vendredi 4 novembre 2022

CINÉMA

20th Century Fox

“Loin du paradis”, “E.T.”, “Twin Peaks”…, les cercles de l’enfer pavillonnaire américain en neuf films

Sous ses dehors tranquilles et proprets, la banlieue résidentielle américaine vire souvent au cauchemar. Et a inspiré bon nombre de productions hollywoodiennes. Dont le poignant “Loin du paradis”, de Todd Haynes, diffusé ce 4 novembre sur Arte.

« Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon », écrit Tolstoï dans Anna Karénine. Le cinéma hollywoodien en prend bonne note et produit à peu près autant de récits originaux qu’il y a de foyers en déroute, à partir des années 40 et à mesure que les zones péri-urbaines se développent aux États-Unis. Le but est alors d’accéder à un cadre de vie meilleur, débarrassé de toute altérité. Un tel mirage ne peut que s’estomper dans la douleur. Et si les banlieues résidentielles sont aujourd’hui plus diversifiées sur le plan racial et économique, elles sont toujours minées par la surveillance obsessionnelle, la violence cachée derrière les clôtures blanches et l’ennui au-delà de la pelouse bien entretenue. Autant de revers qui ont inspiré le cinéma. Revue des films emblématiques.

Le plus vintage

Gregory Peck et Jennifer Jones dans « L’Homme au complet gris ».

Gregory Peck et Jennifer Jones dans « L’Homme au complet gris ».

20th Century Fox

L’Homme


Le plus vintage

Gregory Peck et Jennifer Jones dans « L’Homme au complet gris ».

Gregory Peck et Jennifer Jones dans « L’Homme au complet gris ».

20th Century Fox

L’Homme au complet gris, de Nunnally Johnson (1956), est l’adaptation pleine d’acuité d’un best-seller, qui rappelle combien l’utopie suburbaine est d’abord un genre littéraire. Le gris est la couleur du costume et de la vie d’un bureaucrate (Gregory Peck), qui pensait qu’en gagnant beaucoup d’argent et en contemplant sa femme-trophée (Jennifer Jones), lorsqu’il rentre le soir dans son enclave chic du Connecticut, il oublierait les traumatismes de la guerre. Peine perdue. Comme beaucoup d’autres cinéastes, Mike Nichols se souviendra avec Le Lauréat de ce film pionnier, et de cette banlieue vue comme le tombeau du bonheur, non sa promesse.

Le plus chromatique

Rock Hudson et Jane Wyman dans « Tout ce que le ciel permet ».

Rock Hudson et Jane Wyman dans « Tout ce que le ciel permet ».

Universal

Tout ce que le ciel permet, de Douglas Sirk (1955), dont Loin du paradis est la relecture, sublime avec une utilisation exacerbée de la couleur et un sens profond des émotions humaines un amour entre une veuve (Jane Wyman) et son jardinier (Rock Hudson), rendu impossible par les tares de leur petite communauté (bigoterie et mépris de classe). Entre fascination esthétique et critique sociale des États-Unis, Sirk régénère les archétypes du mélo. Nicholas Ray lui emboîte le pas avec Derrière le miroir, où il s’agit de bourrer de tranquillisants tous ceux qui pourraient déranger la quiétude pavillonnaire. Richard Quine suit avec Liaisons secrètes, où la répression des sentiments du couple illégitime Kim Novak-Kirk Douglas atteint son paroxysme, au nom de la norme, mais jamais très loin d’une piscine privée, d’un country club et d’une palmeraie.

Le plus méchant

Sheryl Lee dans « Twin Peaks » de David Lynch.

Sheryl Lee dans « Twin Peaks » de David Lynch.

New Line

Twin Peaks : Fire Walk with Me, de David Lynch (1992), également sous-titré Les sept derniers jours de Laura Palmer, a montré que le tableau de la famille américaine ressemblait moins à Norman Rockwell qu’à Francis Bacon. Conspué à sa sortie, ce film cauchemardesque est depuis sorti de son purgatoire, peut-être parce que tout le monde sait maintenant que c’est la belle vie qui est un fantasme et Bob, le bourreau de Laura Palmer, la réalité.

Le plus aimé

« E.T » de Steven Spielberg sorti en 1982.

« E.T » de Steven Spielberg sorti en 1982.

Amblin

E.T., l’extra-terrestre, de Steven Spielberg (1982), et son alien sympa, qui bouleverse une famille endeuillée et son gamin solitaire, quelque part dans les marges citadines californiennes, étonne encore aujourd’hui par sa bienveillance. Aucun autre cinéaste n’a pourtant déconstruit la banlieue résidentielle américaine comme Spielberg, surtout dans ses
productions (GremlinsSuper 8). Tim Burton lui succédera avec Edward aux mains d’argent et sa créature, vue comme un déclassé surgi dans une banlieue qui se retournera contre lui.

Le plus conceptuel

« Get Out » de Jordan Peele, sorti en 2017 .

« Get Out » de Jordan Peele, sorti en 2017 .

Universal /Blumhouse Productions/QC Entertainment

Dans Get Out (2017), une jeune blanche décide de présenter à ses parents son petit ami noir. Il les rejoint dans leur enclave chic. Il n’aurait pas dû. Jordan Peele métaphorise les peurs de la communauté afro-américaine. Si l’amélioration du niveau de vie des Afro-Américains a engendré un black flight (l’exode des noirs en banlieue, qui a pris le relais du white flight), elle n’a pas pour autant aboli la suprématie blanche.

Le plus dépressif

« Virgin Suicides » de Sofia Coppola.

« Virgin Suicides » de Sofia Coppola.

American Zoetrope/Muse/Eternity

Dans Virgin Suicides (1999), Sofia Coppola évoque le martyre de cinq sœurs qui étouffent littéralement dans les faubourgs de Detroit. Si le film se situe dans les années 70, il correspond à une période faste pour le genre du suburb movie, avec Ice Storm, d’Ang Lee, Donnie Darko, de Richard Kelly, Happiness, de Todd Solondz, et American Beauty, de Sam Mendes.

Le plus drôle

« Retour vers le futur » de Robert Zemeckis.

« Retour vers le futur » de Robert Zemeckis.

Universal Pictures/Amblin Entertainment/U-Drive Productions

Dans Retour vers le futur, de Robert Zemeckis (1985), encore produit par Spielberg, la terre natale de Marty McFly est Hill Valley, en Californie, et surtout Hilldale, sa zone résidentielle. Lorsqu’il voyage dans le temps, le lieu n’est encore qu’un projet enviable. Trente ans après, c’est là où croupissent les ratés. Citons pour le plaisir Springfield, la ville imaginaire des Simpson, où la distinction ville / banlieue / péri-urbain, si exacerbée en France, s’efface complètement, et la banlieue nord de Chicago, où se situent la plupart des films produits ou réalisés par John Hughes (Breakfast Club)

Le plus tranchant

« Halloween » de John Carpenter.

« Halloween » de John Carpenter.

Falcon International Pictures/Compass International Pictures

Halloween de John Carpenter (1978) met en scène les suburbs comme un espace labyrinthique où chacun, ayant emménagé là pour se croire à l’abri, est à la merci du danger. Le tueur Michael Myers entre dans chaque maison, passe de jardin en jardin et s’incruste dans des scènes typiques du rêve américain : à proximité d’une école, derrière des haies bien taillées. Il n’y a aucun refuge. L’horreur suburbaine et sa critique sociale traversent aussi la filmographie de Wes Craven. Sans oublier Gone Girl, de David Fincher, qui a fait à l’image du couple installé dans son pavillon ce que le requin des Dents de la mer a fait à la
baignade.

Le plus télévisuel

Craig T. Nelson, Heather O’Rourke et JoBeth Williams dans « Poltergeist ».

Craig T. Nelson, Heather O’Rourke et JoBeth Williams dans « Poltergeist ».

MGM

Dans Poltergeist, de Tobe Hooper (1982), toujours produit par Spielberg, un quartier pavillonnaire californien est bâti aveuglément sur un ancien cimetière, libérant des forces surnaturelles qui sévissent sous forme de bruits blancs, produits par le tube cathodique d’un téléviseur. Ou quand la critique des gated communities, ces quartiers résidentiels fermés, se joint aux dangers du petit écran. Celui-ci, longtemps bienveillant à l’égard de ce mode de vie insulaire, via des séries comme Peyton Place, n’en finit plus de le déconstruire, de Desperate Housewives à Weeds.

 

Enfants

Pourquoi l’Égypte antique fascine-t-elle tant les enfants ?

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Isabelle Alvaresse

Publié le 14/09/22

À l’exposition « Toutankhamon, le trésor du pharaon » de la Grande halle de la Villette, à Paris, en 2019.

À l’exposition « Toutankhamon, le trésor du pharaon » de la Grande halle de la Villette, à Paris, en 2019.

Photo Nicolas Guyonnet / Hans Lucas

Alors que l’on célèbre ce 14 septembre le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes, l’Égypte ancienne continue de captiver. Retour sur une passion qui naît souvent dès l’enfance, avec l’égyptologue Guillemette Andreu-Lanoë.

2022, année égyptologique : nous fêtons ce 14 septembre le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, et, le 26 novembre prochain, le centenaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter. Deux découvertes majeures, sur une civilisation qui n’a pas encore livré tous ses secrets, et qui continue de fasciner, souvent dès l’enfance. Rencontre avec Guillemette Andreu-Lanoë, égyptologue et ancienne directrice du département des antiquités égyptiennes du Louvre.

Ces derniers mois ont donné lieu à plusieurs expositions sur l’Égypte antique, dont certaines liées à l’anniversaire du déchiffrement des hiéroglyphes. On a vu que les enfants manifestaient toujours un grand intérêt pour le sujet. Est-ce aussi ce que vous avez constaté durant votre carrière ?
Oui, et c’est même frappant lorsqu’on travaille dans un musée qui comporte un département d’antiquités égyptiennes, comme le Louvre. Les groupes scolaires et les enfants sont toujours très nombreux dans les salles égyptiennes, et les questions qu’ils posent sont séduisantes parce qu’on sent qu’ils ont un contact spontané avec la civilisation égyptienne. C’est-à-dire que nous, adultes, on est quand même un peu étonné de voir une déesse avec une tête de serpent et un corps de femme, ou une déesse avec une tête d’hippopotame et une grosse poitrine qui pend. Tout cela est assez perturbant, mais pas pour les enfants. C’est extraordinaire de voir à quel point ils sont en phase avec ce monde polymorphe et hybride. Je pense que les enfants trouvent dans la production de la civilisation égyptienne, iconographique en particulier, de quoi rêver et s’approprier des images qui leur conviennent, et qui les poursuivent à l’âge adulte. L’égyptophilie naît très souvent dans l’enfance.


Par quoi est alimentée cette égyptophilie ?
Par les expositions, et les découvertes fréquentes et spectaculaires qui ont lieu en Égypte. Car l’archéologie y est extrêmement active, d’autant plus que l’on considère qu’à peine 50 % des tombes ou des sites civils ont été découverts. Il y a donc encore énormément de travail à faire. Des découvertes passionnantes sont faites chaque année, soit par des missions étrangères associées à des collègues égyptiens, soit par des Égyptiens du ministère du Tourisme et des Antiquités qui savent très bien communiquer sur le sujet. Cette année, les gens ont encore été stupéfaits par les dizaines de sarcophages intacts découverts dans la nécropole de Saqqarah…

Ces découvertes sont majoritairement liées aux rites funéraires ?
Ce qu’on connaît le mieux de l’Égypte antique, conservé par le climat et les siècles, c’est tout ce qui est relatif au monde religieux, que ce soient des temples ou des nécropoles. Heureusement, quelques sites font exception, comme celui sur lequel j’ai beaucoup travaillé, Deir el-Médina : il a abrité la communauté des artisans et des ouvriers des artistes, dont la mission était de creuser et décorer les tombes de la vallée des Rois et de la vallée des Reines. Et comme c’est un site civil, on a trouvé énormément de papyrus, de petits tessons et de fragments de calcaire sur lesquels les scribes ont jeté des notes quotidiennes, y compris des journaux de bord. Et même une liste d’appel des ouvriers avec les raisons de leur absence ! Ce site est pour le moment unique pour notre connaissance de l’Égypte ancienne, car on y a trouvé des indications, et même des peintures, profanes. Alors qu’on ne connaissait que des tombes montrant le défunt ou le pharaon en train de faire des offrandes au dieu des morts, on a vu tout d’un coup des dessins caricaturaux. Et on se rend compte que les Égyptiens savaient se moquer des dieux !

“Ça ne choque pas les enfants de regarder un personnage dont on voit le nez de profil, l’œil et les épaules de face, et le bassin et les jambes en mouvement de profil.”

Vous dites que ces créatures hybrides, mi-hommes, mi-animaux, sont très parlantes et évidentes pour les enfants. Y a-t-il, selon vous, d’autres facteurs qui leur rendent cette civilisation attrayante ?
La polychromie, également : il suffit d’acheter un cahier de coloriage et on peut recopier une peinture d’une tombe égyptienne, avec du rouge, du vert, du bleu, du jaune, de l’ocre… Par rapport à ce qu’on sait de l’art grec, connu surtout par sa sculpture en marbre blanc, là on a énormément de documents et de peintures bien conservés et polychromes.

Un détail de la fresque qui orne de le tombeau de la reine égyptienne Nefertari, à Louxor.

Un détail de la fresque qui orne de le tombeau de la reine égyptienne Nefertari, à Louxor.

Photo NPL/opale.photo

Comment cette polychromie a-t-elle été conservée ?
Essentiellement dans les tombes, par l’absence de choc thermique. Ce qui a beaucoup protégé ces peintures, c’est la sécheresse du climat, mais aussi le fait que jusqu’à la fin du XVIIIᵉ siècle et l’expédition de Bonaparte, on ne s’est pas beaucoup intéressé à l’Antiquité égyptienne. Les Égyptiens n’entraient pas dans ces tombes, et il n’y avait pas encore de monnayage possible de ces antiquités.

Ce style très particulier, très graphique, a-t-il un équivalent dans d’autres civilisations ?Je ne suis qu’égyptologue, donc j’ai peur de vous dire des bêtises sur d’autres civilisations. Ce qui est évident, c’est que, par exemple, ça ne choque pas les enfants de regarder un personnage dont on voit le nez de profil, l’œil et les épaules de face, et le bassin et les jambes en mouvement de profil… Ils ne se posent pas la question, ça va de soi. Alors que nous, on s’est donné tellement de mal pour essayer de trouver un code derrière tout ça.

“Champollion, très jeune, a appris l’hébreu, le chaldéen, le grec , le latin, l’arabe, et le copte. C’est quand même extraordinaire...”

Si on devait dater cet intérêt des enfants pour l’Égypte (c’est d’ailleurs dans l’enfance aussi que Champollion s’est passionné pour les hiéroglyphes), ce serait les premières expéditions ?
Oui, si l’on prend l’exemple de Champollion, ce qui l’a évidemment attiré vers l’Égypte, c’est la fréquentation du préfet de Grenoble, Joseph Fourier : celui-ci avait participé à la commission d’Égypte de Bonaparte et faisait partie des personnages importants qui devaient réunir les vingt-trois volumes faisant la Description de l’Égypte. À partir du moment où Champollion, enfant, voit des antiquités égyptiennes et des planches qui vont constituer la Description de l’Égypte, il a un coup de foudre. Et comme c’était un enfant tout à fait unique intellectuellement, il s’est dit, à 12 ans : « J’arriverai à déchiffrer les hiéroglyphes. » Et il y est arrivé.

Quel a été le rôle de son frère dans cette découverte ?
Jacques-Joseph avait douze ans de plus, et a bien perçu le quotient intellectuel assez stupéfiant du petit frère. Ensemble, ils formaient un tandem : le déchiffrement des hiéroglyphes est un déchiffrement à deux têtes. L’aîné était plutôt helléniste, mais c’était sûrement un grand intellectuel qui connaissait bien le grec, le latin, etc. Et il a permis à son petit frère d’apprendre tout ce qu’il avait envie d’apprendre, y compris le chinois. C’est quand même extraordinaire ce que Champollion, très jeune, a appris comme langues anciennes, l’hébreu, le chaldéen, le grec évidemment, le latin, l’arabe – même si ce n’est pas une langue ancienne, il pensait qu’il y avait peut-être des liens. Et puis le copte.

Tout cela dans le but de déchiffrer les hiéroglyphes ?
C’était une idée fixe. Mais ce qui était extraordinaire chez Champollion, c’est que même s’il n’était pas très sûr de ce qu’il racontait, il avançait, ça ne le bloquait pas. Il avait une espèce d’intuition que c’était peut-être ça, qu’il ne pouvait pas vraiment le prouver, mais que quand même il allait voir si ça marchait un peu plus loin. Et en général, il se trompait très peu. Il avait comme une connaissance intime, instinctive de cette écriture. Il ne s’en serait pas sorti s’il n’avait pas osé. Dans la vie, il faut de l’audace, et dans la recherche en particulier.

Le soutien de son frère a beaucoup compté dans cette audace ?
L’aîné aussi était souvent convaincu que son petit frère avait raison. Et quand il sentait qu’il se trompait, par exemple quand il s’est mis à faire du chinois, il lui a dit de laisser tomber et d’apprendre le copte par cœur. C’est en partie grâce à cela que Champollion a fini par parvenir à déchiffrer les hiéroglyphes, car il a compris que le copte était le dernier état de l’égyptien… La légende dit qu’après avoir compris le système hiéroglyphique, il a couru chez son frère et est tombé dans un coma de trois jours. On peut tout à fait le croire : il avait 32 ans, et ça faisait une vingtaine d’années qu’il travaillait là-dessus.

Et vous-même, pour finir, avez aussi eu cette passion depuis l’enfance ?
Non, pas du tout ! Mon père, journaliste, a été en poste à Beyrouth quand j’étais adolescente et à l’époque, à la fin des années 1960, début des années 1970, on se baladait tout le temps. J’ai donc découvert l’archéologie proche-orientale, tout ce qui était Mésopotamie, Empire romain en Phénicie, en Turquie, en Irak. Et puis je suis rentrée à Paris pour mes études supérieures. Et disons que… j’étais très flemmarde : j’habitais rue de la Montagne-Sainte-Geneviève et je voulais faire mes études à la Sorbonne parce que c’était le plus près ! Je me suis donc inscrite non pas en archéologie orientale à Nanterre, mais à la Sorbonne, où il y avait de l’égyptologie. Je me suis tout de suite enthousiasmée pour ce que j’apprenais, en particulier l’écriture, que j’adorais, compliquée et tellement belle à la fois. Puis j’ai assez tôt accepté un poste pour créer un centre de documentation franco-égyptien à Karnak. Et j’ai été complètement happée par l’Égypte.


À voir
« Champollion - La voie des hiéroglyphes », du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023, Louvre-Lens (62).
« Pharaons superstars » , Mucem, Marseille (13). Jusqu’au 17 octobre 2022.
« L’horizon de Khéops. Un voyage en Égypte ancienne »IMA, Paris (75). Jusqu’au 2 octobre 2022.
« Momies. Les chemins de l’éternité », Hôtel départemental des expositions du Var, Draguignan (83). Jusqu’au 25 septembre 2022.
À lire 
Guide de Deir el-Médina, de Guillemette Andreu-Lanoë et Dominique Valbelle, éd. Les guides de l’Ifao, 182 p., 19 €.



Toutânkhamon

 

Toutânkhamon est né il a plus de trois mille ans, vers 1345 avant J.-C. Il est le fils de deux personnalités extrêmement connues et importantes de l’Egypte ancienne, Akhenaton et Néfertiti. Avant d’avoir un fils, le couple avait eu cinq filles, et c’est évidemment Toutânkhamon qui deviendra pharaon. Il est marié à l’âge de 9 ans… à sa sœur aînée, et débute au même âge son règne : Toutânkhamon n’a pas vraiment eu d’enfance, il règne à peine dix ans, jusqu’à sa mort, à 18 ou 19 ans, en 1327 avant J.-C. Il est considéré comme le dernier pharaon sans gloire de sa dynastie (la 18e). Pourquoi sans gloire ? Parce qu’il a le malheur d’avoir été le fils de ses illustres parents. Akhenaton et Néfertiti sont à l’origine d’une révolution civilisationnelle, culturelle et religieuse extrêmement importante au XIVe siècle avant notre ère. A cette époque, l’Empire égyptien est à son apogée, le clergé qui honore de nombreux dieux a un pouvoir politique indéniable. Et voici que les époux royaux décident de rompre avec les dieux ancestraux pour vénérer le disque solaire Aton comme dieu quasiment unique. Une forme de monothéisme inédite alors. Aton est un dieu proche des hommes et de la nature, on le voit tous les jours puisque le soleil se lève chaque matin. Révolution. Le clergé et les dignitaires sont bien sûr hostiles à cette révolution. Néfertiti et Akhénaton décident également de déplacer la capitale de Louxor à Tell el-Amarna, où il se font souvent représenter avec leur fils sur les genoux.

Découverte de la tombe du pharaon Toutankhamon dans la Vallée des rois (Égypte): Howard Carter, regardant à travers les portes du deuxième sanctuaire, le 4 janvier 1924.

Découverte de la tombe du pharaon Toutankhamon dans la Vallée des rois (Égypte): Howard Carter, regardant à travers les portes du deuxième sanctuaire, le 4 janvier 1924.

photo Harry Burton/Bridgeman Giraudon

Toutânkhamon ne poursuivra pas l’œuvre de ses parents. En l’an 2 de son règne (il a donc environ 10 ans), manquant cruellement d’expérience et subissant quelques manipulations de la part des dignitaires, il rétablit l’ordre précédent et retourne à l’orthodoxie polythéiste. Quand son règne débute, l’économie va mal, l’ère initiée par son père décline et le jeune Toutânkhamon a une santé fragile. On pense qu’il boitait et qu’il avait des difficultés à marcher. Il est toujours représenté assis, même quand il chasse – activité qui se pratique debout d’ordinaire. Il meurt brutalement, probablement d’une blessure au genou qui se serait infectée, c’est en tout cas ce que laissent supposer les analyses effectuées en 2010 sur sa momie.

Comment a-t-on découvert son tombeau ?

On doit cette prodigieuse découverte à la passion de Lord Carnarvon, riche comte britannique, qui se découvre un goût pour l’égyptologie quand il débarque au Caire en 1903 pour se remettre d’un accident de voiture. Il finance des fouilles à titre privé, une première, et il en veut pour son argent. Le mécène anglais a un poulain : Howard Carter. L’égyptologue anglais débute ses fouilles en 1914 dans la région de la Vallée des Rois… et ne découvre rien de majeur, mais il sait, il en est persuadé, que la tombe de Toutânkhamon est proche. En 1922, Carnarvon se désespère et offre une dernière saison de fouilles à Carter. C’est sa dernière chance. Et le matin du 4 novembre, tout s’accélère. Hussein, un gamin alors chargé de remplir des jarres d’eau, creuse le sable pour que le récipient tienne sans se renverser… et découvre une marche. Carter accourt, et c’est une volée entière de marches qui se dévoile sous le sable. Au bout, l’entrée d’un tombeau. “Avons enfin fait une découverte extraordinaire dans la vallée. Une tombe somptueuse dont les sceaux sont intacts. L’avons refermée jusqu’à votre arrivée. Félicitations.” lit-on sur le télégramme que Carter adresse à Lord Carnarvon. Une fois les deux hommes réunis sur place, en costumes trois pièces, chapeaux et cannes comme ils se doit, ils jettent enfin un œil à la première salle. Carter éclaire la chambre funéraire avec une bougie : “D’abord, je ne vis rien : l’air chaud s’échappant de la chambre faisait danser la flamme de la bougie. Puis, à mesure que mes yeux s’accoutumaient à la faible luminosité, des formes se dessinèrent lentement dans l’obscurité de la pièce, d’étranges animaux, des statues et de l’or – partout le scintillement de l’or”, écrira-t-il. La tombe est la seule qu’on ait trouvée intacte, inviolée, avec autant d’objets à l’intérieur. C’est une découverte exceptionnelle, qui a d’autant plus de retentissement qu’elle est relayée par les médias – des photos et des films documentent les fouilles.

Que trouve-t-on dans le tombeau de Toutânkhamon ?

Toutânkhamon est mort jeune, soudainement, et le tombeau n’était certainement pas prévu pour lui : il est trop petit pour être celui d’un pharaon et le décor est tout à fait banal. Mais à l’intérieur, Howard Carter découvre plus de cinq mille objets constituants le mobilier funéraire. On a accumulé, en tassant, quantité de choses dignes d’un pharaon, un peu à la va-vite, tout est sens dessus dessous, comme dans un garage mal rangé ! Reste que tous les objets sont d’une beauté stupéfiante. L’art égyptien au moment de la mort de Toutânkhamon est à son apogée, et tout est d’une finesse exceptionnelle.

Il y a de la vaisselle, des meubles, des bijoux, des statues… Il faut plusieurs jours à Howard Carter (surtout à sa valeureuse équipe) pour dégager tous les objets et atteindre la véritable tombe du pharaon. La momie de Toutânkhamon se trouve dans le quatrième et dernier cercueil enchâssé, sous le célèbre masque d’or – dix kilos de métal précieux pour le masque, cent-dix pour le cercueil, et en tout, on trouve pas moins de deux cents kilos d’or dans le tombeau.

Pectoral en or incrusté de pierre avec scarabée en lapis. Or, lapis lazuli, turquoise, cornaline, feldspath, calcite. Chambre du trésor, Louxor, vallée des Rois.

Pectoral en or incrusté de pierre avec scarabée en lapis. Or, lapis lazuli, turquoise, cornaline, feldspath, calcite. Chambre du trésor, Louxor, vallée des Rois.

Laboratoriosrosso

Rien n’est trop beau pour un pharaon et l’ensemble est sublime. L’accumulation d’objets est éblouissante et l’état de conservation stupéfiante. Le tombeau n’ayant jamais été violé, aucun choc thermique ni hydraulique n’est venu perturber l’atmosphère. La tombe est restée scellée pendant les trois mille ans : la découverte est sans équivalent. »

Quels étaient les rites funéraires pour un pharaon ?

Toutânkhamon a été momifié : en plus de l’avoir enrubanné de couches et de couches de bandelettes – une opération qui pouvait prendre plusieurs dizaine de jours – on a vidé toutes les parties purulentes et molles de son corps. Les entrailles, les organes et les viscères sont placés dans des vases canopes, qu’on met à côté du cercueil pour que l’illustre défunt, une fois arrivé dans l’au-delà, puissent les retrouver. Il s’agit d’arriver dans “l’après” le plus intact possible et de mener une vie des plus agréables. C’est pour cela qu’on enterre le pharaon avec autant d’objets, de meubles, mais aussi des boissons, de la nourriture : il ne sera pas dépaysé dans l’au-delà et il aura tout le confort à portée de main. Et pour qu’il ne manque vraiment de rien, on place non loin de lui des statuettes funéraires (ouchebtis), équipées d’outils du quotidien – pour labourer, ramasser le blé… – afin d’effectuer tout un tas de corvée dans l’au-delà our le souverain. Normalement, on trouve une statuette pour chaque jour de l’année : même mort, le pharaon n’aura pas à s’abaisser à de vulgaires corvées.

Et les malédictions alors ?

Maudits soient les pilleurs de tombeau ! Une légende, tenace, fait état d’une malédiction touchant celles et ceux qui ont eu le malheur d’approcher, directement ou non, la momie de Toutânkhamon. D’abord, le canari d’Howard Carter est dévoré par un cobra, emblème royal, ensuite, un an après la découverte de la tombe, c’est Lord Carnarvon qui succombe à une septicémie à la suite d’une vilaine piqûre de moustique… qui aurait le même emplacement qu’une balafre sur le visage de Toutânkhamon.

Pire : les lumières du Caire s’éteignent quand il meurt. Coïncidences ? La presse de l’époque n’y croit pas et s’emballe. Ils vont être nombreux à mourir ainsi, dans des circonstances que beaucoup trouvent douteuses. Ajoutons à cela le scanner, dernier cri et flambant neuf, qui doit analyser la momie… tombe en panne ! N’en jetez plus, tout le monde tremble. Tous ces drames ont aussi des explications bien rationnelles, n’en déplaise aux amateurs de malédictions. L’égyptologue Jean-Philippe Lauer, qui a passé sa vie à explorer des tombeaux, est, lui, mort de sa belle mort à l’âge de 99 ans. Rappelons que les conditions de vie d’un égyptologue dans les années 1920 n’étaient pas non plus idéales. « Survivre à une telle découverte, celle du tombeau de Toutânkhamon, n’est pas évident. C’est un tel bouleversement ! Mais n’allons pas dire que Carter était un émotif… », conclut, amusée, l’égyptologue Guillemette Andreu-Lanoë.

Cent ans après la découverte du tombeau de Toutânkhamon, tout savoir sur le pharaon superstar

Julia Vergely

Il est aussi connu que les pyramides et la belle Cléopâtre. Pharaon parmi les pharaons, Toutânkhamon doit sa notoriété mondiale à un événement dont il n’est pas responsable. La découverte de son tombeau, intact, le 4 novembre 1922 par le Britannique Howard Carter met au jour de multiples splendeurs inhumées avec cet enfant-roi, mort avant sa vingtième année. Grâce à l’aide précieuse de l’égyptologue Guillemette Andreu-Lanoë, voici ce qu’il faut savoir sur la vie et l’héritage du mythique roi égyptien. « Toutânkhamon est né il y a plus de trois mille ans, vers 1345 avant J.-C. Il est le fils de deux personnalités extrêmement connues et importantes de l’Égypte ancienne, Akhenaton et Néfertiti. Avant d’avoir un fils, le couple avait eu cinq filles, et c’est évidemment Toutânkhamon qui deviendra pharaon. Il est marié à l’âge de 9 ans… à sa sœur aînée, et débute au même âge son règne : Toutânkhamon n’a pas vraiment eu d’enfance, il règne à peine dix ans, jusqu’à sa mort, à 18 ou 19 ans, en 1327 avant J.-C. Il est considéré comme le dernier pharaon, sans gloire, de sa dynastie (la 18e). Pourquoi sans gloire ? Parce qu’il a le malheur d’avoir été le fils d’illustres parents. Akhenaton et Néfertiti sont à l’origine d’une révolution civilisationnelle, culturelle et religieuse extrêmement importante au XIVe siècle avant notre ère. » Lire la suite de notre entretien

ÇA PEUT SERVIR

 


ÉCHOS DU RHUM

 Depuis 1978 et la première édition de la transatlantique qui rassemble ce qui se fait de mieux et de plus rapide sur la mer, la course a bien changé. Et pourtant, dès cette première édition, les ingrédients étaient déjà réunis pour installer la Route du Rhum dans la légende de la course au large.




 « Plus jeune, traverser la Manche était déjà long » : Sam Davies se souvient
La navigatrice anglaise Samantha Davies s’apprête à prendre le départ de sa deuxième Route du Rhum. Sur un Imoca flambant neuf imaginé pour elle, elle continue d’inspirer la nouvelle génération.


Un hommage rendu à Mike Birch, à Dinard
Jeudi 3 novembre, le premier vainqueur de la Route du Rhum aurait dû participer à une table ronde, à Dinard. Il s’est éteint le 26 octobre dernier : un hommage lui a été rendu, en présence de son épouse, France Birch.



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