18 Septembre 1939
C'est une belle journée, une journée de paix, la dernière peut-être ?
La jeune fille fête ses seize ans en posant de multiples questions ;
- est-ce que Hitler va déclarer la guerre à la Pologne ?
- rappelle-toi qu'il y a une alliance entre nos deux pays : ni l'Angleterre, ni la France ne peuvent s'y dérober…
- mais les Russes se sont alliés avec l'Allemagne, et Staline va peut-être se trouver le dindon de la farce ?…
- Chamberlain fera ce que l'honneur commande, confirmant à Hitler sa volonté de respecter le traité anglo-polonais !
- et alors ?
-
mais tous le monde dit que nous ne sommes pas prêts, que nos armes
datent de la dernière guerre de 14-18, qu'elles sont tout juste bonnes à
figurer au musée des armées, que notre aviation est nulle, notre
artillerie lourde minable...
- et que fais-tu du courage de nos soldats ?
- ils n'ont pas envie de se battre !
- il le faudra bien pourtant !
- ils se feront tous tuer, pour rien, pour une guerre qui n'est pas la leur !
- ils mourront pour la liberté !
- la liberté…Où est la liberté quand on est mort ? Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas que tu meurs !
Sa voix se brise et elle détourne la tête pour cacher ses larmes…
Ensuite
ils entendent, retransmis à la T.S.F., l'appel de Forster sur le viol
de Dantzig ainsi que « l'acceptation du rattachement de la ville au
Reich »…
Depuis le matin à 5h45 la bataille a lieu sur tout le front, et Varsovie est bombardée…
C'est la mobilisation générale !
On entendit les grésillements de la radio, puis des voix allemandes, polonaises, puis celle, plus forte d'un traducteur :
- « Hommes
et femmes de Dantzig, l'heure est arrivée que vous avez désiré depuis
vingt ans. A partir d'aujourd'hui Dantzig est rentré dans le grand Reich
allemand. Notre Führer Adolf Hitler nous a libérés. Pour la première
fois le drapeau à croix gammée, le drapeau du Reich allemand, flotte
sur les édifices publics de Dantzig. Il flotte également à partir
d'aujourd'hui sur les anciens édifices publics polonais et partout dans
le port. »
Un
silence pèse sur la petite assemblée réunie tandis que le speaker
commente l'acceptation par Hitler du retour de Dantzig au Reich et
décrit les monuments pavoisés, la liesse populaire…
- « l'Allemagne a ouvert ce matin les hostilités contre la Pologne » continue, impavide, la voix de la radio.
- c'est la guerre !
Et tous les yeux se remplissent de larmes…
Les jours suivants c'est le discours radiodiffusé d'Edouard Daladier : … «
Nous faisons la guerre parce qu'on nous l'a imposée. Chacun de nous est
à son poste sur le sol de France, sur cette terre de liberté où le
respect de la dignité humaine trouve un de ses derniers refuges. Vous
associerez tous vos efforts dans un profond sentiment d'union et de
fraternité pour le salut de la Patrie. Vive le France. »
- mais on va les arrêter ! On est plus nombreux qu'eux !
- ça n'a rien à voir : ils sont mieux préparés, leurs armes sont mieux adaptées et leur aviation est supérieure !
- peut-être, mais on est plus courageux !
- le courage, tu sais, face à leurs chars…
Puis les mois se suivent, le pays est en guerre …
Les Allemands bombardent Calais, Boulogne et Dunkerque…Ils envahissent par les airs la Hollande et la Belgique…
Il
paraît qu'à Notre-Dame de Paris il y avait foule à la messe où l'on a
vu monsieur Paul Reynaud entouré de ministres radicaux et d'évêques
implorant pour la France la protection de la Vierge….Au Sacré-Cœur on a
joué la Marseillaise aux grandes orgues !
Les combats font rage dans les Ardennes le long de la ligne Maginot. C'est là le point faible de la défense française…
Les troupes françaises progressent en Belgique.
Le poste de TS.F. est devenu le centre du foyer familial : on veut entendre les nouvelles…
On rediffuse le communiqué du Quartier Général français :
« de
Namur à Mézières, l'ennemi a réussi à établir deux petites têtes de
pont, l'une à Houx, au nord de Dinant, l'autre à Monthermé. Une
troisième, plus importante, a été réalisée dans le bois de Marfée, près
de Sedan… »
Une armée de chars, des avions qui bombardent partout…
Personne
n'oubliait ce qui s'était passé en Pologne quand la cavalerie a chargé
les blindés allemands…massacrés, ils ont tous été massacrés…
Le
14 mai 1940 on apprend que la France a perdu la guerre ! Depuis
l'offensive du 10 mai les français se trouvaient face aux troupes de
Guderian. Malgré la censure des journaux et de la radio on apprenait que
des milliers de soldats français se faisaient tuer pour rien sur les
routes de la Meuse et de la Somme. Les informations les plus alarmantes
circulaient, colportées par des hordes de fuyards : pillages de villes
et de villages, , bombardements incessants, écrasement de la IXème armée
commandée par Corap puis par Giraud qui tentait en vain d'en rassembler
les débris, effondrements de la IIème armée commandée par le général
Huntzinger, espions que l'on voit partout, enfants perdus, vieillards et
malades abandonnés…
Un
instant rassurés par le limogeage de Gamelin, et surtout par l'arrivée
comme vice-président du conseil du maréchal Pétain, la panique avait
été la plus forte.
On
essayait de comprendre ce qui s'était passé depuis que les Allemands
avaient envahi la Belgique et le Luxembourg…Parties pour faire leur
devoir, les troupes devaient se replier…De soldats ils étaient devenus
des fuyards ! Parmi les colonnes de réfugiés…Partout, des voitures
bondées, des motos, des vélos, des valises, des sacs empilés…hommes,
femmes en pleurs, enfants hurlant se traînant à pied le long des
routes, errant dans une chaleur terrible…
« De
jour en jour les bombardements ennemis se multiplient, les villages
déserts sont mis à sac, il ne reste que les animaux : cochons, veaux
errants, poulains affolés, vaches meuglantes attendant une improbable
traite… »
Le
moral est plutôt sombre : les bombardements de Hollande et de Belgique,
l'occupation d'Amiens, d'Abbeville, de Boulogne, de Calais, les
divisions alliées pratiquement encerclées dans les Flandres, le
limogeage de Gamelin, son remplacement par le « jeune » Weygand…
Est-ce
que l'espoir et l'honneur de la France seront sauvés par la nomination
du maréchal Pétain à la vice-présidence du Conseil ?...
Le mois de juin débute
Un conseil doit se tenir à Paris avec Churchill et trois de ses plus proches collaborateurs…
-qu'est-ce que cela va donner ?
-pas
grand-chose à mon avis : Reynaud souhaite obtenir de nouveaux avions de
la RA.F. Et il ne les obtiendra pas ! De même qu'il n'obtiendra pas que
les troupes françaises bloquées à Dunkerque soient évacuées en même
temps que les troupes britanniques…
-alors ?pourquoi cette rencontre ?
-pour
ne pas perdre le contact, pour essayer de connaître la position exacte
de nos alliés, savoir quelle serait leur attitude en cas d'armistice
séparé.
-armistice séparé ?!
-on en parle…
Bientôt
il fallut se rendre à la mairie retirer des cartes d'alimentation…sans
cette feuille de coupons de couleur jaune collée à l'intérieur de la
carte : pas de sucre ! Déjà le lait, le café et le beurre se faisaient
rares…
Les Allemands occupent Dieppe, Compiègne et Rouen, et même Forges-les-Eaux !
A la radio on vient d'annoncer le départ du maréchal Pétain et du gouvernement pour la Touraine…
-
il paraît que des groupes lamentables se traînent sur les routes de
campagne, poussant des voitures d'enfants, des charrettes à bras, des
brouettes même, surchargées de pauvres trésors : pendule, machine à
coudre, baromètre, bocal à poissons rouges, matelas roulé, portrait
d'ancêtre, photo de mariage, cage à oiseau, poupée, tapis…beaucoup
d'enfants au teint pâle, de femmes au visage fatigué, de vieillards
exténués…un véritable flot humain !
Les rumeurs les plus fantastiques circulaient…
- les Boches sont à Enghien
- non ils sont à Anvers
- ils ont fait sauter les dépôts de pétrole autour de Paris
- on a bombardé Versailles !
- il n'y a plus de train…
- on a fermé les grilles des gares…
238
trains supplémentaires avaient été prévus gare d'Austerlitz et gare
Montparnasse…un train quittait Paris toutes les cinq minutes !
C'était l'exode !...
17 juin 1940
A midi et demi le maréchal Pétain parle à la radio :
«
Français, Françaises, à l'appel de monsieur le Président de la
République j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du Gouvernement
de la France. Sûr de l'affection de notre admirable armée, qui lutte
avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un
ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique
résistance elle a rempli ses devoirs vis-à-vis de nos alliés, sûr de
l'appui des anciens combattants que j'ai eu la fierté de commander, sûr
de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma
personne pour atténuer son malheur.
En
ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un
dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion
et ma sollicitude. C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il
faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire
pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec moi, entre soldats,
après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux
hostilités. Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que
je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse
pour n'obéir qu'à leur foi dans le destin de leur patrie. »
Quand la voix chevrotante et cassée s'arrête, tous ont la tête baissée…sur beaucoup de visages les larmes coulent…
Larmes de honte pour la plupart
Cependant qu'un lâche soulagement peu à peu les envahit…
- Il faut cesser le combat » ! Est-ce que cela veut dire que la guerre est finie ?
- Oui ! Mais qu'on l'a perdue ….
Ce n'est pas avec des prières qu'on gagne les guerres !
Mais avec des avions, des chars, des chefs !
-tu les as vu dans le ciel nos avions ? Et nos chars tu les as vus sur les routes ?!
Et
nos chefs, tu les as vus à la tête de nos troupes ? Tous ceux qu'on a
vus fuyaient ! Et nos soldats, tu les as vus nos beaux soldats, avec
leurs uniformes dépareillés, leurs armes démodées, sales, les pieds en
sang…
Cette guerre, personne ne l'a voulue…
Et on va accepter la fin de la guerre, comme ça !?
Pendant ce temps de réflexion les commentaires allaient bon train :
-…avec lui, on est sauvé…
- …tu te rends compte, il fait don de sa personne à la France...
- …c'est un vrai patriote...
-…avec le maréchal au Gouvernement on n'a rien à craindre...
-…il est temps que les affaires reprennent...
- je crains que les Allemands se montrent très durs avec nous
- pourquoi ?
- parce qu'ils sont vainqueurs partout et qu'ils n'ont certainement pas oublié les dures conditions du traité de paix de 1918 !
- c'était normal, ils avaient perdu la guerre !
- comme nous aujourd'hui !...
- n'empêche, quelle déculottée ! C'est une défaite quand même.
* * *
18 juin 1940
A la radio de Londres on espère que les anglais sont peut-être mieux informés que nous…
« Ici Londres…le Général de Gaulle vous parle… »
-qui c'est celui-là ?
-tais-toi, écoute…
« Les
chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées
françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant l
défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le
combat.
Certes,
nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre
et aérienne, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les
chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs
au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.
Mais le dernier mot est-il dit, l'espérance doit-elle disparaitre ?la défaite est-elle définitive ? NON !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et qui vous dis que rien n'est perdu pour la France.
Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la
victoire. Car la France n'est pas seule ! Elle n »n'est pas seule ! Elle
n'est pas seule ! Elle a un vaste empire derrière elle. Elle peut
faire bloc avec (Empire britannique qui tient la mer et continue la
lutte. Elle peur, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense
industrie des Etats-Unis.
Cette
guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette
guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est
une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les
souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens
nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par
la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force
mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi,
général de Gaule, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les
soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui
viendraient à s'y trouver, avec leurs armes, j'invite les ingénieurs et
les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en
territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en
rapport avec moi. Quoi qu'il arrive la flamme de la résistance française
ne doit pas s'éteindre, elle ne s'éteindra pas.
Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »
Tout le monde est pensif, songeur…
On
éteint le poste, on se met à marcher de long en large…la mère et la
grand-mère s'essuient les yeux avec le coin de leur tablier…
- tu pleures ?
- oui, de joie !
-de joie ?
-oui, ce de Gaulle, ce général, il a dit que la flamme de la résistance ne s'éteindrait pas…
-et
alors, il est à Londres lui, pas en France : ce n'est pas en Angleterre
que sont les allemands, mais chez nous, ici ! S'il veut continuer à se
battre, il n'a qu'à revenir au lieu d'abandonner lâchement son poste !
-tu
dis des bêtises ! Tu ne sais pas de quoi tu parles ! De Gaulle est un
homme sincère et courageux, il était secrétaire d'Etat à la Défense
nationale. Il a dû longuement réfléchir avant de lancer cet appel qui le
met hors-la- loi, lui qui est par tradition militaire un homme
d'obéissance !
- tu vas le rejoindre ?
-sans doute, et d'autres avec moi, avec nos bateaux, tout cela va dépendre de la suite des évènements…
-mais toi aussi tu seras alors hors la loi !
-je le sais, mais je suis déterminé à poursuivre le combat …
Le lendemain les jeux étaient faits : son père et ses oncles partaient rejoindre le général de Gaulle en Angleterre….
Tout le monde se rassemble de nouveau autour du poste de T.S.F. :
« A
l'heure où nous sommes, tous les Français comprennent que les formes
ordinaires du pouvoir oint disparu. Devant la confusion des âmes
françaises, devant la liquéfaction du gouvernement tombé sous la
servitude ennemie, devant la possibilité de faire jouer nos
institutions, moi, général de Gaulle, soldat et chef français, j'ai
conscience de parler au nom de la France.
Au
nom de la France, je déclare formellement ce qui suit : tout Français
qui porte encore les armes a le devoir absolu de continuer la
résistance. Déposer les armes, évacuer une position militaire, accepter
de soumettre n'importa quel morceau de terre française au contrôle de l
ennemi, ce serait un crime contre la patrie.
A l'heure qu'il est, je parle avant tout pour l' l'Afrique du Nord française, pour l'Afrique du Nord intacte.
L'armistice
italien n'est qu'un piège grossier. Dans l'Afrique de Clauzel, de
Bugeaud, de Lyautey, de Noguès, tout ce qui a de l'honneur a le strict
devoir de refuser l'exécution des conditions ennemies. Il ne serait pas
tolérable que la panique de Bordeaux ait pu traverser la mer. Soldats de
France, où que vous soyez, debout ! »
La signature de l'armistice, le soir du 24 juin 1940, jette un trouble…
La guerre est finie, certes, mais la peur, la honte, s'installent en elle…
Plus rein ne serait comme avant !
Le gouvernement était réfugié à Bordeaux avec le maréchal Pétain et le général Weygand !
Puis,
un jour, la maison fut réquisitionnée ! Oui ! Des Allemands
réquisitionnaient une chambre à l'étage ! Ils ont un ordre de
réquisition !
- mais ce n'est pas possible ! Nous ne sommes que de faibles femmes avec trois enfants !
-nous avons des ordres, madame, c'est la guerre !
-nous
n'avons pas de place, la famille occupe toute les pièces, y compris la
grand-mère, qui a perdu son mari et son fils à la dernière guerre !
-Ja !grosse
malheur la guerre ! Je suis désolé mais les ordres doivent être
exécutés. Je suis le lieutenant Otto Kampfer et j'ai besoin d'une
chambre pour moi et mon ordonnance, nous ferons en sorte de vous
déranger le moins possible. Pouvons-nous visiter la maison ?
Une
grande chambre de l'étage, à côté du cabinet de toilette, fut libérée :
au cours de sa mise en place la grand-mère trouva dans l'armoire où
elle faisait de la place, l'antique fusil de son défunt fils caché là
entre des piles de drap ! Elle le prit religieusement et la transporta
dans sa propre chambre sous le regard de l'Allemand ! Souvenir…grosse
malheur la guerre comme vous avez dit !
-Ja Ja
Alors commence une difficile cohabitation…
Tôt
le matin, l'Allemand descend à la cuisine où son ordonnance a préparé
le petit déjeuner, plus copieux que celui de la petite famille… le soir,
il s'arrangeait pour rentrer tard et on appréciait fort cette
courtoisie…mais savoir un Allemand sous son toit la mettait dans des
rages qui l'épuisaient !
Grâce
à lui la famille avait quand même réussi à avoir les précieux
« Ausweis », les fameux laissez-passer pour circuler, à bicyclette, sa
bicyclette bleue…
Les
files s'étiraient devant les magasins d'alimentation, chacun
attendant, ses tickets de rationnement à la main, rouges pour le sucer,
bruns pour la viande (mais depuis longtemps la viande avait déserté les
étals et on n'en trouvait qu'une fois par semaine), verts pour le thé ou
le café (et depuis longtemps la café avait été remplacé par de la
chicorée ou de l'orge grillée). Des heures d'attente avant d'arriver au
comptoir, pour obtenir juste de quoi vivre (ou survivre ?), mais les
gens ne comptaient plus le temps qui passe, face à la porte de
l'épicerie …
Les
provisions s'épuisaient rapidement : plus d'huile, de savon, de café,
peu de sucre et de confiture, quelques conserves… elle allait en vélo
faire les courses au village, aux rues pratiquement désertes, aux cafés
presque vides ou occupés par des soldats allemands qui buvaient de l
bière avec un air de profond ennui… toutes les boutiques semblaient
avoir été pillées : pas la moindre marchandise chez les épiciers,
rien dans les vitrines…les Allemands étaient passés par là, achetant
pour eux-mêmes ou pour envoyer à leur famille en Allemagne…
-même
le quincailler a fait des affaires en or, de même pour le libraire :
plus un crayon, plus un livre ! Dame ! Le commerce a bien marché pendant
deux jours, mais maintenant il n'y a plus rien ! C'est les restrictions
pour tout le monde !
-vous ne pouvez rien me vendre ?
- pas grand-chose
De quoi avez-vous besoin ?
-de café, de savon, d'huile, de sucre…
-du
café j'en ai plus ! Il me reste de la chicorée : avec du lait c'est
très bon ! Ce matin j'ai reçu du beurre. Je peux vous donner deux litres
d'huile et trois kilos de sucre. J'ai encore un peu de chocolat, des
pâtes et des sardines…
-donnez tout e que vous pouvez
-ça ira. Vous avez vos tickets ?
De retour à la maison un conseil de familles est réuni dans la cuisine, unique pièce où l'on se sentait encore chez soi !
-il faut prendre des dispositions si on ne veut pas mourir de faim
- on m'a proposé un petit travail de comptabilité à l'épicerie
-très bien, tu iras
-j'ai vu des gens cracher devant chez nous en passant devant notre parte
-c'est
parce que le père est avec de Gaulle, nous sommes hors la loi et
d'ailleurs nous ne touchons plus sa solde ! On n'a plus d'argent !
Fallait-il en vouloir au déserteur de Londres ?
L'annonce, le 2 aout, de sa condamnation par contumace avait frappé les esprits…
Pendant
ce temps elle ignorait que celui qui allait devenir son mari était dans
un camp de prisonniers en Allemagne, au Stalag IV D (un baraquement) en
Poméranie orientale…
Depuis
le 21 juin l'armistice était signé, Bordeaux déclarée ville ouverte, le
25 il y avait eu une journée de deuil national décrétée par Pétain ; le
27 les Allemands entraient en musique à Bordeaux ; le 30 juin le
gouvernement quittait la ville pour Vichy…
Des
réseaux clandestins de mettaient en place afin d'organiser le passage
en Espagne de certaines personnes voulant rejoindre de Gaulle ou
l'Afrique du Nord.
Elle
se rappelait Ronsard : « cueillez dès aujourd'hui les roses de la
vie… »Elle se posait beaucoup de questions : ne faut-il pas obéir aux
directives du maréchal Pétain ?le père de tous les Français ?
Non, pour elle, le devoir était de lutter contre l'ennemi !
Beaucoup
croyaient en la devise du maréchal : « travail, famille, patrie »…là se
trouvait l'avenir ! bien que la vue des uniformes allemands était une
véritable offense à leur vue…
Le découragement grandissait
Le paquet de tabac était passé de un franc à cent francs
Tout
le monde avait été déçu à la lecture des clauses de la suspension des
hostilités, surtout de ce paragraphe 20 qui disait que « tous les
prisonniers de guerre français resteront dans les camps allemands
jusqu'à la conclusion de la paix »…
De longues heures passaient à ressasser le temps « d'avant »
Au
même moment celui qui allait devenir son mari imaginait avec ses
compagnons de captivité, la faim au ventre, les pantagruéliques repas
qu'ils feraient à leur libération…il y avait bien sûr des tentatives
d'évasion qui se soldaient par l'envoi à la forteresse de Colditz qui
dressait ses quarante mètres sur un promontoire escarpé dominant une
petite ville de grès rose et de brique sur la rive droite de la Mulde…
Pourtant le gouvernement de Vichy mettait soi-disant tout en œuvre pour obtenir la libération des prisonniers…
Il s'agissait bien d'autre chose qu'une simple affaire politique : c'est de liberté qu'il s'agissait !
A titre anecdotique on s'amusait des noms de baptême donnés aux petits garçons : Charles ou Philippe ?...
La
jeune fille réfléchissait dans sa belle chambre mansardée : il fallait
agir, mais comment ? Partout ce n'était que veulerie, confusion,
compromission, mouchardages ignobles, délations perverses, acceptation
de la servitude… elle était désespérée…
Elle
avait conscience que son premier devoir était de résister au désespoir
et de se montrer d'une extrême prudence, mais elle voulait s'engager
dans l'action. La confiance envers le maréchal allait disparaitre…elle
était déjà considérablement émoussée depuis Mers-el-Kebir, mais beaucoup
hésitaient encore à se mettre hors la loi bien que patriotes…a Londres,
certains officiers étaient hostiles au général de Gaulle, beaucoup se
méfiaient de l »Angleterre et le coup de mers el Kebir avait gravement
compromis les bonnes relations entre les deux pays !
Patience…
Dès
que ce sera possible, elle rentrera en rapport avec un service pour se
mettre au service des réseaux de résistance qui se constituaient
clandestinement : porter des messages, déposer des paquets, tout cela
elle peut le faire avec sa bicyclette et son ausweis ! Cela comportait
quelques risques mais elle ne pouvait pas rester come ça sans rien
faire !
Car
trois camps s'opposaient, mêle au sein des mêmes familles : ceux qui
étaient des pétainistes convaincus et n'avaient pas de mots assez durs
pour qualifier ceux qui lâchement trahissaient le maréchal, donc la
France ; les gaullistes, ou tout au moins ceux qui n'acceptaient pas
l'occupant ; et les « sans opinion »…
Les
premiers prônaient la collaboration demandée par Pétain le 30 octobre
1940, seule façon, disaient-ils, de ramener l'ordre, la dignité et la
religion dans ce pays corrompu par les Juifs et les communistes ; les
deuxièmes disaient que la seule chance de la France de retrouver son
honneur et sa liberté était de suivre le général de Gaulle
-un traitre !
-un héros !
Les troisièmes parlaient peu : par discrétion, par indifférence, on ne savait pas !
Et
tous ces collabos qui suivaient les directives du gouvernement : que
toute autre conduite serait contraire aux intérêts du pays, que par le
choix qu'il avait fait, le maréchal Pétain avait préservé la France de
désordre et de l anarchie communiste, sans compter les milliers de vies
épargnées.
Elle
aussi en avait marre d'entendre toujours parler de la guerre, de
Pétain, d'Hitler, de de Gaulle des restrictions, des russes, de zone
occupée, de zone libre, de l'Angleterre, de…de…elle en avait assez…
Elle
commença à servir de facteur… des messages étaient cachés dans les
poignées de son vélo, dans la pompe, dans la selle ou encore dans ses
bottes…
Elle était heureuse de servir son pays, de faire comme son père…
Certains messages étaient d'une extrême importance mais personne ne se méfiant d'elle
-bonchour mademoizelle
-bonjour monsieur l'officier
Elle n'avait que dix-sept ans.
Sa
bicyclette devint le symbole de tous ceux qui espéraient encore…elle ne
manquait ni de courage ni de sang-froid, elle était agent de liaison !
"Das Mädchen mit dem blauen Fahrrad!"
Et le bleu était la couleur de l'espoir, n'est-ce pas? Avec ses magnifiques sacoches de faux cuir…
Sa
vie d'agent de liaison n'était pas des plus faciles ! Elle se faisait
passer pour une étudiante comme couverture mais il n'y avait pas de
limite à son courage no à son imagination
Souvent,
quand elle revenait avec un panier rempli de fruits sur son
porte-bagages, dessous étaient cachés les lettres qu'elle venait de
retirer de la poste restante…elle n'avait pas manqué d'offrir cerises,
fraises, pêches ou abricots aux soldats de garde…
Pour plus de sûreté elle roulait les missives dans son guidon…
Un jour qu'elle s'était fait arrêter elle s'était écriée fièrement :
-me prenez vous pour Mata Hari, votre grande espionne, moi la bretonne ?
-was ? Was ist das ?
- oui Mata Hari, qui fut fusillée par un peloton d'exécution ! Allez, tirez sur moi, je suis prête !
-… ??
-Gut gut passez mademoizelle…
Une autre fois :
-ouvrez vos sacoches et votre sac, vous passez du courrier.
-si je voulais passer du courrier je le cacherais sous ma selle pas dans mon sac !
-ce serait en effet une bonne cachette lui avait dit l'homme en riant aussi et en lui rendant son vélo.
De toute façon les cachettes avaient déjà délivrée leurs secrets…tracts, fausses cartes d'alimentation, faux ausweis…
Mais ce n'était pas un jeu d'enfants ! Elle pourrait être fusillée !
Son père étant un résistant de la première heure, difficile de ne pas faire comme lui !
1942 était arrivé
La Gestapo faisait partie du paysage local…
Les miliciens aussi…
On
parlait des mesures vexatoires infligées aux juifs et promulguées par
le gouvernement de Vichy…le port de l'étoile jaune en particulier…on
avait l'écho de l'existence de camps où on les internait.
Au mois de juillet 42 eut lieu la grande rafle du Vel d'Hiv
Dans
la nuit du mercredi eu jeudi, entre trois et quatre heures du matin,
=des policiers français ont frappé aux portes de milliers de familles
juives étrangères, de toutes origines, et les ont arrêtés. Quelques-uns
ont pu fuir grâce à la complicité de policiers compatissants ou vénaux,
trop peu hélas…les autres, les femmes, les enfants, les vieillards, les
hommes, les malades mêmes ont été emmenés avec le maigre bagage qu'on
les a autorisés à emporter, en autobus pour les plus faibles, à pied
pour les autres. Sur leur passage, les Parisiens détournaient la
tête…ils ont été parqués au Vélodrome d'Hiver : 7000, dont 4051
enfants ! 6000 autres ont été conduits au camp de Drancy. La police
française a arrêté 13.000 personnes, uniquement parce qu'elles étaient
juives !... il paraît que les autorités allemandes sont déçues : elles
en attendaient 32.000 !...pour échapper à cette rafle, plusieurs
malheureux se sont suicidés…des femmes, se souvenant des pogroms de leur
enfance en Russie ou en Pologne, se sont jetées par les fenêtres avec
leurs enfants.
Le
dimanche 21 juillet 1000 personnes, des hommes pour la plupart, ont été
enfermés dans des wagons à bestiaux et conduits dans des camps en
Allemagne…
-pourquoi les français se font-ils complices de ce qui restera à jamais une des hontes de l'humanité,
Tous les soirs on écoutait radio Londres
Quelquefois les Allemands les prenaient sur le fait mais ne disaient rien…
Des messages pittoresques délivraient des secrets…
Les partis s'opposaient :
-
tu ne jures que par ton général de Gaulle et les terroristes qu'il
envoie de Londres pour saboter les lignes téléphoniques, faire sauter
les trains et assassiner des innocents !
-
assassiner des innocents ! Comment oser qualifier d'innocent l'ennemi
qui occupe notre pays, qui l'affame, qui le déporte, qui le tue ? Sans
ces « innocents » beaucoup de nos connaissances seraient encore en vie
et ne seraient pas obligées de se cacher…
- c'est eux qui ont tort, ce sont des rebelles !
- des rebelles ! Ceux qui se battent pour l'honneur de la France !?
-
ce ne sont que de mots, de grands mots vides. L'honneur de la France,
c'est le Maréchal qui l'incarne !- tais-toi, ton maréchal est le
complice d'Hitler – ce n'est pas vrai ! Il a fait don de sa personne à
la France !
- joli cadeau ! C'est d'une armée bien équipée dont elle a besoin, et d'un chef qui continue à se battre !
- tu insultes un vieillard !
-
et alors ? s=est-ce une excuse d'être vieux si on se conduit comme un
salaud ? Je trouve ça au contraire doublement grave ! Il 'est servi de
son prestige de héros de la guerre de 14 pour faire accepter la honte de
l'armistice.
- sans cet armistice, des centaines de milliers de gens seraient morts !
Elle sortit dehors dans le jardin
Celle
qui s'appelait désormais Mythé pour son réseau leva les yeux vers le
ciel : un petit vent souleva ses cheveux tandis que les premières
étoiles s'allumaient…elle glissa à genoux contre le mur de la véranda et
laissa couler ses premières larmes…
Certains de ses amis avaient été fusillés…
Mais elle et les autres étaient décidés à aller jusqu'au bout !
Elle
ne sait pas si le « bout » en question existe vraiment, si elle se
réveillera un jour e ce cauchemar, mais il est vrai aussi que certains
matins elle avait peur en se levant…arpentant les rues et les campagnes
pour glaner des informations, à chaque carrefour… elle avait peur qu'on
la suive, qu'on lui tire dessus, qu'on l'arrête, que ses mais ne
reviennent pas de l'action, qu'ils soient fusillés, qu'il leur arrive
quelque chose, mais elle était décidée à vivre avec cette peur parce que
au bout il y avait la liberté ! Et tant pis si cette liberté était
dangereuse à reconquérir !
Nous
avons fêté à notre façon la fin de la guerre de 14-18 avec une bonne
brioche… sur un coin de la cuisinière se trouve toujours l'antique
cafetière d'émail bleu. Le café n'a de café que le nom ! Heureusement le
lait en masque le goût…
Quand
verrait-on la fin de cette guerre ? Plus de deux ans qu'elle durait !
la France est toujours coupée en deux, de plus en plus de jeunes gens
refusent d'aller travailler en Allemagne au S.T.O. et se réfugient dans
les forêts, formant des bandes à la recherche d'un chef, vivant le plus
souvent de la générosité de l'habitant et quelquefois du pillage… dans
son maquis Yvon était chargé de regrouper ces réfractaires et de les
incorporer aux réseaux de résistance qui s'étaient constitués.
A
la T.S.F. on avait appris que les Boches avaient envahi la zone libre…
l'indemnité journalière d'occupation avait été fixée à cinq cent
millions…Les Allemands réclamaient, pour ce trimestre, 250.000 hommes,
et ils en demandent autant pour le premier trimestre 43…
Derrière
chaque acte de « terrorisme » elle voyait la main de Yvon…un pont
sautait : c'était lui ! Une patrouille était attaquée : c'était encore
lui ! Des prisonniers libérés : toujours lui…
Elle fredonna l'air à la mode :
« Du soir au matin
Voir les Fridolins
Moi j'en ai marre…
Entendr' leur radio
Lire leurs sal' journaux
Moi j'en ai marre… »
Elle savait qu'elle n'avait pas le droit de chanter cette chanson… elle risquait d'avoir des ennuis…
Elle alluma la T.S.F. et essaya de capter la B.B.C., essayant de trouver Londres…
Ça aussi c'était interdit…
-tout est interdit, maintenant, on étouffe dans ce pays !
« Aujourd'hui, 857ème jour de la résistance française à l'oppression. Honneur et Patrie. Les Français parlent aux français ».
857 jours que cela dure !...
Ce
qui est épouvantable c'est que tout le monde s'installe dans d=cette
durée. On arrive à s'habituer à avoir froid, à faire la queue pendant
des heures pour un méchant morceau de pain, à ne se laver qu'une fois
par semaine, à acheter le beurre et la viande au marché noir, à croiser
des Allemands dans la rue, à accepter n'importe quoi pour une ration
supplémentaire…
-chut, ils parlent…
« Les
soviétiques continuent à gagner du terrain dans le secteur sud. La
retraite de la VIIème armée italienne, nullement équipée pour faire face
aux rigueurs de l'hiver russe, se transforme an débâcle. »
-
voila une bonne nouvelle ! Pour moi les Allemands sont et restent des
ennemis qui occupent notre pays et je rêve du moment où ils seront
chassés de France et d'ailleurs ! Ça va mal en Russie pour eux ! Car en
Russie les troupes allemandes perdaient de plus en plus de monde…
-
les Allemands ont perdu 200.000 hommes à Stalingrad et on dit que
100.000 autres sont aux mains des Russes, parmi eux des milliers
d'officiers et une bonne vingtaine de généraux ! Leurs armées sont en
déroute sur les fronts de l'est, et qu'il arrive à l'ouest ou au sud, le
débarquement des Alliés ne tardera pas ! Nous savons que Londres s'y
prépare !
- quand la France sera libérée l'Histoire racontera que ce sont des français qui se sont battus pour elle !
-
dans quelque temps le pays devra se relever de cette guerre, et il
faudra bien qu'il ait la tête haute, que la population se réconcilie
autour d'un seul chef, et ce sera de Gaulle, cette victoire sera aussi
la nôtre !
31 décembre 1942
Début 1943
Les jours s'écoulaient…
Dans
le petit salon où la famille prenait maintenant ses repas par souci
d'économie de chauffage on écoutait les messages personnels venus de
Londres :
« Le crabe va rencontrer les serpents.je répète : le crabe va rencontrer les serpents. »
« J'ai suivi d'un pas rêveur le sentier solitaire. Nous répétons : j'ai suivi d'un pas rêveur le sentier solitaire ».
« Maurice a passé un non Noël avec son ami et pense aux deux mimosas qui vont fleurir »…
« Un ange descendra du ciel ».
-c'est ça : quelqu'un va être parachuté d'Angleterre, c'est le code ! Elle sautait de joie !
Un
peu de douceur dans ce monde de brutes, dans ce pays où Pétain, Laval
et consorts recommandent la collaboration ! Certains collaborent
vraiment, pas toujours de plein gré certes, mais ce sont souvent ceux-là
les plus féroces…
Car son monde était maintenant rempli d'étranges phrases codées, empruntées pour la plupart à de célèbres poèmes.
Ainsi,
à ce premier bout « sois sage Ô ma douleur et tiens-toi plus
tranquille »… on devait répondre : « les morts, mes pauvres morts ont
d'étranges douleurs »…
De la poésie, toujours de la poésie…
Ne
plus entendre à la radio e Vichy la voix sirupeuse de Tino Rossi qui,
du matin au soir, vocalise sur le Travail, la Famille, la Patrie, ne
plus voir affichées la liste des otages fusillées, ne plus se sentir
désemparée, si seule et solitaire…
Tous les Allemands s'éparpillaient à travers l'Europe et l'Afrique…
Ce sont des travailleurs étrangers réquisitionnés qui étaient aux champs ou dans leurs usines !
L'Allemagne
espérait qu'avec le printemps l'armée de l'Est allait reprendre la
direction des opérations et, qu'avant l'été, le drapeau allemand
flotterait sur Moscou et sur toutes les grandes villes russes ! Les
prisonniers russes étaient envoyés dans des camps de représailles, il en
mourait des dizaines de milliers de faim et de maladie…
Pendant ce temps elle continue de servir de boîte aux lettres, à passer du courrier ou des tracts…
Certains
jours il était impossible d'obtenir Londres, le brouillage était tel
que la voix du speaker était inaudible et elle enrageait…
Bientôt un geste dérisoire mais très significatif apparut : le V de la victoire fait avec deux doigts de la main !
Des
fois, n'en tenant plus de ne pas trouver le sommeil, elle descendait
dans la cuisine, faisait chauffer de l'eau, prenait le moulin à café, y
versait les précieux grains mis de côté pour les « grandes
circonstances », le calait bien entre ses cuisses et entreprenait de le
moudre…très vite la bonne odeur la remplissait de tristesse ….cela lui
rappelait le bon vieux temps, elle sent alors un poids lui écraser la
poitrine, une nausée monter dans sa gorge tandis que les larmes coulent
sur son visage…courbée sur son moulin elle sanglote, se balançant
d'avant en arrière comme le font les enfants lorsqu'ils ont du chagrin…
un hoquet lui fait lâcher le moulin, il tombe sur le carrelage, avec un
grand bruit qui résonne dans la maison silencieuses, tiroir et réservoir
s'ouvrent, poudre et grains s'éparpillent sur le sol de la cuisine…
Son ami Yvon lui avait dit vouloir se noyer à tout prix dans l'action…
Beaucoup
de ceux qui fuient le S.T.O. viennent rejoindre la résistance, ils sont
de plus en plus efficaces, de plus en plus mobiles, mais chaque
nouvelle recrue augmente aussi le risque d'infiltration…les opérations
se multiplient…
-
Tout cela est si fort et si intense que je me demande comment nous
reprendrons un jour le cours de la vie ! Et pourtant chacun de nos
gestes, chacune de nos actions sont destinés à ce que la vie reprenne,
paisible, plus paisible encore qu'auparavant si cela est possible… »
Il
ignorait que lui et sa sœur Simone finiraient dans les camps de
déportation…dans un train qui avait pour terminus Dachau, Ravensbrück,
Auschwitz, Birkenau…
* * *
Après quelques tâtonnements elle finit par trouver radio-Londres. Le brouillage, ce soir, ne couvre pas trop les voix.
Il est 21h25, ce 15 janvier 1943 :
« fils
d'un ouvrier du Nord, assassiné par les Allemands en 1917, ancien
combattant de la campagne de France, compagnon de captivité des 27
martyrs de châteaubriant, évadé en 1941 après 9 mois de torture dans les
raisons allemandes, Fernand Grenier, député de Saint-Denis, vous
parle… :
« Français, Françaises,
Après
avoir connu les prisons de Fontevrault et de Clairvaux, après avoir
vécu 9 mois avec Charles Michel ,Guy Môquet et nos martyrs de
Châteaubriant, après avoir partagé, à Paris même, le quotidien danger
des combattants de la résistance, après avoir connu les mêmes
privations, les mêmes souffrances morales, les mêmes espoirs que notre
peuple enchainé mais indompté, je viens d'arriver à Londres, délégué par
le comité central du parti communiste français pour apporter au général
de Gaulle et au Comité national français l'adhésion des dizaines de
milliers des nôtres qui , malgré la terreur, dans les usines comme dans
les rangs de francs-tireurs et partisans, dans les universités aussi
bien que dans les oflags du Reich, de Nantes à Strasbourg, de Lille à
Marseille, mènent chaque jour, au péril de leur vie, la lutte implacable
contre l'envahisseur hitlérien détesté.
Je
suis venu pour affirmer ici que, dans l'esprit du paysan comme de
l'ouvrier, de l'industriel patriote comme du fonctionnaire, de
l'instituteur laïque comme du prêtre, nulle équivoque n'existe : on est
avec Vichy ou avec la France qui résiste et qui combat… »
Le brouillage qui s'était amplifié depuis quelques instants rendit les propos de l'orateur inaudibles…
- vous avez entendu !...le Général de Gaulle accepte les communistes !...cet homme est complètement fou ! Les communistes !
- la France a besoin de tous ceux qui veulent combattre, et pour l'instant ils ne sont pas si nombreux !...
-c n'est pas une raison pour prendre n'importe qui !
-taisez-vous, ça reprend...
« …l'immense
masse des Français , tous ceux qui luttent, tous ceux qui résistent,
tous ceux qui espèrent – et ceux-là sont la France innombrable, la
France tout court- sont avec le général de Gaulle, qui eut le mérite,
désormais historique, de ne pas désespérer alors que tout croulait, et
avec tous les hommes de la résistance qui se sont peu à peu groupés et
qui continuent à se rassembler au sein de la France combattante en vue
du combat sacré, pour la libération de la patrie… »
Une nouvelle fois le bouillage couvrit la vois de Fernand Grenier. Mythé reprit ses manipulations…
« …Amis
de France, vos souffrances sont terribles, votre courage magnifique et
grandes vos espérances. Vous saluez chaque victoire de l'Armée Rouge,
chaque raid destructeur de la R.A.F., chaque tank ou canon qui sort de
l'arsenal américain. Continuez de tenir bon ! Soyez solidaires les uns
avec les autres et aidez-vous mutuellement ! Accentuez toujours votre
action tenace et héroïque contre l'occupant ! Qu'un immense souffle de
fraternité, qu'un permanent courage vous animent !... »
Le brouillage reprit, cette fois définitivement…
En attendant, c'était toujours la guerre…
Les ausweis périmés devaient être renouvelés !
Voir ainsi une partie de sa photo marquée de l'aigle hitlérienne, quelle horreur !
Du fait de l'occupation de la zone sud on n'en aurait même plus besoin bientôt…
Quand
on pense qu'il existait même un livre de cuisine spécialement inventé
pour cette période de restriction t qui s'intitulait justement Cuisine et Restrictions, par un dénommé Edouard de Pomiane ! N'importe quoi
Résistance !
D'ailleurs qu'est-ce que cela voulait dire ? Dans le dictionnaire elle
avait noté : « qualité par laquelle un corps résiste à l'action d'un
autre » (… ?), « force qui s'oppose au mouvement », « défense contre un
assaillant », « capacité de l'organisme à résister à la fatigue, à la
maladie », « refus d'obéir, de céder », plus des considérations d'ordre
scientifique assez obscure…Peut-être désignerait-on plus tard parce mot
son action clandestine contre l'occupant nazi durant cette seconde
guerre mondiale ?...
La résistance tissait sa toile et se déployait…
C'est partout en France que le combat pour la liberté prenait forme…
Chaque jour la tâche de l'ennemi se voyait contrariée, paralysée par le nombre de leurs actions !
Entretemps
ils perdaient nombre de leurs agents, dénoncés pour la plupart,
accusés de servir d'agents de liaison, d'être des « terroristes »,
recherchés par la police française aussi bien que part la Gestapo !
Encore des mots qui l'interpellent…
« Terroristes » !
Certes ils cherchaient à déstabiliser l'Etat vichyste et la
collaboration…il ne fallait pas se retrouver en possession de papiers
compromettant, cela était suffisant pour l'arrêter elle et ses
camarades…était-elle soupçonnée d'appartenir à un réseau ? Elle n'était
qu'un pion parmi tant d'autres, un maillon de la chaîne…elle ne faisait
que passer des messages, ignorant même ce qu'ils contenaient !
Prenait-elle tant de risques ? Les choses devenaient graves…il ne
fallait pas commettre d'imprudence…ils avaient tous des noms de code,
souvent ils ignoraient leur véritable identité !
Des
actions, toujours des actions ! Parfois ils attaquaient des mairies et
des perceptions pour récupérer des cartes d'alimentation, indispensables
à leur survie, des cachets officiels, des cartes d'identité vierges et
de l'argent…
Elle, elle passait des billets, des petits messages…
Elle
avait appris qu'un jeune homme de 17 ans, Guy Môquet, avait été fusillé
parce qu'un attentat avait été commis à Paris, et 70 autres avec lui…s
Quand
on participait à une action clandestine on ne va pas le crier sur les
toits ! Mais il fallait bien continuer à combattre…c'était leur devoir…
Ils risquaient la dénonciation, l'arrestation, l'emprisonnement, la mort…
Sans
compter ceux qui cachaient des aviateurs anglais, des juifs, déposaient
des bombes, faisaient dérailler des trains, communiquaient avec Londres
à l'aide d'émetteurs clandestins…malgré l'armistice la guerre
continuait !
Mais
quand la Gestapo interrogeait brutalement de supposés résistants elle
laissait cette brutale besogne aux gestapistes français… quelle honte !
Des centaines d'agents français appointez renforçaient en effet les
rangs de la gestapo et des troupes auxiliaires…leurs propres
compatriotes ! Et encore ce n'était qu'ne partie de la triste réalité…
il n'y avait pas beaucoup à forcer la main de certains préfets, maires,
magistrats ou policiers français…. Ils obéissaient aux ordres de l'état
français sans sourciller, sans états d'âme….c'est le maréchal Pétain qui
l'avait demandé ! De « collaborer » ! Ils s'estimaient dans la
légalité !
-l'honneur c'est de continuer la guerre !
-avec quoi ? La défaite française avait été consommée en quelques jours !...
La nouvelle était annoncée : Leningrad était libérée ! Ils avaient tenu seize mois…
- en France aussi des milliers de vies humaines ne pèsent pas lourd et des dizaines d'otages sont exécutés…
- c'est la triste conséquence d'actes de banditisme commis par des
-irresponsables à la solde de Moscou ou de Londres
- comment oses-tu dire ça !
-
tu trouves que c'est être debout que de vivre écrasé par les bottes
allemandes et de leur lécher la semelle ?- et toi tu ne trouves pas que
les types de Londres vivent bien protégés dans leur île en appelant à la
subversion tous les fainéants communisants de notre malheureux pays ?
- tu oublies les bombardements quotidiens en Angleterre !
Toutes ces conversations la fatiguaient
Elle resta longtemps songeuse, accoudée à la table, le menton entre ses mains, vaguement inquiète.
Depuis la fin du mois de février 1943 il n'y avait plus de ligne de démarcation entre les deux zones.
Avec
les autres elle continue de passer des messages, quelquefois des armes,
de cacher des aviateurs ou des petits enfants juifs.
Il y avait aussi des parachutages en pleine nuit.
Ceux
qui ne voulaient pas partir au S.T.O. étaient venus les rejoindre.
Maintenant ils étaient plusieurs dizaines ! Les taches étaient
réparties : distribution de tracts et de journaux clandestins, sabotage
de lignes à haute tension ou de voies ferrées, recherche de faux
papiers…
Pâques tombait le dimanche 10 avril.
La règle numéro un dans la clandestinité était de déménager quand les membres d'un réseau étaient arrêtés…
Et
quand il y en avait qui étaient arrêtés, tout le monde tremblait :
sous la torture ils étaient capables de faiblir, de donner des tas
d'informations sur le réseau, dont la mission était le parachutage, le
stockage d'armes, les faux papiers, la centralisation des
renseignements, l'organisation de l'hébergement des juifs et des
réfractaires au S.T.O
La nuit ils avaient barbouillé les phares en bleu pour se faire moins remarquer !
La
17 mai ils avaient appris qu'il y avait eu 195 morts sous les
bombardements alliés à Bordeaux ! Avec quel plaisir Hérold Paquis de
Radio-Paris l'avait-il annoncé, dit et redit !
Les grands panneaux blancs aux lettres gothiques noires rappelaient toujours la présence allemande…
Elle
n'était qu'une jeune fille, ni forte ni courageuse, jetées dans une
tourmente, emportée loin de ses rêves, face à un monde nouveau qu'elle
ne comprenait pas et où se libéraient des instincts si violents qu'ils
balayaient toutes faiblesses…
Qu'elle était loin l'insouciance de ses quinze ans !
Le
kilo de beurre au marché noir était passé à 350 francs et le café de
1000 à 2000 francs ! Les bas de soie n'étaient plus qu'un souvenir
lointain : maintenant on se dessinait au crayon une ligne sombre sur
l'arrière du mollet !
Après
l'invasion de l'U.R.S.S par l'Allemagne, Philippe Henriot, l'ex-député
de la droite libérale de Libourne, adversaire de tout temps du parti
communiste, était devenu le porte-parole des défenseurs de la
civilisation chrétienne face au bolchevisme.
La
guerre avait exacerbé le besoin d'être informé de tout : du recul des
troupes allemandes en Russie, du nombre des morts du dernier
bombardement allié, de l'augmentation du prix du beurre, de la
nomination par le Comité français de la résistance nationale du nouveau
gouverneur général de l'A.O.F., de la démission de Mussolini, du
prochaine débarquement…
Cependant
Radio-Londres devenait de plus en plus fatigante à écouter à cause du
brouillage ! De plus il avait été interdit de vendre des postes de
T.S.F. !
Les avis des deux camps continuaient de s'opposer !
-
il est révoltant de voir l'Allemagne prélever sur nos ressources ce qui
lui est nécessaire !- et pourquoi l'Angleterre et l'Amérique
s'emparent-elles de notre ravitaillement nord-africain,
- Churchill et Roosevelt ne refusent-ils pas de reconnaître la souveraineté française ?
« Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand ! »
Il
est rai que l'on subissait la tyrannie de la radio, de ces voix qui
venaient d'on ne sait où et susurraient tout à tour conseils culinaires,
recommandations diverses, informations du monde entier ou bien qui
grondaient, invectivaient, prophétisaient, flattaient, malaxant si bien
les cerveaux, y imprimant aussi facilement la haine que l'espoir…
Elle n'échappait pas à cette intoxication par les ondes…
Et en plus on craignait les dénonciations des voisins ou des soldats à l'étage !
Mais elle ne pouvait s'empêcher d écouter presque tous les jours…
Elle
appartenait à la classe des J3, c'est-à-dire les moins de 23 ans. Une
ajiste quoi ! L'âge où l'on a envie de danser…et des bals, il y en
avait, sur la place du village…mais les seuls cavalier étaient les
soldats allemands, qui l'invitaient et auraient bien voulu la faire
danser, mais ce n'était pas convenable, même pas imaginable…
En Afrique du Nord le colonel Leclerc entraînait ses troupes à Sabatrah.
Elle avait trouvé un petit travail de comptabilité à l'épicerie.
Elle
avait recopié les paroles d'une chanson de Pierre Dac diffusée par
Radio-Londres dans la soirée du 5 décembre, es avait prises en sténo,
puis retranscrites et aimait à la fredonner, sur l'air de Lili Marlène :
A force d'entendre chanter cette chanson
J'ai eu le désir, dicté par la raison d'aller tout simplement un soir
Afin de voir
Et de savoir
Que dit Lili Marlène,
Que dit, Lili Marlène.
- Hé, dis-moi la belle, pourquoi cet air songeur ?
Pourquoi dans tes yeux cette trouble lueur ?
- Il n'est plus pour moi de bonheur
Et le malheur
Est dans mon cœur…
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.
- Voyons, n'as-tu plus confiance en ton Führer ?
N'est-il pas pour toi plus grand que le Seigneur ?
-le triomphe qu'ilo nous a promis,
Je l'attends depuis
Trois ans et demi
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.
-N'es-tu donc pas encore heureuse d'appartenir
A la grande Allemagne et fière de son avenir,
- Je sais que le Reich tout entier
Est bombardé
Par des Alliés
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.
- Ignores-tu donc l'invincible rempart
Que votre Wehrmacht dresse de toutes parts ?
- Je sais que le sol de Russie
Est tout rougi
Du sang nazi
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.
- Enfin la victoire couronnant vos drapeaux
Sur la croix gammée resplendira bientôt.
- je sais qu'en mon âme éperdue
L'espoir n'est plus
Nous somm's perdus,
A dit Lili Marlène,
A dit Lili Marlène.
Elle aurait pu battre Suzy Solidor sur son propre terrain !
Elle retourna à ses comptes…
Les nouvelles, quelles sont les nouvelles ?
- ça ne va pas fort pour les Allemands.
- Ciano, le gendre de Mussolini avait été exécuté.
- de Gaulle et Churchill se sont rencontrés à Marrakech…
- les Alliés ont débarqué à Anzio…
- Berlin a été bombardé plus de cent fois…
- Hourrah !
- des résistants français ont été exécutés à la hache à Cologne…
Un lourd silence suivit cette information.
Arrive Noël 1943…
Que c'était triste …
Et la nuit du 31 décembre…
Chacun et chacune se demandait avec angoisse si 1944 verrait enfin la guerre se terminer…
Le calendrier représentant des chatons paraissait anachronique avec ses couleurs criardes !
Elle
reprit ses longues échappées à vélo, pédalant des kilomètres à travers
la campagne, ne rentrant que pour s'éffondrera sur son lit. Des jours
elle faisait entre trente à quarante kilomètres !
- si la guerre continue encore longtemps je vais avoir les mollets de Le Guevel ou de Van Vliet et courir le Grand Prix !
Depuis
que les rumeurs d'une probable défaite allemande circulaient, les
forces de l'ordre étaient parfois moins assurées, certains pensaient
déjà à l'avenir et se posaient des questions…
Certains envisageaient même de changer de camp.
Elle
essayait toujours de capter Radio-Londres sur le fameux poste de T.S.F.
mais à cause du brouillage cela devenait de plus en plus difficile
d'entendre distinctement ces voix devenues familières et chères qui
parlaient de « Liberté » :
« Honneur et Patrie… »
Le grésillement couvrit la voix de l'orateur…
Plusieurs fois elle alluma et éteignit l'appareil.
Elle allait y renoncer quand la même voix reprit :
« …j'ai
dit en votre nom au général de Gaulle la foi qui nous anime…tout ce qui
constitue notre raison de vivre…de tous ces hommes dont l'honneur est
d'avoir cru en l'avenir… »
Le
brouillage reprit, ne laissant passer que quelques lambeaux de phrases
puis cessa brusquement…Les messages personnels ! Les messages
personnels !
« Tout
s'enfle contre moi, tout m'assaut, tout me tente…Je répète : tout
s'enfle contre moi, tout m'assaut, tout me tente…Les canards de Ginette
sont bien arrivés…Je répète : Les canards de Ginette sont bien
arrivés… »
La
division formée par le général Leclerc en vue du débarquement avait
quitté le Maroc pour l'Angleterre où elle était arrivée le 21 avril dans
le port de Swansea au sud du pays de Galles. Le général lui –même était
venu les accueillir.
On commençait d'entendre un rengaine ;
« …Ami, si tu tombes
Un ami sort de l'ombre
A ta place.
Demain du sang noir
Séchera au soleil
Sur les routes
Sifflez compagnons…
Dans la nuit, la liberté
Nous écouté ! »
C'était
« le Chant des partisans », paroles de Maurice Druon et Joseph Kessel,
musique d'Anna Marly, diffusé pour la première fois par la B.B.C. le 9
février 1944, lu par Jacques Duchesne sous le titre : »Chant de la
Libération ». Ecrit à Londres, ce poème fut tout d'abord publié dans les
Cahiers de la Libération, revue clandestine fondée en France occupée
par Emmanuel d'Astier de la Vigerie en septembre 1943.
La
présence des Allemands dans sa propre maison ne faisait que renforcer
son désir de liberté…elle avait compris depuis le jour de leur arrivée
ce que signifiait avoir perdu la guerre, être humilié, être occupée…
Et on les traitait de « terroristes » !
Des « hors-la-loi » !
Comme son père qui avait rejoint le général de Gaulle à Londres
Les autres ne se rendaient même pas compte qu'ils trahissaient leur propre pays en « collaborant » !
Certains
étaient même des honnêtes gens ! Mais leur goût de l'ordre, des valeurs
bourgeoises, leur métier, les conduisaient à respecter le pouvoir
légal, pour eux seul Pétain était légitime…
Ce
mot de « terroriste » avait été apporté par les allemands et désignait
sur les affiches les résistants qu'ils avaient fusillés
- mais nous ne terrorisons qu'eux ainsi que les collabos fascistes et actifs !
Ils
ne voyaient pas que tôt ou tard l'Allemagne perdrait la guerre et que
les « terroristes « d'aujourd'hui prendraient demain le pouvoir…
Ils
se disaient que si les Américains débarquaient et que de Gaulle
triomphait, la France tomberait aux mains des communistes et que les
Russes feraient la loi chez nous…que seule l »Allemagne pouvait
préserver l'Europe du fléau communiste !
Au
début du mois de mars 1944 les rumeurs de l'imminence d'un débarquement
allié se faisaient de plus en plus nombreuses et personne ne doutait
que ce jour-là les exécutions cesseraient… Il fallait jouer contre la
montre !
On sentait qu'il allait se passer quelque chose d'important…
Le débarquement était proche…
Depuis le mois d'avril elle écoutait à 19h les 1er,
2, 15, et 16 du mois le programme français de la B.B.C., des messages
concernant le débarquement pouvant être transmis à ces dates…
Tout devait être en place pour cette éventualité et se préparer dans le calme et me secret…
Depuis
le début de l'année de petits groupes ne se privaient pas de harceler
l'occupant : sabotages, attaques de sentinelles, évasons de prisonniers,
etc., mettant Allemands et Miliciens en état d'alerte permanent,
rendant précaire la sécurité du réseau…
On était dans un climat d'attente et de tension.
Bientôt la Pentecôte : espérons que les lumières du Seigneur seraient favorables…
Plusieurs
messages cryptés parvenaient dans les messages personnels, annonçant
l'imminence du débarquement et l'ordre de mise en alerte des groupes de
Résistance.
Un grand espoir commençait d'habiter les cœurs…
Un grand espoir et une grande impatience aussi…
Après
quatre années d'Occupation, ces quelques jours d'attente allaient
paraitre bien longs à ces poignées d'hommes et de femmes qui n'avaient
pas voulu accepter la défaite…
C'est
dans la soirée du 5 au 6 juin que l'on transmit le message « B » tant
attendu, l'un des trois cents diffusé cette nuit-là par la section
française du S.O.E. à ses officiers : « A l'oreille une rose »,
annonçait le débarquement allié en Normandie et la mobilisation de toute
la Résistance française.
Cette
nuit-là 5000 navires qui venaient d'Angleterre avaient traversé la
Manche, « the Channel », et, au lever du jour, 18.000 parachutistes
étaient descendus du ciel et des soldats américains, anglais et
canadiens débarquaient par milliers sur les plages de France…3000 y
laissèrent la vie aux premières heures du matin, la plupart reposant
dans les cimetières de Normandie.
Aussitôt
les opérations prévues se déclenchèrent : dès l'aube les rames
patiemment stockées dans les granges, les séchoirs, les caves les
grottes, furent rapidement distribuées ; des câbles souterrains
stratégiques furent détruits.
Dans la soirée du 6 juin, on écouta, malgré le brouillage, la vois qui pendant quatre ans avait porté l'honneur de la France :
« La bataille suprême est engagée !
Après
tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici venu le choc décisif,
le choc tant espéré. Bien entendu c'et la bataille de France et c'est
la bataille de la France !
« …pour
les fils de France, où qu'ils soient, quels qu'ils soient, le devoir
simple et sacré est de combattre par tous les moyens dont ils disposent.
Il s'agit de détruire l'ennemie qui écrase et souille la patrie,
l'ennemi détesté, l'ennemi déshonoré.
L'ennemi
va tout faire pour échapper à son destin.il va s acharner à détruire
notre sol aussi longtemps que possible. Mais il y a beau temps qu'il
n'est plus qu'un fauve qui recule…
…pour
la nation qui se bat, les pieds et les mains liées, contre l'oppresseur
armé jusqu'aux dents, le bon ordre dans la bataille exige plusieurs
conditions… »
Les trois conditions ne purent être entendues des auditeurs, seule la fin du discours du général de Gaulle leur parvint :
« La
bataille de France a commencé.il n'y a plus dans la nation, dans
l'empire, dans les armées qu'une seule et même volonté, qu'une seule et
même espérance. Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos
larmes voici que reparaît le soleil de notre grandeur. »
Quand retenti la Marseillaise, tout naturellement, ils se mirent debout. Certains pleuraient sans chercher à cacher leurs larmes…
Plus
tard, après les recommandations d'u membre de l'état-major du
commandement suprême des forces expéditionnaires interalliées, aux
populations situées dans la zone du débarquent, Jacques Duchesne prit la
parole dans l'émission « les Français parlent aux Français » :
« Ce n'est pas par accident, mes mais, que vous n'entendez pas ce soir « aujourd'hui, 277ème jour de l'invasion, etc. » ce n'est pas par oubli que vous n'entendez pas « 1444ème
jour de la lutte du peuple français pour sa libération ».il a fallu
1444 jours pour que cette libération commence. Mais ces deux
formules-là, vous ne les entendrez plus jamais. »
Tous applaudirent le plus jamais »…
Encore un peu de patience el plus jamais il n'aurait peur, ils n auraient à se cacher.
Encore quelques jours, quelques semaines les prisonniers reviendraient de camps
Cette nuit-là on fit de beaux rêves…
Mais rien ne laissait prévoir une attaque allemande…
Les
casques vert-de-gris des soldats allemands étaient toujours là au
village….des Miliciens, reconnaissables à leurs uniformes bleu marine et
à leurs casques noirs, les accompagnaient…
Il y a des fusillades, il y a des morts…
On entend parler de ce que les allemands ont fait à Oradour-sur-Glane, le samedi 10 juin…
Les
gens se pressaient pour la distribution du tabac. On va rassembler les
écoliers pour la visite médicale. Des réfugiés étaient arrivés la
veille, 200 environ…c'est après le repas de midi qu'ils ont débarqué
dans des camions, en tenue de campagne, braquant leurs armes sur les
maisons…le major, un certain Otto Dickmann, a fait venir le maire, puis
le garde champêtre..Accompagné de deux SS, il a fait le tour du village
en battant du tambour »Avisss à la population… » Vous
connaissez ?...tous les gardes champêtres de France disent :
Avisss….alors il délivre son message : « Avisss à la population les
hommes, les femmes et les enfants doivent se rassembler immédiatement,
munis de leurs papiers, sur le champ de foire, pour vérification
d'identité.
«
Ceux qui sont malades ou impotents, les SS les tirent de leur lit et à
coups de crosse les poussent vers le champ de foire, comme ils poussent
les paysans ramassés dabs les champs alentour, les familles de s hameaux
voisins, les pêcheurs à la ligne, les petits enfants qui n'avancent pas
assez vite…bientôt tous les habitants sont assemblés. Quelques coups de
feu à l'autre bout du village font sursauter la masse hébétée…des
mitrailleurs prennent position un peu partout.des femmes et des enfants
sanglotent. On sépare les hommes des femmes. Elles serrant leurs petits
contre leur poitrine, cramponnent les landaus de leurs bébés….encadrées
par dix SS on les conduits avec les enfants des écoles dais l'église. Le
curé n'a jamais vu autant de monde.les hommes sont alignés sur trois
rangs. Dans le silence on entend la cloche du tramway de limoges qui
s'apprête à passer le pont…un coup de feu. Un soldat hurle dans un
excellent français que des terroristes ont caché dans un village un
important stock d'armes et de munitions et que, sous peine de
représailles, ils doivent indiquer où sont les cachettes…un vieux paysan
dit qu'il a un vieux fusil de chasse… »Ça ne nous intéresse pas »,
répond le soldat. On sépare les hommes en quatre groupes de 40 à 50…deux
sont dirigés vers le haut du village, deux vers le bas…on les entasse
dans sept granges. Les Allemands, mitraillettes et mitrailleuses
braquées sur eux, bavardent en riant…soudain, avec un grand cri, ils
ouvrent le feu.les corps tombent les uns sur les autres, les balles
ricochent contre les murs, les blessés hurlent…la mitrailleuse cesse.au
pistolet on achève tout ce qui bouge encore.des soldats apportent de la
paille, du foin, des fagots, une brouette, une échelle.ils enflamment
des bouchons de paille qu'ils jettent sur le tas des mourants. Agité de
derniers soubresauts, et referment les portes. Dans les sept granges la
même scène se reproduit…dans l'église400 femmes et enfants, 500
peut-être, regardent avec épouvante un groupe de soldats trainant une
lourde caisse d'où dépassent des cordons…ils les allument et sortent…une
explosion…une épaisse fumée noire envahit la nef. Hurlant de frayeur, a
demi asphyxiés les femmes et les enfants courent en tous snes.par le
portail ouvert, les mitraillettes crépitent… les grenades explosent… les
cheveux s'enflamment…disparue l'odeur de poussière et d'encens…celle du
sang, de la merde, des chairs brulées la remplace…des gars de vingt ans
jettent dans ce groupement humain des fagots, de la paille…un
lance-flammes crache son feu…une femme, sa fille tuée auprès d'elle, se
traine…deux petits, réfugiés, réfugiés dans le confessionnal, sont
abattus…mère set enfants brûlant vifs enlacés…entendez-vous ces
cris ?...dites, les entendez-vous ?voyez-vous les lies murs du lieu
saint maculés du sang des victimes ?...les traces des pauvres doigts
glissant le long des pierres ?ces visages éclatés ?ces embles brisés, ce
bébé qui hurle dans sa poussette avant de n'être qu'une
torche ?.Dites ? Les voyez-vous ?...
Un gout nauséeux dans la bouche, ils s'étaient levés, abasourdis…
Dans
la soirée du 15 juillet, tous volets et fenêtres fermés malgré la
chaleur accablante, on écoute la radio de Londres qui parle de
l'assassinat de Georges Mandel par la milice…
-avec Philippe Henriot c'est le deuxième député de la Gironde à être assassiné en quelques jours !
Côté
politique il y avait du changement : le général Koenig est le
commandant en chef des Forces françaises de l'intérieur, le général
Chaban-Delmas à succédé à Bourgès-Maunoury, les gaullistes se méfient
des communistes
On se battait en Bretagne, en Normandie, en Russie et même dans le Pacifique…
Le 11 août la radio annonça la mort de Saint-Exupéry abattu dans le midi au cours d'un vol de nuit…
Les
alliés débarquaient à Sainte-Mère-Eglise en compagnie du général
Leclerc qui piquait de sa canne le sable autour de lui avec un air
incrédule…
Du
10 au 12 août, la 2° D.B.avait tué 800 Allemands, fait plus de 100
prisonniers et détruit quinze panzer. Par milliers les soldats ennemis
se rendaient….
A
Paris des affiches jaune et noir signées du nouveau gouverneur
militaire de paris, le général Von Choltitz, appelaient la population
parisienne au calme et lui annonçait des mesures de répression « les
plus sévères et les pus brutales » à son encontre en cas de désordres,
de sabotages ou d'attentats…
Mais
la plupart des lecteurs souriaient : n'avait-on pas annoncé à la radio
à midi le débarquent allié en Provence ? Certains affirmaient que les
américains étaient aux portes de Paris ! Qu'on entendait le
canon…d'autres revenaient de Notre-Dame où ils avaient assisté à la
cérémonie commémorative du vœu de Louis XIII malgré l'interdiction faite
pas le maréchal Von Choltitz…
Enfin, manœuvrant les boutons du poste de T.S.F. on entendit :
« Parisiens,
réjouissez-vous ! Nous sommes venus vous donner la nouvelle de la
délivrance...la division Leclerc entre dans Paris ! Elle va être dans
quelques minutes à l'Hôtel de ville ! Ne quittez-pas l'écoute ! Vous
allez entendre la grande voix que vous attendez. Nous sommes fous de
bonheurs !...notre émission n'est pas réglée ; nous parlons dans de
mauvaises conditions ; nous n'avons pas mangé depuis trois jours…il y a
des camarades qui ont fait le coup de feu et qui n'ont pas mangé depuis
trois jours et qui reviennent au micro Nous sommes saouls peut-être,
mais de joie, de bonheur… »
« …à
l'instant, devançant les troupes du général Leclerc, deux voitures
blindées sont arrivées à l'Hôtel e ville…dans l'une d'elle serait le
général u !...ce qui est certain, c'est qu'à la préfecture de police et à
l'hôtel de , les Alliés sont arrivés et il est probable que le général
de Gaulle y est…faites sonner immédiatement les cloches à toute volée
pour annoncer l'entrée des Alliés dans Paris… »
Le
colonel Rol, commandant des F.F.I. de l'Ile-de-France a signé la
convention de reddition avec le général Leclerc et le général Von
Choltitz.
Puis c'est la retransmission du discours du général de Gaulle à l'Hôtel de Ville :
« Paris !
Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré !
Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées
de la France, avec l'appui et le concours de la France toute entière, de
la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la
France éternelle… »
La
voix de celui qui, durant quatre ans, avait été l'espoir de la France,
« gouvernait la France » ce soir, au ministère de la Guerre, que les
Allemands avaient quitté quelques heures plus tôt…
Dans
les jours qui suivirent les Forces françaises libres et de l'intérieur
passent à l'offensive, les nazis sont en déroute, leur retraite
commence…les voies ferrées, comme la nationale 7, font l'objet de
violents combats. Les armées américaines, la division blindée du général
de Lattre de Tassigny, débarquées en Provence, progressent vers le
nord…la vallée du Rhône est une impasse pour Schuster. Mais les Forces
françaises se replient pour venir en soutien aux américains qui visent
Grenoble ; ils sont à Sisteron.
Un immense drapeau tricolore flottait sous l'Arc de Triomphe.
Il faisait un temps magnifique, pas un nuage
Une
foule de plus d'un million de parisiens s'était rassemblée sur le
parcours que devaient emprunter le général de Gaulle, les généraux
Leclerc, Juin et Koenig, les chefs de la résistance et les F.F.I. ; de
l'Etoile à Notre-Dame en passant pas la Concorde, les rues et les
trottoirs sont noir de monde…
Soudain
on aperçoit l'immense fleuve piqueté de drapeaux, de banderoles,
conduit par un home grand et seul : le général e Gaulle, précédé de
quatre chars français…
'Vive de Gaulle ! Vive de Gaulle !
Le
général salue la foule des deux mains puis monte dans la grosse Renault
noire décapotable qui avait servi au maréchal Pétain lors de sa
précédente visite…
Sur
le parvis de la cathédrale le voici qui descend de voiture et embrasse
deux petites filles habillées en Alsaciennes qui lui tendent un bouquet
tricolore…
Le
général s'avance vers le portail du Jugement dernier quand éclate une
fusillade : on tire des tours de Notre-Dame ! de gaule, debout, fume
tranquillement une Craven en regardant la scène avec un air amusé…
aussitôt les Leclerc et les Fifis tirent en direction de la cathédrale,
mutilant les gargouilles dont les éclats volent ; le général de Gaule,
agacé, époussette sa vareuse et pénètre dans le lieu saint, remontant,
impassible, les soixante mètres de la nef entre les rangées de chaises
renversées de fidèles accroupis tête en bas… arrivé près du chœur il se
dirige vers un fauteuil installé à gauche de la croix de transept tandis
que les balles continuent à siffler…
Alors le Magnificat retentit sous les voutes, le général chantant à pleine voix, entrainant les autres…
Dehors la foule l'accueille avec de formidables vivats…
L'homme du jour salue des deux mains et 'installe tranquillement dan s sa voiture qui repart sous les ovations.
Puis
va commencer ce qu'on appelle l'épuration : on épure, c'est-à-dire on
arrête, on interroge, on juge, on condamne tous ceux et celles qui ont
eu de près ou de loin des relations avec les Allemands. Ça va de l'homme
d'affaires au député, à l'écrivain, à l'actrice, au directeur de
journaux, au patron d'hôtel, à la prostituée, à la dactylo, bref, à tout
monde…
On le relâche ou o les emprisonne, en attendant d'en fusiller certains !
Parmi eu x des gens comme Pierre Fresnay, Mary marquet, Arletty, Ginette Leclerc, Sacha Guitry, Brasillach…
D'autres sont recherchés comme Céline, Rebatet, Drieu le Rochelle
Des
femmes étaient tondues en place publique.on les promène en public dans
les rues en leur crachant dessus, on pend aux arbres, on torture, on
tue.
En septembre on apprit que Leclerc était reparti avec la 2ème D.B. vers l'Est.
Un monde nouveau était en train d naître, qui aurait d'autres qualités, et aussi d'autres défauts que l'autre…
Les gras de la Résistance se méfiaient des recrues de la dernière heure…beaucoup de collabos retournaient maintenant leur veste…
Pendant
ce temps, celui qui allait être son mari, était toujours prisonnier en
Allemagne du côté de la Prusse, se demandant avec ses camarades
quand viendrait l'heure de leur libération ?...
Puis vient le premier Noël de la France libérée. Tandis que la guere continuait.
Arrive enfin 1945 !
Le
12 janvier trois millions de soldats russes formidablement armés,
soutenus par les chars d'aviation, se mettent en marche de la baltique à
la Tchécoslovaquie pour écraser définitivement ce qui reste de
l'orgueilleuse armée du Reich.
En février sont signés les accords de Yalta.
Le
17, les Waffen SS de la Charlemagne, devenue division, partent pour le
front où il s arrivent le 22 à Hammrstein, gros bourg de Poméranie.
Le 20 avril tombait l'anniversaire d'Hitler.
Dans la nuit du 23 au 24 avril 1945 ordre fut donné de rejoindre Berlin !
C'est
à cette date que son futur mari était libéré par des russes montés sur
de petits chevaux, le jour de la saint Georges, jour qui resterait à
jamais gravé dan sa mémoire…
A
la suite du pacte franco-soviétique, le gouvernement russe avait donné
son accord à la présence, lors de l'entrée en Allemagne des troupes
soviétiques, d'un certain nombre d'observateurs chargés de repérer ce
qui avait été pris dans les arsenaux français afin de les répertorier.
La
haine animait les combattants russes de Stalingrad, de Smolensk de
Leningrad et de Moscou qui avaient traversé la Russie pour atteindre
l'Oder. Leur tribut payé à la guerre était le plus lourd d'Europe. Pour
se venger de ce qu'avaient subi leurs mères, meurs femmes et meurs
filles la loi du talion fut instituée dans toute l'armée rouge, la
vengeance fut complète !...
Le
25 avril, sur l'Elbe, au sud de Berlin, les soldats de la Vème Armée du
Ier Front d'Ukraine du maréchal Koniev firent leur jonction avec les
Américains de la 1ère armée près de Torgau.
Le 30 avril Hitler s'était suicidé avec Eva Braun qu'il venait d'épouser…
Dans
la soirée les Russes investirent le Reichstag après de très violents
combats. Le drapeau soviétique fut hissé au sommet du monument !
C'était la capitulation de Berlin !
Dans
la nuit du 7 au 8 mai le général de Lattre de Tassigny arriva à
Berlin, désigné par le général e Gaulle, pour participer à la signature
de l'acte de capitulation de l'Allemagne.
Bientôt, le jour de la Fête-Dieu, elle allait rencontrer Louis, son futur mari, l'homme de sa vie…
En Septembre, le 18, ils se marieraient…
Une nouvelle vie commencerait pour celle qui était redevenue Marie-Thérèse…