Jeudi 28 février au Mémorial de Caen : Assises de la Normandie de 9 h à 18 h. Table ronde « Mythification par le cinéma » à 16 h 15 avec Jean Quellien (historien), Nathalie Mary (directrice du Festival international du film de la Seconde Guerre mondiale), Denis Darroy (directeur de Normandie Images) et Onno Ottewanger (responsable production touristique à Dunkerque).
Quand le cinéma transforme le D-Day et triche avec l’histoire
ACTUALITÉ
En matière de films de guerre, il est établi que Hollywood s’est beaucoup plus intéressé au Vietnam (Apocalypse Now, Platoon, Voyage au bout de l’enfer…) qu’au Débarquement. Et globalement, comme le résume l’historien normand Jean Quellien, au « Pacifique qu’à l’Atlantique ».
Des films comme Le Jour le plus long (1962) ou Il faut sauver le soldat Ryan (1998) ont pourtant connu un succès historique dans les salles. Mais qui dit historique ne dit pas forcément conforme à l’histoire...
« Une fabrique de héros »
D’après Jean Quellien, toile rime même parfois avec tuile. En l’espèce, Le jour le plus long serait plus à voir comme « une fabrique de héros » que comme un film fiable.
Ce qui chiffonne l’historien depuis quelques années, c’est le mythe John Steele, ce fameux parachutiste resté accroché au clocher de Sainte-Mère-Église.
« C’est la scène culte du film par excellence, rappelle-t-il. Or, elle est largement exagérée et entachée d’erreurs. Déjà, il n’y avait pas un, mais deux parachutistes tombés sur ce clocher. Le second, Kenneth Russel, est totalement oublié en France, mais pas aux États-Unis, souligne-t-il. Quant à John Steel, il n’a pas pu voir ses copains se faire massacrer sous ses yeux, il s’était évanoui après s’être assommé. »
« Sainte-Mère sans Steele, c’est Lisieux sans Thérèse »
L’historien se base sur différents documents, articles et enquêtes, notamment un questionnaire établi par Cornelius Ryan, l’auteur du livre dont s’est inspiré le film. Dans un sujet étayé de L’Express, un paroissien résume en ces termes ses affirmations : « Sainte-Mère sans Steele, c’est Lisieux sans Thérèse. »
Jean Quellien enfonce le clou : « C’était probablement un brave homme, mais il s’est fait dépasser par sa légende sans vraiment la contredire. »
Lors d’une table ronde programmée le 28 février, sur la « mythification par le cinéma », dans le cadre des Assises de la Normandie au Mémorial de Caen, l’historien pointera aussi probablement du doigt les mythes autour de Bill Millin, le joueur de cornemuse de Pegasus Bridge, et du major Dick Winters à Utah Beach, mis en avant par la série Band of Brothers.