères souvent inaptes à reprendre leur travail, conduire leurs enfants à l'école. Des enfants trop épuisés pour suivre les cours et déscolarisés. Des patients souvent extrêmement carencés, dénutris, anémiés, allant jusqu'au scorbut quand d'autres sont en fauteuil roulant... Des malades ayant développé des insuffisances surrénaliennes, des diabètes, de l'asthme, que les médecins n'arrivent pas à stabiliser et pour qui ces traitements vitaux manquent dans les pharmacies ! Ces malades en arrivant parfois au pire : le suicide. Pourquoi une telle ineptie ? Une telle inertie ?
Cher Président, cher ministre, que feriez-vous si c'était vos vies qui s'étaient arrêtées depuis 2020, 2021, ou encore 2022 ?"