Ces mots que l’on doit à Victor Hugo

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Victor Hugo (1802-1885). www.bridgemanimages.com/Bridgeman Images

En son temps, l’écrivain, né le 26 février 1802, a remis au goût du jour de nombreux mots que les Français 


n’utilisaient plus. Grâce à lui, nous employons encore certains d’entre eux.

«Les bons mûrissent, les mauvais pourrissent», disait Victor Hugo. L’écrivain phare du XIXe siècle est à l’origine d’une pléiade d’ouvrages qui ont marqué l’histoire de la littérature en France et dans le monde. De Bug-Jargal (1818) à Quatrevingt-treize (1874), en passant par Les Misérables (1862), l’auteur romantique a fait renaître de sa plume moult termes oubliés de la langue française.

«La langue a été retrempée à ses origines. [...] Les poètes ont remis en circulation un certain nombre d’anciens mots nécessaires ou utiles. Nous ne sachons pas qu’on ait fait des mots nouveaux», peut-on lire dans Littérature et philosophie mêlées (1834). Cette recherche verbale, partie intégrante du style de l’écrivain, a même permis à certains termes de passer à la postérité. Florilège.

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Pieuvre

En 1865, Victor Hugo est en exil à Guernesey. Il rédige Les travailleurs de la mer (1866) et emprunte à la langue que l’on emploie sur l’île, un parler normand, le mot «pieuvre». «Le crabe se nourrit de charogne, la pieuvre se nourrit de crabes. La pieuvre arrête au passage un animal nageant, une loutre, un chien, un homme si elle peut, boit le sang, et laisse au fond de l’eau le corps mort», écrit-il. Ce terme qualifie le mollusque jusqu’ici nommé «poulpe» en français. Issu du latin «polypus», lui-même emprunté du grec «polupous» (proprement «à plusieurs pieds»), la «pieuvre» entre alors dans le langage courant. Plus tard, elle désigne aussi, par analogie, une personne tenace, insatiable qui, dans ses exigences, ne lâche pas sa proie.

Afflation

Dans Les travailleurs de la mer toujours, Hugo utilise le mot «afflation» pour parler du souffle du vent. Ainsi qu’on peut le lire dans le Trésor de la langue française, il s’agit d’un terme du XVe siècle que l’on trouve à l’époque dans Chroniques et histoires saintes et profanes pour qualifier la bise. «Rien n’est plus démontré que ces afflations à courants continus, et un jour la navigation aérienne, servie par les air-navires que nous nommons, par manie du grec, aéroscaphes, en utilisera les lignes principales», écrit l’exilé de Saint-Pierre-Port, sans savoir cependant qu’il serait un des derniers à utiliser le mot emprunté au bas latin «afflatio» («souffle, gonflement»).

Sorgue

Depuis le XVIIe siècle, la «sorgue» (du provençal «sorn», «sournois») appartient au vocabulaire argotique. Employé pour parler du souper dans l’expression «se refaire de sorgue», le mot apparaît en littérature dans les Mystère de Paris (1842) d’Eugène Sue«Si nous allions nous refaire de sorgue chez l’ogresse du Lapin-Blanc?» Vingt ans plus tard, dans Les Misérables, c’est dans son acception d’origine, autrement dit en synonyme de «nuit», qu’Hugo fait dire à Gavroche: «On ne dit pas un logement, on dit une piolle. [...] Et puis on ne dit pas la nuit, on dit la sorgue.»

Los

Pour sa ballade Le pas d’armes du roi Jean (1828), l’écrivain romantique emprunte cette fois-ci au lexique de la Chanson de Roland, texte du XIe siècle dans lequel est utilisé le mot «los»: «En douce France en perdreie mon los.» Issu du latin «laus», «laudis» («éloge», «estime, gloire»), «los» est un terme vieilli, indique l’Académie française, qui a pour signification «éloge». «Los aux dames! Au roi los! Vois les flammes du champ clos», écrit Hugo.