jeudi 6 octobre 2022

ANNIE ERNAUX

 

Cinq livres d'Annie Ernaux qui disent comme personne la condition féminine

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Annie Ernaux
Annie Ernaux FRANCESCA MANTOVANI-EDITIONS GAL / REUTERS

À travers son œuvre, l'auteure, prix Nobel de littérature 2022, n'a cessé de tendre un miroir aux femmes de plusieurs générations.

Elle est la première Française à obtenir le prix Nobel de littérature. À travers l'œuvre d'Annie Ernaux, l'académie de Stockholm a voulu distinguer le 6 octobre une auteure qui «examine constamment et sous différents angles des vies marquées par les disparités, à savoir : le genre, la langue et la classe sociale». Interrogée par la chaîne de télévision suédoise SVT après l'annonce de la distinction, l'auteure de 82 ans a affirmé considérer cette dernière comme «un très grand honneur», et une «responsabilité» : «C'est-à-dire témoigner d'une forme de justesse, de justice, par rapport au monde».*

Cette justesse, cette justice, c'est aux femmes qu'Annie Ernaux a toujours voulu la rendre. Ses romans autobiographiques, à travers lesquels elle s'est racontée avec une plume limpide, aussi tranchante que sensitive, ont tendu un miroir unique à plusieurs générations. Position sociale, avortement, amour, désir : notre sélection de 5 livres qui déploient un regard féminin unique.

Bande-annonce : L'Événement, de Audrey Diwan

L’Évènement, de Audrey Diwan - extrait
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Mémoire de fille (2016)

Été 68, une colonie de vacances dans l'Orne : Annie Ernaux a 18 ans et pour la première fois, passe une nuit avec un homme. Son livre dissèque cet épisode fondateur et irréversible, dont l'écho brutal résonne ensuite, sur son corps et sa vie, pendant deux ans. Et peut-être plus encore : «J'ai voulu l'oublier cette fille. L'oublier vraiment, c'est-à-dire ne plus avoir envie d'écrire sur elle. Ne plus penser que je dois écrire sur elle, son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil, sa faim et son sang tari. Je n'y suis jamais parvenue». Annie Ernaux interroge aussi son rapport à l'écriture : «Je ne construis pas un personnage de fiction. Je déconstruis la fille que j'ai été».

L'Événement (2000)

1963, Annie Ernaux, qui s'appelle encore Duchesne, son nom de jeune fille, a 23 ans. Elle tombe enceinte : il lui est impossible de garder l'enfant. Étudiante, elle éprouve déjà un désir d'écrire que la maternité ne ferait que briser. L'avortement est encore illégal en France : L'Événement raconte le parcours d'une combattante, entre des médecins impuissants ou malveillants, une amie bien intentionnée mais qui n'épargne pas son jugement, une «faiseuse d'anges» dont l'intervention conduira la jeune femme aux portes de la mort. Sans oublier le sexisme et le mépris de classe auxquels cet épisode la confronte, plus que jamais : «J'ai fini de mettre en mots ce qui m'apparaît comme une expérience humaine totale, de la vie et de la mort, du temps, de la morale et de l'interdit, de la loi, une expérience vécue d'un bout à l'autre au travers du corps». L'Événement a été adapté par Audrey Diwan, avec Anamaria Vartolomei dans le rôle principal, en 2021. Le film, beau et cru, a reçu le Lion d'or du Festival de Venise.

Les Années (2008)

C'est sans doute le livre le plus ample, le plus vertigineux d'Annie Ernaux : elle y raconte sa vie, de son enfance, durant les années d'après-guerre à Yvetot en Normandie, aux années 2000. Un destin qui commence dans un milieu modeste (le café épicerie de ses parents, décrit en 1984 dans La Place, deuxième roman essentiel, où transparaît l'ambivalence des transfuges de classe), duquel elle va s'éloigner par les études, son métier de professeure, et l'écriture. Une adolescence dans les années 1960, l'émancipation et l'apprentissage, parfois cruel, de l'amour et de la sexualité. Le mariage, la séparation et les enfants, des époques où passent le féminisme, des crises économiques, la place croissante du consumérisme. Comme La Femme gelée (1981), qui dénonçait le joug du patriarcat, le roman se mêle ici à la sociologie, le récit intime à l'analyse politique. C'est l'histoire d'un corps et d'un esprit qui changent, pensent, écrivent. Une vie de femme écrite parfois à la troisième personne du singulier, qui se construit, comme tant d'autres, à travers le souffle commun de plusieurs décennies : «Elle voudrait réunir ces multiples images d'elle, séparées, désaccordées, par le fil d'un récit, celui de son existence, depuis sa naissance pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui. Une existence singulière donc mais fondue aussi dans le mouvement d'une génération.»

Passion simple (1992)

Pendant quelques mois, la narratrice vit une histoire d'amour intense avec A, un homme d'affaires marié, venant des pays de l'est. Un amour qui devient comme un point unique vers lequel toute son existence est tendue. Annie Ernaux raconte les étreintes, l'impatience à l'idée du prochain rendez-vous, l'attente auprès du téléphone, la joie et la douleur à parts égales : «J'étais enfant, le luxe, c'était pour moi les manteaux de fourrure, les robes longues et les villas au bord de la mer. Plus tard, j'ai cru que c'était de mener une vie d'intellectuel. Il me semble maintenant que c'est aussi de pouvoir vivre une passion pour un homme ou une femme.» Le roman a été adapté au cinéma en 2011 par Danielle Arbid, avec Lætitia Dosch et Serguei Polunin.

Un jeune homme (2022)

Dans ce livre très court, Annie Ernaux raconte l'histoire d'amour qu'elle a vécue avec un homme trente ans plus jeune qu'elle. Elle écrit sur le désir, qui n'oublie pas toujours l'âge du corps mais n'est pour autant pas amoindri, ainsi que sur les souvenirs de sa propre jeunesse, que cette liaison fait ressurgir. Et décrit les regards qui se posent sur ce couple considéré comme hors norme : «Un dimanche, à Fécamp, sur la jetée près de la mer, nous marchions en nous tenant par la main. D'un bout à l'autre nous avons été suivis par tous les yeux des gens assis sur la bordure de béton longeant la plage. A. m'a fait remarquer que nous étions plus inacceptables qu'un couple homosexuel. »




Le Nobel de littérature récompense la Française Annie Ernaux


Par 
Le Nobel de littérature à la Française Annie Ernaux.

L'écrivaine Annie Ernaux obtient le prix Nobel de littérature 2022. Avant elle, 15 auteurs français ont déjà remporté ce prix, mais elle est la première femme à être récompensée.

Le prix Nobel 2022 de littérature a été décerné ce jeudi à l'écrivaine française Annie Ernaux "pour le courage et l'acuité clinique avec lesquels elle dévoile les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle", écrit l'Académie. À 82 ans, l'autrice des "Armoires vides", de "La Place" ou encore de "Passion simple", dont l'œuvre mêle histoire intime et sociologie, devient la première femme française à recevoir la prestigieuse distinction littéraire.

Interrogée par la télévision suédoise SVT, Annie Ernaux salue "un très grand honneur" et "en même temps une grande responsabilité, une responsabilité qu'on me donne en me donnant le prix Nobel". Jeudi après-midi, lors d'une conférence de presse chez son éditeur Gallimard, elle a promis de "continuer le combat contre les injustices" sous toutes leurs formes, et notamment "par rapport aux femmes et par rapport aux dominés".

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Fille de petits commerçants

Annie Ernaux a grandi dans un milieu très modeste, ses parents - qui tiennent une place importante dans son œuvre - possédaient un petit café-épicerie en Normandie, à Yvetot. Elle obtient le prix Renaudot en 1984 avec son roman "La Place", dans lequel elle relate ses souvenirs d'enfance. L’an passé, son livre "L’Evénement", récit d’un avortement clandestin, avait été adapté au cinéma par Audrey Diwan.

Parmi ses écrits, un ouvrage lui a permis de se faire remarquer, de l’imposer parmi les grands écrivains français : "Les années". Elle se raconte à la troisième personne, en examinant la femme qu’elle était et le contexte socio-historique dans lequel elle est devenue la personne qu’elle est. Il lui était "arrivé de dire que je voulais venger ma race. A l'époque, c'était un vœu un peu en l'air", a déclaré l'autrice qui a toujours défendu et écrit sur ses origines modestes. Etre lue par les jeunes générations montre "que ce que j'écris est toujours vivant, qu'ils y trouvent un écho, c'est certainement de toutes les gratifications que je peux avoir en tant qu'écrivaine une des plus importantes", a-t-elle ajouté, confiant qu'elle avait encore "un livre en chantier".

Son dernier livre en date, "Le jeune homme", est le récit d’une relation amoureuse avec un étudiant de milieu modeste, qui a près de 30 ans moins qu’elle. Elle avait alors 54 ans et allait lui rendre visite à Rouen. "J’ai vraiment senti ce sexisme, cet ostracisme vis-à-vis de la femme mûre. C’était pour moi une façon de témoigner", à travers ce livre, a-t-elle expliqué, invitée de France Inter. "C'est lié au fait que la femme est considérée comme une mère à partir du moment où elle est ménopausée."

"L'exception Annie Ernaux"

Quelques minutes après l'annonce de la récompense, Alice Zeniter a réagi sur l'antenne de France Inter. "Je suis très heureuse, il se peut même que je sois encore en train de danser de joie pendant que je vous réponds !", s'exclame l'autrice de l'"Art de perdre", qui reconnait être émue. "Je me sens infiniment concernée par cette récompense", explique-t-elle. "Le lien que j'ai avec elle a été créé par ses livres. J'ai un attachement émotionnel très fort à l’œuvre d’Ernaux." L'écrivaine, normande comme Annie Ernaux, indique avoir reçu "une claque" à la lecture de ses romans. "J'ai su assez vite qu'elle allait m'accompagner longtemps, parce qu'elle m'insuffle un courage dont j'ai sans cesse besoin."

"Ce Nobel va permettre de faire connaître encore mieux l'œuvre d'Annie Ernaux, qui est une œuvre très importante en termes de représentation des femmes", poursuit Alice Zeniter, en citant des expériences difficiles des femmes, comme la pratique de l'avortement clandestin, mais aussi le désir de la femme. Annie Ernaux, c'est "cette figure de femme libre, de femme désirante, qui vient des classes populaires et qui a décidé d'écrire pour 'venger sa race', en essayant de retrouver la vérité du langage de cette classe populaire normande dont elle est issue. Elle n'a pas fait semblant d'appartenir à la bourgeoisie littéraire pour se créer sa place. C'est vraiment une exception, Annie Ernaux."

"C'est la première fois que j'éprouve quoi que ce soit en apprenant le nom d'un Nobel de littérature", a réagi pour sa part l'écrivaine Virginie Despentes sur franceinfo. "Annie Ernaux représente quelque chose d'important depuis longtemps dans le paysage français. Je l'ai lue depuis que je suis petite et c'est une présence très importante. C'est une surprise qu'elle reçoive le prix Nobel. C'est vraiment une joie."

Une "source infinie d'inspiration"

Dans un tweet, le président Emmanuel Macron salue le travail d'Annie Ernaux, qui "écrit, depuis 50 ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays. Sa voix est celle de la liberté des femmes et des oubliés du siècle." La ministre de la Culture Rima Abdul Malak décrit une "grande émotion". "C'est le couronnement d'une œuvre intime et 'porteuse de la vie des autres'. D'une écriture ciselée et dense qui a révolutionné la littérature. Mais aussi d'une vie de courage et de liberté, source infinie d’inspiration."

Le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, "en pleure de bonheur". "Les lettres francophones parlent au monde une langue délicate qui n'est pas celle de l'argent", écrit sur Twitter l'Insoumis, dont Annie Ernaux avait soutenu la campagne pour la présidentielle.

Il s'agit du 16ème prix Nobel de littérature décerné à un écrivain français. Le dernier en date était Patrick Modiano, en 2014. Avant lui, Anatole France, André Gide, Henri Bergson, Albert Camus ou encore Jean-Paul Sartre (qui l'a refusé) ont également été récompensés. Le lauréat de l'an dernier était le romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah, et l'Américaine Louise Glück en 2020.

À LIRE


LES ANNÉES 

"La photo en noir et blanc d'une petite fille en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues bien droites devant elle, les bras en appui sur le rocher, les yeux fermés, la tête légèrement penchée, souriant. Une épaisse natte brune ramenée par-devant, l'autre laissée dans le dos. Tout révèle le désir de poser comme les stars dans Cinémonde ou la publicité d'Ambre Solaire, d'échapper à son corps humiliant et sans importance de petite fille. Les cuisses, plus claires, ainsi que le haut des bras, dessinent la forme d'une robe et indiquent le caractère exceptionnel, pour cette enfant, d'un séjour ou d'une sortie à la mer. La plage est déserte. Au dos : août 1949, Sotteville-sur-Mer." Au travers de photos et de souvenirs laissés par les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.

BIOGRAPHIE DE L'AUTEUR

Annie Ernaux est née à Lillebonne et elle a passé toute sa jeunesse à Yvetot, en Normandie. Agrégée de lettres modernes, elle a enseigné à Annecy, Pontoise et au Centre national d'enseignement à distance. Elle vit dans le Val-d'Oise, à  Cergy.



Phrase choc :


" une future mère tricote de la layette en avalant régulièrement de la thalidomide, un rang, un cachet. Une amie horrifiée lui dit, tu ne sais donc pas que ton bébé risque de naître sans bras, et elle répond, oui je sais bien mais je ne sais pas tricoter les manches ",



Nobel de littérature : Annie Ernaux, la consécration
Annie Ernaux est devenue hier la première Française à remporter le prix Nobel de littérature pour l'ensemble de son oeuvre. Ce prix vient récompenser une carrière riche pour cette spécialiste des romans autobiographiques.

Le chiffre. Avant l'écrivaine de 82 ans, 15 Français, tous des hommes, avaient remporté la prestigieuse récompense, parmi lesquels Anatole France (1921), André Gide (1947) ou encore Albert Camus (1957). Le dernier en date est Patrick Modiano, en 2014.

💡Portrait-robot. Les romans d'Annie Ernaux disent tout de son évolution et de sa personnalité. De Des Années à Mémoire de fille, notre journaliste Marianne Payot retrace son riche parcours qui l'a amenée jusqu'au sommet de la littérature.






Les années par [Annie Ernaux]

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Une enseignante francophone expliquait à sa classe que dans la langue française, les noms, contrairement à l'anglais, sont désignés au masculin et au féminin.

Par exemple : maison est féminin... une maison ; 

... crayon par contre, est masculin...un crayon.

Un élève demanda à l'enseignante de quel genre est donc le nom ordinateur.

Au lieu de donner la réponse, l'enseignante a séparé la classe en deux groupes, garçons et filles, leur demandant de décider d'eux-mêmes si ordinateur est masculin ou féminin. Elle a demandé à chaque groupe de donner 4 bonnes raisons pour appuyer sa recommandation.

Les garçons ont décidé à l'unanimité que "ordinateur" est effectivement du genre féminin (une ordinateur) parce que :

1. Personne d'autre que son créateur ne comprend sa logique intérieure;

2. Le langage de base que les ordinateurs utilisent avec d'autres ordinateurs est incompréhensible pour quiconque;

3. Même la plus petite erreur est conservée en mémoire à long terme pour être ramenée à la surface plus tard;

4. Aussitôt que vous utilisez régulièrement une ordinateur, vous vous exposez à dépenser la moitié de votre chèque de paie pour acheter des accessoires pour elle.

Le groupe de filles, toutefois, a conclu que l'ordinateur est de genre masculin parce que :

1.. Afin d'accomplir quoi que ce soit avec lui, tu dois l'allumer;

2. Il est bourré de matériel de base, mais ne peut penser par lui même;

3. Il est sensé régler beaucoup de problèmes, mais la moitié du temps, c'est lui le problème;

4. Aussitôt que tu en utilises un régulièrement, tu te rends compte que si tu avais attendu un peu, tu aurais obtenu un meilleur modèle.

Les filles ont gagné !


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