La Chanson de Craonne
La Chanson de Craonne (du nom de la commune de Craonne) est une chanson contestataire, chantée par des soldats français durant la Première Guerre mondiale, entre 1915 et 1917. Elle est interdite par le commandement militaire qui la censure en raison de ses paroles antimilitaristes (« on s'en va là-bas en baissant la tête », « nos pauvr' remplaçants vont chercher leurs tombes »), défaitistes (« c'est bien fini, on en a assez, personne ne veut plus marcher ») et subversives incitant à la mutinerie (« c'est fini, nous, les troufions, on va se mettre en grève ») alors qu'une guerre est en train de se livrer sur le territoire national.
Cette chanson politiquement engagée (à l'extrême-gauche) a des visées anticapitalistes quand elle fustige « les gros », « ceux qu'ont le pognon » et « les biens de ces messieurs là ». Elle est contemporaine de la révolution bolchevique de 1917 qui a entraîné, en France, la mutinerie des soldats communistes russes à La Courtine et, sur le front de l'Est, la débandade et le retrait des troupes russes (alors alliées à la France).
Une des versions de cette chanson censurée est publiée, après la guerre, en 1919 par l'écrivain et journaliste communiste Paul Vaillant-Couturier
Sous le titre de
Chanson de Lorette
La Chanson de Craonne est connue pour avoir été entonnée par les soldats qui se sont mutinés (dans une cinquantaine de régiments de l'armée française) après l'offensive très meurtrière et militairement désastreuse du général Nivelle au Chemin des Dames. Au cours des combats, les soldats français, partant de la vallée de l'Aisne, devaient « monter sur le plateau » tenu par l'armée allemande.
Le général Pétain, nommé le 17 mai 1917 au poste de général en chef des armées françaises en remplacement du général Nivelle, parvient à rétablir la discipline au sein des régiments touchés par les mutineries, en alliant condamnations exemplaires et mesures d'amélioration des conditions de vie des soldats. Plus de 500 mutins ou assimilés sont condamnés à mort (dont 26 effectivement exécutés).
La chanson de craonne-1917 - YouTube
www.youtube.com/watch?v=z-yRaEYQNQs
En mémoire de tout les morts de la 1ére guerre mondial et des révoltés de 1917.. Paroles
Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.
RefrainAdieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !
C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.
au Refrain
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
RefrainCeux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau
AUTRE VISION...
- La guerre de 14-18
- Humour noir
Humour absolument effrayant de Brassens dans cette chanson, qui tourne en dérision le culte des "héros morts pour la patrie", des anciens combattants, de la vertu "virilisante" d'une "bonne guerre" pour la jeunesse. Le côté fanfare militaire de l'accompagnement de guitare contribue au côté grinçant de la chanson...
- Depuis que l'homme écrit l'Histoire,
- Depuis que l'homme écrit l'Histoire
Depuis Hérodote considéré comme le "Père de l'Histoire" - Depuis qu'il bataille à coeur joie
- L'Histoire et la guerre
Brassens met dans le même sac le fait d'écrire l'Histoire, c'est à dire en fait de donner le point de départ de la civilisation, et celui de faire la guerre. Civilisation = guerre, massacres... - Complément
Plus simplement, les livres d'Histoire et les programmes d'Histoire à l'école que GB a pu connaître des années 30 aux années 50 ne présentaient qu'une longue suite de règnes et de guerres dont il fallait mémoriser les dates. Tout ceux qui ont fait leurs études avant mai 68 savent encore qu'en 732 Charles Martel arrêta les Arabes à Poitiers et qu'en 1515 François 1er mit une pâtée aux Italiens à Marignan, etc. L'Histoire, c'était ça. Il a fallu l'Ecole des Annales pour qu'on s'intéresse enfin à l'Histoire des Peuples et de leurs cultures plutôt qu'à celle de leurs rois, princes, soudards et autres mercenaires. - Entre mille et un' guerr's notoires,
- Si j'étais t'nu de faire un choix,
- Les choix absurdes
Ce qui est assez marrant chez Brassens, c'est de faire passer de manière inaperçue un choix absurde. Ce même type de choix "cornélien" que l'on retrouve dans Le gorille où l'on est tenu de choisir entre violer un magistrat ou une vieille... - À l'encontre du vieil Homère,
- Homère
"le vieil Homère" qui, évidemment, plaçait la guerre de Troie au-dessus de toutes les autres (étant bien dans l'impossibilité de comparer avec toutes celles qui ont suivi !) - Je déclarerais tout de suite :
- "Moi, mon colon, cell' que j' préfère,
- Mon colon
Mon colonel, en argot de caserne.
On imagine la scène: l'appelé Brassens, faisant son service, interrogé au garde-à-vous par le colonel... - Complément
Rappelons au passage que le "mon" précédant colonel n'a rien de possessif mais signifie plutôt monsieur. - C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit !"
- Est-ce à dire que je méprise
- Les nobles guerres de jadis,
- Que je m' soucie comm' d'un' cerise
- Temps de cerises de 71
Brassens remplace la "guigne" par la "cerise" et ne nous empêche pas de sous-entendre la Commune de Paris... - De celle de soixante-dix ?
- De celle de soixante-dix?
Il s'agit bien sûr de la guerre de 1870 contre l'Allemagne. Grosse débâcle française, on retient la capitulation à Sedan de l'empereur Napoléon III menant à la chute du IInd Empire et - Au contraire, je la révère
- Et lui donne un satisfecit
- Satisfecit
Billet de satisfaction que donne le professeur à un élève dont il est content. Le Petit Robert - Complément
Le Satisfecit est surtout la deuxième récompense (la première étant le premier prix), ce qui est logique puisque Brassens se dit satisfait de cette guerre mais préfère celle de 14-18 - Mais, mon colon, cell' que j' préfère,
- C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit !
- Je sais que les guerriers de Sparte
- Sparte
Puissante cité hellénique qui, dans les années 670, restructura son système politique pour en faire un état totalitaire et militaire chargé de former les meilleurs guerriers de toute la Grèce. - Plantaient pas leurs épées dans l'eau,
- Petit proverbe modifié
Spécialité de Brassens que l'on trouve dans la plupart de ses chansons.
Dans Comme une soeur par exemple, se retrouver le bec dans l'eau, c'est au sens propre. Ici, il a simplement changé l'expression "donner des coups d'épée dans l'eau", qui signifie "se démener pour rien". Et donc, le sens du texte bénéficie de ce changement puisque les Spartes avaient un tout autre usage de leur épée... - Que les grognards de Bonaparte
- Sparte / Bonaparte
Brassens fait rimer Sparte avec Bonaparte ; on peut y voir un hommage à Hugo, ou du moins à ce texte connu de générations d'écoliers : cf.
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte. - Tiraient pas leur poudre aux moineaux...
- épées et poudre
Les images derrière les locutions "coup d'épée dans l'eau" et "tirer sa poudre aux moineaux" s'inscrivent parfaitement dans l'histoire militaire depuis Sparte jusqu'à Bonaparte - Leurs faits d'armes sont légendaires,
- Au garde-à-vous, j' les félicite,
- Mais, mon colon, celle que j' préfère,
- C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit !
- Bien sûr, celle de l'an quarante
- L'an quarante
Le choix de cette date renforce le désintérêt du narrateur, du fait qu'elle évoque fortement l'expression "s'en moquer comme de l'an quarante".
Cette expression proviendrait d'une prédiction de fin du monde qui avait été faite pour l'an 1040. Passée cette fatidique date, le bon populo n'a cessé de se moquer de sa crédulité en conservant l'expression... - Complément
Selon le Dictionnaire des Expressions et Locutions, d'Alain Rey et Sophie Chantreau (Les Usuels du Robert, 1989), "il s'agit plutôt d'une expression à tendance 'patriotique', d'une plaisanterie des sans-culottes sur l'année 40 du règne de Louis XVI. Le choix du chiffre demeure obscur, mais celui-ci a pu être retenu en raison de son importance dans la symbolique des nombres". - Ne m'a pas tout à fait déçu,
- Elle fut longue et massacrante
- Et je ne crache pas dessus,
- Mais à mon sens, ell' ne vaut guère,
- Guèr' plus qu'un premier accessit,
- Accessit
Distinction remise à ceux qui, sans avoir obtenu un prix, s'en sont rapprochés. - Moi, mon colon, celle que j' préfère,
- C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit !
- Mon but n'est pas de chercher noise
- Aux guérillas, non, fichtre ! non,
- Guerres saintes, guerres sournoises,
- Qui n'osent pas dire leur nom,
- La Guerre sans Nom
C'est ainsi qu'était désignée la guerre qui eut lieu en Algérie entre 1954 et 1962, et dont certains actes de torture menés par les forces françaises lui valent toujours une censure plus ou moins avouée. - Complément
Elle a eu beaucoup de noms, justement, mais pas celui de guerre: on a parlé de troubles, d'opérations de police, de pacification, de sécurisation (déjà!) des campagnes, de lutte contre le terrorisme (tiens, tiens...), et lorsqu'elle a été terminée, on a longtemps dit "les événements d'Algérie" au lieu de la "guerre". Au grand dam des anciens combattants d'ailleurs, qui s'y étaient fait trouer la peau et auraient bien aimé qu'on la reconnaisse, leur guerre, pour pouvoir toucher les retraites et primes correspondantes et mériter le respect de la Patrie reconnaissante. Il aura fallu du temps... - Chacune a quelque chos' pour plaire,
- Chacune a son petit mérite,
- Mais, mon colon, celle que j' préfère,
- C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit !
- Du fond de son sac à malices,
- Mars va sans doute, à l'occasion,
- Mars
Dieu de la guerre chez les romains - En sortir une - un vrai délice ! -
- Qui me fera grosse impression...
- En attendant je persévère
- À dir' que ma guerr' favorite,
- Cell', mon colon, que j' voudrais faire,
- C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit !
Georges Brassens
Georges Brassens - La guerre de 14-18. - YouTube
www.youtube.com/watch?v=l2F5qaHzkj0
Album : Les Trompettes de la renommée Artiste : Georges Brassens Titre : La guerre de 14-18 (1961)Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine
chanson revancharde Alsace et Lorraine (paroles de Gaston Villemer et Henri Nazet, musique de Ben Tayoux), écrite en 1871, au lendemain de la guerre franco-allemande, qui s'est conclue par l'annexion de l'Alsace-Lorraine au nouvel empire allemand.
Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine
Et, malgré vous, nous resterons français
Vous avez pu germaniser la plaine
Mais notre cœur, vous ne l'aurez jamais
Et, malgré vous, nous resterons français
Vous avez pu germaniser la plaine
Mais notre cœur, vous ne l'aurez jamais
Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine - YouTube
www.youtube.com/watch?v=TN3a4kOl4Yo
Chanson créée par Peschard en 1871, reprise la même année à l'Eldorado par Mlle Chrétienno (voir à Amiati), puis par Gauthier aux Ambassadeurs et finalement Amiati.
Paroles de Gaston Villemer et de Henri Nazet - Musique de Ben Tayoux
Éditeur : Tralin / Éveillard et Jacquot
Premier enregistrement, selon Martin Pénet (Mémoire de la chanson - Omnibus, France Culture) en 1899 par Henri Thomas. - Martin Pénet signale également Georges Thill en 1939 et Germaine Montéro en 1960.
A noter : le thème récurrent du "Clairon", chanté également par Amiati, est emprunté à cette partition et a inspiré l'introduction de la chanson "La guerre de 14-18" créée par Georges Brassens en 1962..
Paroles
France à bientôt ! car la sainte espérance
Emplit nos cœurs en te disant : adieu.
En attendant l'heure de la délivrance,
Pour l'avenir... Nous allons prier Dieu.
Nos monuments où flottent leur bannière
Semble porter le deuil de ton drapeau.
France entends-tu la dernière prière
De tes enfants couchés dans leurs tombeaux ?
Emplit nos cœurs en te disant : adieu.
En attendant l'heure de la délivrance,
Pour l'avenir... Nous allons prier Dieu.
Nos monuments où flottent leur bannière
Semble porter le deuil de ton drapeau.
France entends-tu la dernière prière
De tes enfants couchés dans leurs tombeaux ?
Eh quoi ! nos fils quitteraient leur chaumièreRefrain [*]Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine
Et, malgré vous, nous resterons Français
Vous avez pu germaniser la plaine
Mais notre cœur vous ne l'aurez jamais
Et s'en iraient grossir vos régiments !
Pour égorger la France, notre mère,
Vous armeriez le bras de ses enfants !
C'est contre vous qu'elles leur serviront
Le jour où, las de voir couler nos larmes
Pour nous venger leurs bras se lèveront.
Ah ! jusqu'au jour où, drapeau tricolore,au Refrain
Tu flotteras sur nos murs exilés,
Frères, étouffons la haine qui dévore
Et fait bondir nos cœurs inconsolés.
Mais le grand jour où la France meurtrie
Reformera ses nouveaux bataillons,
Au cri sauveur jeté par la patrie,
Hommes enfants, femmes, nous répondrons.