Le chant des partisans (texte et musique)
Musique de Anna MARLY Paroles de Joseph KESSEL et de Maurice DRUON |
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine?
Ami, entends-tu le bruit sourd du pays qu'on enchaîne? Ohé partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme! Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes. Montez de la mine, descendez des collines, camarades, Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades; Ohé Francs tireurs, à la balle et au couteau tirez vite! Ohé saboteur, attention à ton fardeau dynamite! C'est nous qui brisons les barreaux des prisons, pour nos frères, La haine à nos trousses, et la faim qui nous pousse, la misère. Il est des pays où les gens aux creux des lits font des rêves Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue nous on crève Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe; Ami, si tu tombes, ami sort de l'ombre à ta place. Demain du sang noir séchera au grand soleil sur les routes Sifflez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute. Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine? Ami, entends-tu le bruit sourd du pays qu'on enchaîne? |
Courage de Paul Eluard
|
L'affiche rouge de Louis Aragon
|
Paris a froid Paris a faim Paris ne mange plus de marrons dans la rue Paris a mis de vieux vêtements de vieille Paris dort tout debout sans air dans le métro Plus de malheur encore est imposé aux pauvres Et la sagesse et la folie De Paris malheureux C'est l'air pur c'est le feu C'est la beauté c'est la bonté De ses travailleurs affamés Ne crie pas au secours Paris Tu es vivant d'une vie sans égale Et derrière la nudité De ta pâleur de ta maigreur Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux Paris ma belle ville Fine comme une aiguille forte comme un épée Ingénue et savante Tu ne supportes pas l'injustice Pour toi c'est le seul désordre Tu vas le libérer Paris Paris tremblant comme une étoile Notre espoir survivant Tu vas te libérer de la fatigue et la boue Frères ayons du courage Nous qui ne sommes pas casqués Ni bottés ni gantés ni bien élevés Un rayon s'allume en nos veines Notre lumière nous revient Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous Et voici que leur sang retrouve notre cœur Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris La pointe de la délivrance L'espace du printemps naissant La force idiote a le dessous Ces esclaves nos ennemis S'ils ont compris S'ils sont capables de comprendre Vont se lever. | Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servis simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants Nul ne semblait vous voir Français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos Morts pour la France Et les mornes matins en étaient différents Tout avait la couleur uniforme du givre A la fin février pour vos derniers moments Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le cœur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant |
La rose et le réséda de Louis Aragon
A Gabriel Péri et d'Estienne d'Orvescomme à Guy Môquet et Gilbert Dru |
Liberté de Paul Eluard
L'aviation britannique le diffuse massivement au-dessus de la France occupée.Eluard est recherché, il doit changer de nom et changer fréquemment de cache. |
Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous deux adoraient la belle Prisonnière des soldats Lequel montait à l'échelle Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Qu'importe comment s'appelle Cette clarté sur leur pas Que l'un fût de la chapelle Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu'elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Du haut de la citadelle La sentinelle tira Par deux fois et l'un chancelle L'autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Ils sont en prison Lequel A le plus triste grabat Lequel plus que l'autre gèle Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Un rebelle est un rebelle Nos sanglots font un seul glas Et quand vient l'aube cruelle Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Répétant le nom de celle Qu'aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Il coule il coule et se mêle A la terre qu'il aima Pour qu'à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas L'un court et l'autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L'alouette et l'hirondelle La rose et le réséda | Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J’écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J’écris ton nom Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J’écris ton nom Sur la jungle et le désert Sur les nids sur les genêts Sur l’écho de mon enfance J’écris ton nom Sur les merveilles des nuits Sur le pain blanc des journées Sur les saisons fiancées J’écris ton nom Sur tous mes chiffons d’azur Sur l’étang soleil moisi Sur le lac lune vivante J’écris ton nom Sur les champs sur l’horizon Sur les ailes des oiseaux Et sur le moulin des ombres J’écris ton nom Sur chaque bouffée d’aurore Sur la mer sur les bateaux Sur la montagne démente J’écris ton nom Sur la mousse des nuages Sur les sueurs de l’orage Sur la pluie épaisse et fade J’écris ton nom Sur les formes scintillantes Sur les cloches des couleurs Sur la vérité physique J’écris ton nom Sur les sentiers éveillés Sur les routes déployées Sur les places qui débordent J’écris ton nom Sur la lampe qui s’allume Sur la lampe que s’éteint Sur mes maisons réunies J’écris ton nom Sur le fruit coupé en deux Du miroir et de ma chambre Sur mon lit coquille vide J’écris ton nom Sur mon chien gourmand et tendre Sur ses oreilles dressées Sur sa patte maladroite J’écris ton nom Sur le tremplin de ma porte Sur les objets familiers Sur le flot du feu béni J’écris ton nom Sur toute chair accordée Sur le front de mes amis Sur chaque main que se tend J’écris ton nom Sur la vitre des surprises Sur les lèvres attentives Bien au-dessus du silence J’écris ton nom Sur mes refuges détruits Sur mes phares écroulés Sur les murs de mon ennui J’écris ton nom Sur l’absence sans désirs Sur la solitude nue Sur les marche de la mort J’écris ton nom Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l’espoir sans souvenirs J’écris ton nom Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer
"Liberté"
|