" Monsieur
le Président du Congrès, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Premier
ministre, Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement, Mesdames et
Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Je
n’ai rien oublié et vous non plus du choix que la France a fait il y a une
année : d’un côté, toutes les tentations de la fermeture et du repli, de
l’autre, la promesse républicaine ; d’un côté, tous les mirages du retour en
arrière, de l’autre, les yeux ouverts, le réalisme et l’espérance assumée. Et
je n’ai rien oublié des peurs, des colères accumulées pendant des années, qui
ont conduit notre pays à ce choix. Elles ne disparaissent pas en un jour, elles
n’ont pas disparu en une année.
Je
n’ai pas oublié la peur du déclassement pour soi-même et pour ses enfants, la rage
devant l’impuissance publique, le pays qui se sent coupé en deux, non pas
seulement entre partis opposés, mais plus grave encore, entre sa base et son
prétendu sommet. A la base, les femmes et les hommes au travail ou qui
cherchent du travail sans en trouver, tous ceux qui ont du mal à boucler les
fins de mois. Et au sommet, ceux qui sont au pouvoir, leurs discours de
soi-disant puissants qui ne changent jamais rien et auxquels en plus on ne
comprend plus rien, l’impression du citoyen d’être ignoré, méprisé, surtout de
ne pas voir, de ne plus voir, où nous devons et pouvons aller ensemble.
La
colère enfin, née de la fin des ambitions collectives et de la fin des
ambitions familiales et personnelles. Je n’ai rien oublié de ces colères, de
ces peurs, rien. Peur aussi de l’autre, des grands changements, du fracas du
monde : les tensions avec l’Iran, la guerre commerciale lancée par les
Etats-Unis, les divisions de l’Europe. Je n’ai pas oublié, je n’oublie pas et
je n’oublierai pas. C’est pourquoi je suis devant vous, dans ce
rendez-vous que j’ai voulu annuel, humble mais résolu, porteur d’une mission
dont je n’oublie à aucun moment qu’elle engage le destin de chaque Française,
de chaque Français et donc le destin national.
J’ai
dit humble mais résolu, et je veux vous faire une confidence : il y a une chose
que tout président de la République sait, il sait qu’il ne peut pas tout, il
sait qu’il ne réussira pas tout. Et je vous le confirme, je sais que je
ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout. Mais mon devoir est de ne
jamais m’y résoudre et de mener inlassablement ce combat. Tout président de
la République connaît le doute, bien sûr, et je ne fais pas exception à la
règle mais j’ai le devoir de ne pas laisser le doute détourner ma pensée et ma
volonté. C’est une fonction qui, si l’on est réaliste, porte à l’humilité ô
combien, mais à l’humilité pour soi, pas à l’humilité pour la France. Pour la
France et pour sa mission, le président de la République a le devoir de viser
haut et je n’ai pas l’intention de manquer à ce devoir.
De
ce destin national, nous sommes, vous comme parlementaires, le Gouvernement
sous l’autorité du Premier ministre, moi comme président, conjointement
chargés. Vous êtes la représentation nationale. C’est une grande tâche que de
représenter le peuple souverain, pas seulement un peuple de producteurs et de
consommateurs animés d’attentes économiques et sociales, non, un peuple de
citoyens, des femmes et des hommes qui veulent, les yeux ouverts, façonner leur
destin collectif. Durant cette année, le Parlement a beaucoup travaillé. La
mission que les Français nous ont assignée il y a un an, vous ne l’avez jamais
perdue de vue : renforcer notre économie, définir un modèle social juste et
équitable, conforme aux aspirations de notre siècle, restaurer l’autorité de
l’Etat et lui donner réactivité et efficacité, relancer l’Europe.
Et
vous avez jour après jour œuvré en ce sens. Vous avez œuvré dans l’urgence pour
tourner la page des politiques et des blocages qui handicapaient lourdement notre
pays. Votre action a permis que l’investissement reparte, que le scandale du
tirage au sort à l’université prenne fin, que l’école retrouve sa place et la
transmission sa dignité, que la lutte contre le terrorisme soit inscrite dans
notre droit sans avoir plus recours à l’état d’urgence, que le travail paie
davantage, que la France se dote d’un budget sincère, efficace et ambitieux et
repasse sous les 3 % de déficit. Vous avez rendu à la France ses capacités
militaires à travers une loi de programmation d’une ambition nouvelle et
inédite. Vous avez levé les blocages du marché du travail créés par un Code
devenu obsolète et inadapté. Vous avez sauvé d’une faillite certaine notre
service public du transport, la SNCF, par une réforme sans précédent.
Par
là, vous avez démontré qu’il n’existe pas de fatalité de l’enlisement
et de l’échec lorsque prévaut une volonté politique sans faille guidée par
l’intérêt général. Vous avez engagé des chantiers d’une ampleur jamais vue,
notamment le chantier de la formation professionnelle, de l’apprentissage, du
logement. Qui peut, sur tous ces sujets, oublier la situation dans laquelle
était le pays il y a un an ? Qui peut oublier que sur chacun de ces sujets, il
était dit que ces réformes étaient impossibles il y a un an ? Et le chantier
institutionnel, bien sûr. Ce dernier, à certains, peut tarder et nous assumons
ce retard car il n’est dû qu’au choix délibéré de donner la priorité au
quotidien des Français. Le Premier ministre en présentera demain le contenu
devant l’Assemblée nationale. Je sais d’ores et déjà tout le travail qui a été
fait en cette enceinte.
Au
cœur de cette réforme institutionnelle, se trouve la volonté d’une liberté plus
grande. Liberté des collectivités territoriales appelées à mieux exploiter
leurs atouts, leurs spécificités, en permettant une véritable différenciation.
Liberté des citoyens grâce à une Justice indépendante. Liberté du Parlement que
je veux plus représentatif des Français, renouvelé, doté de droits
supplémentaires, animé par des débats plus efficaces.
Je
crois au bicamérisme qui garantit une démocratie mieux équilibrée et je salue
ici le travail accompli cette année par le Sénat pour permettre que les
transformations engagées soient adoptées rapidement.
C’est
donc une réforme de confiance, de renforcement de la représentation nationale.
Le Parlement ainsi rénové aura le pouvoir de mener, avec le Gouvernement, des
échanges plus constructifs car l’esprit de dialogue et d’écoute nous est
essentiel. Et c’est d’ailleurs cet esprit qui a présidé à tous vos débats et à
tous vos travaux dans l’année qui vient de s’achever. Je remercie ici très
vivement le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, et son Gouvernement d’avoir
inlassablement consulté, discuté, échangé pour mener les transformations nécessaires
au pays.
J’entends
bien sûr que l’engagement que j’avais pris devant les Français peut contrarier
certains. L’idée de venir chaque année rendre compte devant la représentation
nationale du mandat que les Français m’ont donné. Ce reproche est étrange qui
consiste tout à la fois à respecter ses engagements et les termes de la
Constitution. La révision de 2008 a permis ce Congrès sous la forme aujourd’hui
décidée et j’entends qu’on fait les pires reproches, souvent par facilité, à
cette procédure.
C’est
pourquoi j’ai demandé au Gouvernement de déposer dès cette semaine un
amendement au projet de loi constitutionnelle qui permettra que, lors du
prochain Congrès, je puisse rester non seulement pour vous écouter, mais pour
pouvoir vous répondre.
L’année
écoulée, oui, aura été celle des engagements tenus. Ce que nous avons dit, nous
l’avons fait, dans le dialogue en acceptant les désaccords, mais souvent aussi
dans l’unité nationale. Qui l’aurait parié là aussi il y a un an ? Cette
volonté d’action était au cœur de notre promesse, les Français en voient les
premiers fruits à l’école, sur leur feuille de paie, sur le marché du travail,
mais ce sont seulement les premiers fruits. Je suis parfaitement conscient du
décalage entre l’ampleur des réformes engagées et le résultat ressenti. Il faut
du temps et parfois un long temps pour que la transformation initiée s’imprime
dans la réalité du pays et je suis conscient, pleinement conscient qu’il me
revient, chaque fois que nécessaire, de rappeler le cap, de le rendre plus
clair pour tous afin que se rejoignent et travaillent ensemble autant que
possible et dans la clarté toutes les forces disponibles du pays.
C’est
un effort jamais achevé, nécessaire, en particulier pour le président de la
République, que de reprendre sans cesse, de reformuler sans cesse, tant le
tohu-bohu de l’actualité toujours en mouvement, toujours en ébullition, fait
courir le risque d’en troubler et d’en perdre le sens car notre action est un
bloc ! Elle est une cohérence ! Il n’y a pas d’un côté une action intérieure et
de l’autre une action extérieure, c’est la même action s’adressant aux Français
ou s’adressant au monde, c’est le même message : nous protéger et porter nos
valeurs. Il n’y a pas d’un côté une action économique et de l’autre une action
sociale, c’est le même trait, la même finalité : être plus forts pour pouvoir
être plus justes.
C’est
au fond l’affirmation et la proposition du projet français pour le XXIe siècle.
Après tant de doutes, tant d’incertitudes, il s’agit que s’exprime le projet de
la France. Le projet de la France pour les Français, femmes et hommes dans leur
vie comme elle est, souvent difficile, dans le monde comme il est, que nous
voulons changer chaque fois qu’il le faut. Le projet de la France pour notre
Europe en danger et pour le monde dans lequel l’Histoire a donné à notre pays
des responsabilités éminentes et désormais uniques puisque le Royaume-Uni qui
siège avec nous au Conseil de sécurité des Nations unies a décidé de quitter
l’Union européenne. Ce projet nous impose d’être forts.
C’est
pourquoi nous savons qu’il nous faut redresser notre économie, libérer et
soutenir nos forces de création.
Il
nous faut la meilleure école, la meilleure université, la meilleure recherche.
C’est
pourquoi il nous faut la meilleure armée, les meilleurs systèmes de défense
possibles. Dans un monde dangereux, la sécurité et les valeurs de civilisation
doivent pouvoir se défendre lorsqu’elles sont menacées.
Ce
projet nous impose d’être solidaires. Un peuple qui se défait, qui se disloque se
condamne lui-même à échouer. Ce projet nous impose d’être justes, justes au
sein des nations, n’ayant pour nous ni pour notre Union européenne aucun projet
de domination, mais un projet d’équilibre où seront promus nos valeurs et le
respect des droits, des droits humains et du droit des nations. Cette voix
française du progrès, c’est celle que nous voulons apporter. Face aux peurs du
déclassement économique, à la peur culturelle, civilisationnelle, nous devons
répondre par un projet fort, économique, social, national et européen.
Mettons
les choses dans l’ordre, ce projet ne peut être porté que si nous sommes forts
et dotés d’une économie solide. C’est la réponse que nous devons apporter à la
peur du déclassement économique et social. Or, la clé d’une économie forte,
c’est l’investissement. C’est pourquoi dès les premières semaines, nous avons
revu la taxation des produits de l’épargne et réformé l’impôt sur la fortune,
non pas, comme je l’entends parfois, pour favoriser les riches, mais pour
favoriser les entreprises.
Une
politique pour les entreprises, ce n’est pas une politique pour les riches,
c’est une politique pour toute la nation, une politique pour l’emploi, une
politique pour les services publics, une politique pour ceux qui restent en
marge, faute de travail et faute de revenus. Et comment, d’un côté, dénoncer
les faiblesses de notre modèle économique, le capital qui quitterait les
frontières nationales, et de l’autre, créer les conditions de l’impossibilité
d’investir en France ?
L’investissement
est celui de la nation, celui de l’Etat avec un grand plan d’investissement de
50 milliards d’euros, mais doit aussi être celui de chaque citoyen. C’est
pourquoi l’épargne des Français doit se mobiliser au service de l’économie.
C’est ce cadre que vous avez construit lors des dernières lois budgétaires. Les
Français doivent reconquérir leurs parts dans le capital des sociétés
françaises. L’utilisation de leur épargne, mais aussi leur association plus
étroite au capital des entreprises dont ils sont salariés sont la clé d’un
capitalisme populaire retrouvé.
Cela
passe ainsi par l’implication directe des salariés dans la réussite de
l’entreprise à travers un nouvel élan de la participation et de l’intéressement
préparé par le Gouvernement et qui vous sera soumis pour entrer en vigueur en
2019. Je n’aime ni les castes ni les rentes ni les privilèges et je crois qu’il
existe des réussites qui ne se traduisent pas par l’enrichissement pécuniaire,
mais la création de richesse, la prospérité d’une nation sont le socle de tout
projet de justice et d’équité.
Si
l’on veut partager le gâteau, la première condition est qu’il y ait un gâteau.
Et ce sont les entreprises, rassemblant actionnaires, dirigeants et
travailleurs, ce sont les producteurs qui font ce gâteau et personne d’autre.
Il est mensonger de défendre les salariés si on ne défend pas les entreprises.
Il
est impossible de distribuer quand on ne produit pas assez. L’argent qui
s’investit, qui circule, qui crée de l’emploi n’est pas celui qu’on thésaurise
jalousement. C’est pourquoi ceux qui risquent, qui osent, qui entreprennent
doivent nous trouver à leurs côtés. La taxe à 75 % n’a pas créé d’emplois ni
amélioré la condition de qui que ce soit en France sauf peut-être parmi les
gestionnaires de fortune au Luxembourg, en Suisse ou aux Caïmans.
Libérer
l’investissement en France par une fiscalité adaptée, compétitive, c’est ainsi
faire revenir dans notre pays les investisseurs étrangers qui l’avaient quitté.
L’Etat doit assumer ce choix.
L’Etat
doit être pour les citoyens et les entreprises un interlocuteur de confiance
qui garantit un ordre mais doit faciliter l’initiative. C’est pourquoi nous
avons défini des règles nouvelles qui, en cas d’erreur, offrent des chances de
rattrapage et simplifient le quotidien. Pour accompagner ces transformations
économiques, libérer l’investissement, réduire la pression fiscale qui pèse sur
notre économie, l’Etat doit lui aussi faire des choix car, soyons clairs, il ne
saurait y avoir de baisse de la fiscalité ou de développement de
l’investissement public sans un ralentissement de la hausse continue de nos
dépenses et il ne saurait y avoir une meilleure maîtrise de celles-ci sans des
choix forts et courageux.
C’est
dans cet esprit que le Premier ministre présentera dans quelques semaines les
nouvelles décisions permettant de tenir les engagements de baisse de nos
dépenses publiques prises devant les Français. Cela s’accompagnera en
particulier d’une réorganisation de l’Etat à travers plus de présence sur les
territoires, plus de souplesse de gestion. D’ici la fin de l’année, le Premier
ministre présentera l’ensemble de ses décisions pour la transformation
indispensable de l’action publique.
Il
s’agit là aussi sur ce point de nous confronter collectivement à nos propres
contradictions : tout le monde souhaite la baisse des impôts ; parfois,
d’aucuns les proposaient plus que celles qu’applique à l’heure actuelle le
Gouvernement, mais nul ne veut jamais les assumer lorsqu’elles sont décidées.
Mais surtout il faut enrayer un mode d’action publique qui a toujours procédé
aux économies en réduisant sa présence sur les territoires. Ce que le Premier
ministre présentera et qui sera mis en œuvre à partir de 2019 par son
Gouvernement, c’est précisément de repenser sur tous les territoires la
présence de l’Etat et de ses services, de réouvrir de l’emprise et de
contrarier ce faisant plusieurs décennies que toutes majorités ont mises en
œuvre pour la réduction des déficits publics.
En
cette première année, beaucoup d’instruments ont été mis en place pour soutenir
l’investissement et l’innovation à travers toute l’économie. Je pense, bien
sûr, aux réformes fiscales que je viens d’évoquer, aux réformes du marché du
travail qui encouragent la prise de risque en permettant de s’adapter quand un
marché disparaît ou se transforme. Nous devons à présent libérer les freins de
la croissance des entreprises. La loi Pacte doit faciliter la création
d’entreprises, encourager l’entrepreneuriat et autoriser l’échec pour mieux
réussir. Elle doit aussi permettre de faire grandir les entreprises en rendant
notre réglementation moins contraignante et nos financements plus abondants. Il
importe de poursuivre ce travail de simplification, d’ouverture de notre
économe, favorisant l’initiative économique et la création d’emploi.
La
France doit aussi renouer avec une politique de filières ambitieuse et choisir
des secteurs clés où elle concentrera les efforts publics et privés et ainsi
créer les conditions qui feront de notre pays la terre privilégiée de l’économie
de demain. C’est ce cap que nous avons commencé à fixer pour le numérique et
l’intelligence artificielle, l’agriculture et l’agroalimentaire et l’industrie.
Contre ceux qui pensaient qu’il fallait choisir entre emploi et innovation,
nous avons décidé de ne pas manquer les prochaines révolutions technologiques.
C’est pour cela que j’ai présenté en février une stratégie nationale,
européenne pour le déploiement de l’intelligence artificielle. Cette stratégie
s’articule autour de la croissance, des créations d’emplois, de
l’identification de nouveaux métiers, mais aussi autour des principes éthiques
auxquels nous sommes attachés et que ces développements pourraient fragiliser.
Contre
ceux qui pensaient que certaines filières sont condamnées au déclin, nous avons
réarmé notre industrie. Grâce aux réformes de cette première année, pour la
première fois depuis longtemps en France, des grands groupes étrangers ont
décidé de développer dans notre pays des capacités de production, notamment
dans l’énergie et l’aéronautique. Il nous faut poursuivre ce travail
microéconomique de terrain et poursuivre aussi le travail afin que ce
développement industriel puisse se déployer dans un cadre européen loyal. C’est
pourquoi la France, avec nombre de ses partenaires, soutiendra la proposition
de la Commission européenne d’apporter une taxe sur le chiffre d’affaires sur
les géants du numérique qui, aujourd’hui, ne paient pas d’impôts dans nos pays.
Contre
ceux qui condamnaient l’agriculture française à la fuite en avant mortifère
d’une concurrence dévorante avec les grands pays de production intensive, nous
avons engagé un vaste mouvement vers les savoir-faire français, l’excellence,
les productions dans leur grande variété, en particulier les plus respectueuses
de l’environnement. Vous allez ainsi rebâtir une souveraineté alimentaire de
qualité pour la santé et le bien-être de nos concitoyens, mais aussi pour
permettre à nos paysans de vivre dignement de leur travail.
Cette
politique de filières, que nous allons structurer et amplifier dans l’année qui
vient, doit permettre de retisser les réseaux économiques, les solidarités
entre entreprises, qui dessinent la géographie de notre pays et que nous avons
trop longtemps abandonnés au hasard et au fatalisme. Je crois à ce volontarisme
qui n’est pas un dirigisme mais qui consiste à rappeler aussi à nos entreprises
qu’elles viennent de quelque part, qu’elles sont parties de quelque part et que
nos territoires sont aussi leur avenir.
Contre
ceux enfin qui pensaient qu’il fallait choisir entre croissance et transition
environnementale et climatique, nous avons décidé d’équiper nos entreprises,
notre économie pour ce grand défi du siècle. C’est pour cela que vous avez voté
la loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures en
France, qui a fait de notre pays un exemple pour le monde. C’est pour cela que
nous avons pris acte des préoccupations en matière de santé de nos concitoyens
pour adapter notre modèle productif et le rendre exemplaire en Europe et en
France. Je pense, en particulier à l’arrêt progressif de l’utilisation du
glyphosate.
C’est
pour cette même raison que dans les semaines qui viennent, le Gouvernement aura
à présenter une stratégie ambitieuse pour réduire la pollution de l’air,
adapter nos mobilités comme la production d’énergie à nos exigences
contemporaines. Ce sont là non seulement des engagements, mais également des
opportunités économiques, des filières qui se développeront, des industries qui
se structurent – je pense en particulier à celle de l’économie circulaire ou de
l’hydrogène – et donc des choix que notre économie et notre société doivent dès
à présent prendre et que nous devons accompagner.
Je
l’affirme devant vous, représentants de la nation, la force de notre économie,
quand nous l’aurons pleinement retrouvée, c’est le socle même de notre projet
de société, du projet de justice qui est au cœur du projet que je veux porter
au nom de la France.
Ce
n’est pas un projet pour la réussite matérielle de quelques-uns auquel je
crois, c’est un projet pour l’amélioration de la vie de tous car ce n’est pas
le petit nombre qui m’importe, mais la communauté de nos concitoyens, de la
base au sommet de l’échelle sociale.
Toutes
les sociétés qui ont propagé l’idée que la prospérité devait nécessairement se
traduire par des inégalités croissantes le paieront, je le crois, au prix fort.
Certaines ont déjà commencé à le payer lorsque les classes populaires et les
classes moyennes se sont réveillées pour rappeler à leurs dirigeants que le
compte n’y était pas.
Mais
ne nous y trompons pas, nous aussi, nous avons des inégalités croissantes. Il y
a une voie française vers l’inégalité. Elle progresse depuis plus de 30 ans. Il
ne s’agit pas, comme chez nombre de nos voisins, d’une inégalité de revenus,
même si elle existe. Non, ce qui s’est installé avant tout en France, ce sont
les inégalités de destin : selon l’endroit où vous êtes né, la famille dans
laquelle vous avez grandi, l’école que vous avez fréquentée, votre sort est le
plus souvent scellé. Et ces inégalités de destin durant les 30 dernières années
ont progressé dans notre pays, qu’on veuille le voir ou non.
Et
pour moi, c’est cela qui m’obsède, le modèle français de notre siècle. Le réel
modèle social de notre pays doit choisir de s’attaquer aux racines profondes
des inégalités de destin, celles qui sont décidées avant même notre naissance,
qui favorisent insidieusement les uns et défavorisent inexorablement les autres
sans que cela se voie, sans que cela s’avoue. Le modèle français que je veux
défendre exige que ce ne soient plus la naissance, la chance ou les réseaux qui
commandent la situation sociale, mais les talents, l’effort, le mérite.
Oui,
à mes yeux, le cœur même d’une politique sociale, celle que nous devons porter
n’est pas d’aider les gens à vivre mieux la condition dans laquelle ils sont
nés et destinés à rester, mais d’en sortir.
Le
pilier premier de la politique sociale à laquelle je crois est une politique de
l’émancipation de chacun qui libère du déterminisme social, qui s’affranchit
des statuts.
C’est
pourquoi depuis un an, nous avons tant fait pour l’éducation. C’est le combat
de notre siècle parce qu’il est au cœur de nos transformations économiques, de
la société postindustrielle dans laquelle nous vivons. Elle est faite de
changements, de ruptures, de mutations qui nous obligent à mieux former au
début de la vie, mais aussi tout au long de la vie. Depuis la naissance de la
République, depuis CONDORCET, l’école est la condition même d’une vie de
citoyen libre et autonome. Mais alors que nous avions besoin d’elle peut-être
plus que jamais, nous avons ces dernières décennies brisé la dignité de la
transmission, abîmé le prestige des professeurs, discrédité l’utilité du
diplôme, aggravant en cela la pire des inégalités, celle dont nul n’est responsable,
l’inégalité de naissance, l’inégalité de condition sociale.
C’est
des décisions radicales en la matière ont été prises : l’école maternelle
obligatoire à 3 ans fait partie de ces mesures dont nous devons être fiers.
Car
les enfants déscolarisés à cet âge ne rattrapent plus leur retard de
socialisation et d’apprentissage. Or, ce sont les enfants des milieux modestes
qui étaient le moins scolarisés ou qui ne l’étaient pas. Cela entrera en
vigueur dès la rentrée 2019. Le dédoublement des classes de CP et CE1 en zone
d’éducation prioritaire dites REP et REP+ est une mesure de justice sociale
plus efficace que tous les dispositifs de redistribution, parce qu’on y
distribue de manière différenciée le savoir fondamental, celui de lire,
d’écrire, de compter, de se comporter.
La
réforme de l’orientation assure des choix plus judicieux et des trajectoires
plus adéquates au talent de chacune et chacun. Cependant que la réforme du
baccalauréat sur trois ans recentre les compétences sur l’essentiel, si souvent
perdu de vue dans les brumes d’ambition pédagogique peu substantielle, la mise
en place de Parcoursup donne aux jeunes gens la faculté de décider plus
lucidement de leur formation initiale.
En
faisant, à travers ces décisions fortes, une transformation radicale de notre
système éducatif, vous avez permis de former des femmes et des hommes plus sûrs
de leurs compétences, mieux éduqués et ainsi de former des citoyens plus
assurés de leur place dans la société et dans la nation française. C’est ainsi
que nous renouerons avec cet idéal français des Lumières qui place cette
citoyenneté émancipée au-dessus des conditions sociales, des origines, comme du
genre.
L’émancipation
passe aussi par le mérite et par le travail. Il y a un an, les entreprises
n’avaient pas les moyens d’embaucher ; désormais, elles les ont mais elles
peinent à recruter. Il serait absurde que nous passions d’une situation où un
chômeur pouvait occuper un emploi mais où l’entreprise ne pouvait lui offrir à
une situation où une entreprise le pourrait mais il ne pourrait plus l’occuper.
Toutes nos politiques d’insertion dans l’emploi doivent être revues à cette
lumière. C’est pourquoi vous serez appelés à voter bientôt définitivement une
réforme profonde de la formation professionnelle et de l’apprentissage et il
appartiendra aux partenaires sociaux et aux entreprises de se saisir des outils
nouveaux que nous leur confions. L’apprentissage et l’alternance seront cet
accélérateur de mobilité sociale dont nous avons besoin.
Nous
mettons ainsi au cœur du système le jeune et son maître d’apprentissage et nous
reconstruisons tout autour d’eux avec un seul objectif, en finir avec les
ravages du chômage de la jeunesse. Nous baissons le coût de l’apprenti pour
l’employeur, rendons ces filières plus attractives pour les jeunes, simplifions
les règles pour les rendre plus adaptées à la réalité du travail. D’autres pays
ont emprunté cette voie et ont réussi. Aussi je demanderai à tous un effort
collectif : aux entreprises pour prendre des apprentis, aux enseignants pour en
faire la promotion, aux familles pour soutenir leurs enfants dans cette voie
professionnelle épanouissante. Tous, nous devons faire de cette réforme un
formidable défi collectif de la nation dans les années qui viennent. Dès cette
année, les filières professionnelles et technologiques sont d’ailleurs
nettement plus prisées par nos jeunes bacheliers. C’est aussi pour cela que
nous avons lancé à destination notamment des chômeurs de longue durée et des
jeunes décrocheurs un plan d’investissement dans les compétences d’une ampleur
inédite : 15 milliards d’euros sur cinq ans pour former 1 million de jeunes et
1 million de demandeurs d’emploi de longue durée.
L’émancipation
par le travail suppose en effet cet investissement dans les compétences. Encore
faut-il savoir de quel emploi nous parlons. Là aussi, les inégalités sont
profondes. A côté de ceux qui bénéficient de contrats stables, une part
croissante de nos concitoyens, souvent moins qualifiés, plus fragiles, est de plus
en plus condamnée à enchaîner des emplois toujours plus précaires, de toujours
plus courte durée. Comment peut-on se loger, élever une famille quand on
enchaîne perpétuellement des contrats de quelques jours ? Les règles de
l’Assurance Chômage ont pu involontairement encourager le développement de ce
qu’on appelle la permittence et de la précarité.
Or,
je crois qu’il y a là aussi une voie française, celle qui permet de conjuguer
en même temps le progrès économique et le progrès social. C’est pourquoi je souhaite
que les partenaires sociaux révisent les règles de l’Assurance Chômage afin
que, dans cette période de reprise économique, nous puissions non seulement
nous assurer qu’elles récompensent bien davantage la reprise d’activité, mais
aussi qu’elles incitent à la création d’emplois de qualité.
Le
projet de loi avenir professionnel sera modifié en ce sens dans les prochains
jours et ces règles seront négociées dans les prochains mois par les
partenaires sociaux afin qu’une telle réforme puisse entrer en vigueur au
printemps 2019.
Ce
sont ces transformations et, plus largement, l’agenda des réformes attendues
que je souhaite pouvoir partager avec les partenaires sociaux que je recevrai
le 17 juillet prochain.
Le
Premier ministre structurera ces discussions dès la rentrée mais je veux, dans
cette deuxième année qui s’ouvre, redonner corps à une République contractuelle
à laquelle je crois, celle qui permettra de jeter les bases d’un nouveau
contrat social, celui du siècle qui s’ouvre, par une discussion avec l’ensemble
des partenaires sociaux, mais aussi des élus. C’est à son élaboration comme aux
détails de sa mise en œuvre que je veux les inviter dès le 17 juillet prochain
pour discuter des transformations de l’Assurance Chômage, comme je viens de le
dire, mais également de la santé au travail et de tous les sujets
indispensables à ces transformations, de le faire dans l’esprit constructif
avec lequel nous avons su mener ces derniers mois le dialogue sur l’égalité
femmes-hommes entre le Gouvernement et l’ensemble des partenaires sociaux.
Nous
voulons renouer avec une croissance durable, mais aussi promouvoir une
croissance partagée. C’est pourquoi je recevrai les 100 premières entreprises
françaises durant ce mois afin de solliciter leur engagement dans les défis qui
nous attendent. J’attends d’elles qu’elles s’engagent en termes
d’apprentissage, d’emploi dans les quartiers difficiles ou les zones
économiques en souffrance car il n’y aura pas de dynamisme économique sans
mobilisation sociale de toutes les parties prenantes.
Je
ne leur demanderai pas de les engager par la loi mais par un engagement actif,
immédiat des engagements de création d’emplois, d’embauche d’apprentis,
visibles, par des engagements sur nos territoires. Et je souhaite ainsi dans
les prochains mois poursuivre cette nouvelle phase, celle d’une mobilisation
pour nos territoires avec l’ensemble des élus concernés, les principales
entreprises et les investisseurs. Car nous avons besoin d’un nouvel aménagement
économique et d’un aménagement de projet et vous le savez bien, vous qui êtes
ici présents.
Je
ne reviens pas ce jour sur les réformes territoriales, le Premier ministre y
reviendra dès demain et la conférence des territoires aura à se réunir dans les
prochains jours mais la politique territoriale à laquelle je crois, n’est pas
celle d’intérêts particuliers ou de catégories où il faudrait jouer telle
collectivité contre l’Etat, non !
La
politique territoriale à laquelle je crois, c'est celle qui est au service de
nos concitoyens, celle qui vous évitera de perdre des mois comme nous l'avons
constamment fait ces dernières décennies à délibérer des compétences qu'il
faudrait transférer à l'un ou plutôt à l'autre pour le changer le mandat
suivant, non ! La réforme constitutionnelle qui vous est soumise, ce sera celle
d'une décentralisation de projets par la différenciation et l'aménagement
auquel je crois, c'est celui de l'installation de nouveaux projets, d'un
rééquilibrage des territoires, par l'installation d'activités économiques,
accompagnées, aménagées avec l'ensemble des élus locaux par le gouvernement et
celle d'un accompagnement des services de l'Etat dans le cadre de ce projet.
Là
aussi, là aussi, nous avons le droit de proposer à nos concitoyens, mieux que
le bégaiement des querelles que nous ne connaissons que trop, que trop !
Mais
le progrès social, s'il passe par cette émancipation, cette capacité que chacun
doit avoir dans la société par l'école, le mérite et le travail de se hisser,
le progrès social passe aussi par un élan collectif pour assurer la dignité de
chacun, c'est cela la solidarité nationale.
C'était
l'intuition fondamentale qui a présidé au sortir de la Seconde Guerre mondiale
à la création de notre Sécurité sociale ; 70 ans plus tard, nous pouvons en
être fiers, mais nous devons aussi lucidement regarder en face nos échecs, nos
insuffisances ou ce qu'il faut améliorer.
Elle
devait être universelle et nous voyons partout des pans entiers de notre
population trop peu ou trop mal couverts qui renoncent aux soins ou qui n'y ont
pas accès.
Elle
devait répondre aux angoisses les plus profondes de l'existence et nous sommes
aujourd'hui laissés seuls ou presque face à des risques majeurs comme celui de
la perte d'autonomie, des retraites incertaines.
Elle
devait susciter la confiance et nous voyons au contraire, complaisamment agitée
par ceux qui n'ont que le mot « assistanat » à la bouche, la défiance la
ronger.
La
priorité de l'année qui vient est simple : nous devons construire l'État
Providence du XXI ème siècle. Un État providence émancipateur, universel,
efficace responsabilisant, c'est-à-dire couvrant davantage, protégeant mieux,
s’appuyant aussi sur les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous.
Universel
d'abord. L’Etat Providence du XXe siècle était conçu pour une société de plein
emploi. La détention d'un travail et d'un travail continu, permanent, pérenne
était ainsi devenue le sésame de l'accès à la solidarité nationale. Dans une
société frappée par le chômage de masse, par l'intermittence des parcours
professionnels, ce sésame a perdu de sa valeur et est devenu une redoutable
barrière. C'est pourquoi notre solidarité est devenue dans son fonctionnement
statutaire, elle s'est attachée aux carrières, aux secteurs d'activité et ne
correspond plus aux règles d'une économie de l'innovation et de la compétence.
Nous
devons donc protéger nos concitoyens non selon leur statut ou leur secteur
d'activité, mais de manière plus juste, plus universelle. Dès cette année, nous
avons étendu l'Assurance Chômage aux travailleurs indépendants et aux
démissionnaires selon les règles préalablement négociées par les partenaires
sociaux. Dès 2019, nous refondons notre régime de retraite pour protéger mieux
ceux dont les carrières précisément sont hachées, instables, atypiques, bien
souvent les carrières des femmes d'ailleurs.
Faire
croire à cet égard que nous voudrions supprimer les pensions de réversion est
une rumeur malsaine visant à faire peur.
Je
le dis clairement, rien ne changera pour les retraités d'aujourd'hui, rien et
pour une raison simple c'est là que pour la première fois, rien …[huées et
applaudissements] c’est que pour la première fois, ce qui a été choisi n'a pas
été de faire une économie sur les retraités d'aujourd'hui ou ceux qui
s'apprêtent à partir à la retraite mais de refonder un système de retraite
juste, unique, transparent, un système qui viendra progressivement remplacer la
quarantaine de régimes existants !
Car
aujourd'hui qui ne croit plus au système de retraite ? Les jeunes parce qu’ils
ne pensent pas que ce système permettra de financer la leur et parce que quand
j'entends les voix qui s'élèvent tout le monde semble oublier que notre système
de retraite auquel je tiens profondément et qui sera au cœur de cette réforme
est un système par redistribution, c'est-à-dire un système reposant sur la
solidarité entre générations. La retraite n'est pas un droit pour lequel on a
cotisé toute sa vie ; la retraite est que les actifs payent pour les retraités.
La
refonte de ce système unique, transparent, juste, c'est celle que vous aurez à
discuter, à travailler et voter au cours de l'année prochaine.
Efficace
ensuite, c'est tout particulièrement le cas en matière de santé où les
premières réformes engagées sur le reste à charge 0 ou la prévention seront
complétées par la présentation à l'automne d'une transformation en profondeur
de notre organisation de soins sur le territoire national afin de répondre aux
nouveaux risques, aux nouvelles pathologies, aux transformations de notre santé
dans une société qui vieillit et où les maladies chroniques sont beaucoup plus
nombreuses.
Plus
civique et responsabilisant enfin. La solidarité nationale est de plus en plus
financée par l'impôt : ce que vous
avez voté en matière d'Assurance Chômage a ainsi supprimé toute cotisation
salariale remplacée par la CSG mais il faut bien expliquer l'ensemble de cette
réforme, ne pas voir que la CSG qui augmente d'un côté, en oubliant que ce sont
toutes les cotisations sociales salariales qui ont baissé de l'autre.
Cette
réforme a permis d'améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs tout en
préservant la compétitivité et en garantissant le maintien des droits mais ceci
conduit aussi à transformer la philosophie même de notre solidarité nationale
et en quelque sorte d’en retrouver le sel. Cette solidarité est de moins en
moins une assurance individuelle, assortie d'un droit de tirage ; financée
par l'ensemble des contribuables : elle implique des droits et des
devoirs, car chacun est alors comptable de tous et tous de chacun. Par la
réforme que vous avez votée, l'Assurance Chômage aujourd'hui n'est plus du tout
financée par les cotisations des salariés. Elle est financée par les
cotisations des employeurs et par la CSG. Cette transformation, il faut en tirer
toutes les conséquences, il n'y a plus un droit au chômage, au sens où on
l'entendait classiquement, il y a l'accès à un droit qu'offre la société mais
sur lequel on ne s’est pas garanti à titre individuel, puisque tous les
contribuables l’ont payé.
Et
c'est là que se joue la véritable transformation mais aussi la véritable
dignité, tout le monde doit être protégé, mais chacun a sa part de
responsabilité dans la société.
C'est
en contribuant, à sa mesure, selon ses possibilités que l'on devient citoyen ;
c'est pourquoi nous allons transformer notre système de solidarité pour le
rendre tout à la fois plus universel et plus responsabilisant, c'est-à-dire accompagner
toute personne qui le peut vers une activité professionnelle, même à temps
partiel et exiger de chacun qu'il prenne sa part dans la société à sa mesure.
C'est ce système de droits et devoirs
qui est au cœur du pacte républicain et non la stigmatisation odieuse qui
voudrait voir de l'assistanat chez certains.
C’est
cette philosophie qui sera mise en œuvre dans la réforme de l'Assurance
Chômage, comme dans celle des minima sociaux.
La
solidarité nationale se traduit enfin dans l'aide que nous devons de manière
inconditionnelle aux plus fragiles. Ce sont d'abord les enfants. Quelle gloire
peut-on tirer de politiques sociales qui ont condamné à la pauvreté un enfant
sur cinq dans notre pays ?!
Nous
investirons pour sortir les enfants de la pauvreté et de ses conséquences
dramatiques. Nous déploierons en particulier une action à l'endroit des enfants
en danger ou maltraités, si nombreux dans notre pays. Ces initiatives
interviendront dès l'automne.
Ce
sont aussi nos concitoyens vivant en situation de handicap. Pour ces derniers,
vous avez décidé de l'augmentation de l'allocation adulte handicapé de 100
euros. La politique commencée de réinsertion dans l'école, dans le travail sera
poursuivie avec des choix budgétaires clairs et un accompagnement renforcé mais
c'est aussi une politique de retour vers la citoyenneté pleine et entière que
nous assumerons et celle également pour ces personnes, y compris celles sous
tutelle, d'un retour au droit de vote.
Ce
sont, ensuite nos concitoyens qui vivent en situation de pauvreté. La stratégie
de lutte contre la pauvreté sera présentée en septembre et mise en œuvre en
2019, construite avec l'ensemble des acteurs, elle ne se contentera pas de
proposer une politique de redistribution classique mais une politique
d'investissement et d'accompagnement social, non pas de nouvelles aides en
solde de tout compte, mais un accompagnement réel vers l'activité, le travail,
l'effectivité des droits fondamentaux, la santé, le logement, l'éducation. Je
veux que cette action engage toutes les forces vives de la société et au
premier chef, celles et ceux qui vivent dans la pauvreté. Je ne veux pas d'une
stratégie qui s'imposerait d’en haut dans la torpeur de l'été pour régler un
sujet ou cocher une case mais enfin sortir de l'état de minorité civique. Nos
concitoyens qui vivent en situation de pauvreté et veulent être les acteurs de
leur propre vie et de ce changement.
Je
veux d'une stratégie de lutte contre la pauvreté qui ne permette pas à nos
concitoyens pauvres de vivre mieux, mais bien de sortir de la pauvreté, une
bonne fois pour toutes !
Ce
sont enfin les plus âgés vivant en situation de dépendance. Là, se niche
l'angoisse des personnes âgées et celle de leur famille, nous l'avons laissée
s'installer et nous avons permis que les familles trouvent par elles-mêmes les
réponses en dehors de tout cadre officiel, faisant de la dépendance une
détresse inouïe, détresse de celles qui vivent cette situation durant les
derniers mois de leur vie, détresse de leurs familles qui vivent dans
l'angoisse, souvent celle de ne pas leur offrir la vie qu'elles leur devaient,
détresse des personnels soignants qui sont face là aussi à une transformation
de ce qu’est la dépendance. On rentre de plus en plus tard et dans des
situations de plus en plus difficiles et nous laissons des personnels,
remarquables, mais avec des équipements, un taux d'encadrement qui ne permet
pas de faire face à une dépendance de plus en plus médicalisée, et à une
transformation de ce grand âge.
Ce
que nous avons vu ces dernières années émerger, c'est un nouveau risque social
auquel nous serons toutes et tous confronter et une part de l'angoisse que
j'entends de nos concitoyens les plus âgés n'est pas simplement l'angoisse pour
eux-mêmes et leur retraite, c'est l'angoisse pour ce qu'ils vont devenir ou
ceux dont ils ont souvent la charge. Il nous faut donc construire pleinement le
financement et l'organisation de ce nouveau risque social, nous ne pouvons plus
longtemps l'ignorer, faire semblant.
Nous
devons donc venir au secours des familles, organiser les choses différemment,
répondre aussi aux besoins des personnels des EHPAD qui font ce travail
admirable que je décrivais. C'est pourquoi l'année 2019 sera consacrée à ce
travail et je souhaite qu'une loi soit votée durant cette année qui permette
d'y répondre.
Il
est cependant certain que répondre aux peurs contemporaines n'impose pas
seulement une action économique et une action sociale. Nous vivons dans un pays
qui ressent sourdement la peur d'un effacement culturel, d'un déclin lent de
ses propres repères, des repères historiques qui ont forgé notre nation. Le
terrorisme, le fracas du monde, l'immigration, nos échecs en matière
d'intégration, les tensions de notre société depuis plusieurs décennies,
s'entrechoquent bien souvent dans la confusion, et font germer une peur
culturelle, civilisationnelle, le sentiment sourd que ce monde qui advient
imposerait de renoncer à celui d'où nous venons avec ses fondamentaux et ses
valeurs. C'est pourquoi il nous faut restaurer l'ordre et le respect
républicain, c'est-à-dire restaurer cette idée que la démocratie n'est pas un
espace neutre, ouvert à tous les relativismes, mais d'abord la reconnaissance
partagée des droits et des devoirs qui fondent la République même.
De
cet ordre républicain, la sécurité est le premier pilier, car l'insécurité
La
réforme de la procédure pénale permettra d'aller plus loin et d'alléger les
charges inutiles pour nos policiers et nos gendarmes comme pour nos magistrats.
Vous aurez ce texte important à discuter et à voter afin qu'il puisse entrer en
vigueur au premier trimestre 2019. Nous redéfinirons ainsi aussi le sens de la
peine, car ce que nous voulons, c'est une autorité de la République qui fasse
respecter les règles avec discernement et équité afin que la prison en
particulier, retrouve toute sa signification en termes de punition mais aussi
en termes de réinsertion.
Pendant
ces derniers mois, nous avons aussi mis fin aux occupations illégales du
domaine public auquel nous nous étions trop habitués depuis des années, à
Notre-Dame-des-Landes comme à Bure, qui laissaient les habitants dans le
désarroi.
La
sécurité recouvre également la lutte contre le terrorisme. Sur ce point, nous
avons poursuivi les transformations indispensables, réarmé notre organisation à
tous les niveaux, en particulier grâce à la loi sécurité intérieure et lutte
contre le terrorisme, qui a permis de sortir de l'état d'urgence et d'instituer
dans notre droit les instruments indispensables pour lutter contre le
terrorisme contemporain.
Nous
avons eu à Marseille, à Trèbes, à Paris, à subir de nouvelles attaques d'un
terrorisme islamiste dont les formes ont changé, qui ne s'appuie plus sur des
organisations internationales fortement structurées, mais se love dans nos
sociétés elles-mêmes, utilise tous les moyens contemporains. De nouvelles
décisions seront prises et le travail doit se poursuivre sans fébrilité, mais
sans relâche, c’est celui d'une génération. Sur ces sujets, le temps est à
l'action déterminée et je veux ici rendre hommage à l'ensemble de nos soldats
qui combattent au Levant et en Afrique, l'ennemi djihadiste,(standing ovation),
rendre hommage comme à nos forces de sécurité intérieure qui avec courage et
calme assurent la protection de nos concitoyens.
Au-delà
de la sécurité, l'ordre républicain est fondé sur un système de droits et de
devoirs dont chaque citoyen est le dépositaire et que nous devons réactiver.
Les
droits et les devoirs, c'est bien entendu à l'école que nous les enseignons de
façon plus systématique. C'est pour cela que nous poursuivrons la formation et
l'accompagnement des maîtres, en particulier sur la laïcité, (applaudissements)
mais nous le ferons aussi par le service national universel qui sera précisé
d'ici la fin de l'année, à l'issue d'une nécessaire consultation. Depuis quand
n'avait-on pas ainsi sondé la jeunesse sur ses aspirations ? Je crois
profondément dans ce service universel car c'est en connaissant mieux son
compatriote, que jamais peut-être on aurait croisé autrement, qu'on se met en
mesure de le comprendre mieux, de le respecter et de sentir ce lien invisible
qui fait la communauté de destin d'une nation. C'est aussi le moyen de
comprendre ce qu'est l'engagement, le cœur de notre République et je sais que
notre jeunesse saura s’en saisir.
La
société républicaine que nous voulons est une société du respect et une société
de la considération. Nous l'avons constaté pendant la campagne présidentielle :
une forme d'irrespect, voire de violence, s’était banalisée à l'égard d'une
catégorie de Français : les femmes.
Qui aurait cru qu’en ce début de XXI ème siècle, l'Etat devrait encore se
battre pour que cesse le harcèlement du quotidien, l'inégalité des salaires, la
violence physique et morale dont les femmes sont victimes ?
Ce
combat, souvenez-vous, a d'abord surpris ; à certains, il avait même pu
paraître dérisoire, lorsque dès avant mon élection, je m'étais engagé en faire
la grande cause du quinquennat, une loi importante en ce domaine sera ainsi
votée prochainement et la mobilisation en matière de droits comme d'égalité
salariale se poursuivra dans les mois et les années qui viennent.
Nous
avons, ce faisant, précédé un mouvement mondial. La France lorsque ce mouvement
a surgi chez nous était prête et consciente. De cela, nous devons être fiers,
nous n'avons pas suivi le mouvement. Nous l'avons anticipé parce que le respect
et la considération ne se négocient pas dans une société républicaine et
lorsqu'ils reculent, c'est toute la société qui recule.
C’est
du reste ce qui s'est aussi produit sur des territoires entiers, enfermés dans
le mépris et la condescendance. Notre politique pour les quartiers s’est ainsi
fondée sur le retour de la considération, et cette conviction que naître et
vivre dans un quartier ne saurait être un stigmate. Les emplois francs, la
généralisation des stages en entreprise, le retour des services publics, des
programmes de rénovation urbaine accélérée, des réponses pragmatiques bâties
avec les citoyens, une école adaptée, permettront de sceller dans des
territoires oubliés le retour d'une considération nationale qui trop souvent
s'est confondue avec l'indifférenciation de plans dispendieux.
L’ordre
républicain, c'est aussi cette nécessité de ramener dans le giron de la
République des pans de la société qui s'en sont éloignés. La République n'a
aucune raison d'être en difficulté avec l'islam, pas davantage qu'avec aucune
autre religion. La laïcité du reste, commande qu'elle n'ait pas à en connaître,
et veut simplement que soit garantie à chacun la liberté de croire ou de ne pas
croire.
Mais
il y a une lecture radicale, agressive de l'islam qui se fixe pour but de
mettre en cause nos règles et nos lois de pays libres, de sociétés libres, dont
les principes n'obéissent pas à des mots d'ordre religieux. Il faut que tout le
monde sache qu'en France, la liberté individuelle, la liberté de pensée, la
liberté de critiquer, l'égalité des femmes et des hommes, le respect des choix
individuels, tant qu'ils n'attentent pas aux droits des citoyens, sont des
principes intangibles.
Il faut
que tout le monde sache que nulle mise en cause de ces principes ne peut être
acceptée sur le fondement d’un dogme religieux.
La
laïcité, c’est le respect réciproque : respect de la société et de l’Etat à l’égard
des croyants, respect des croyants à l’égard de la société et des principes
d’un Etat qui appartient à tous.
Et
je sais que l’immense majorité de nos concitoyens musulmans le savent, le
partagent, l’approuvent et sont prêts à participer à cette affirmation de notre
République. C’est pourquoi, dès l’automne, nous clarifierons cette
situation en donnant à l’islam un cadre et des règles garantissant qui
s’exerceront partout de manière conforme aux lois de la République.
Nous
le ferons avec les Français dont c’est la confession et avec leurs
représentants, l’ordre public, la civilité ordinaire. L’indépendance des
esprits et des individus à l’égard de la religion ne sont pas de vaines paroles
en France, et cela impose un cadre rénové, une concorde retrouvée.
Cette
démarche avait été différée au nom de cette idée que tout se vaut, et qu’au
fond, notre pays n’est qu’un assemblage chaotique de traditions et de cultures.
Sur ce terrain n’ont grandi que l’insécurité morale et l’extrémisme politique.
Il est temps pour la République de se ressaisir de la question culturelle et
considérer de nouveau comme de son devoir de faire émerger, non une culture
officielle, mais une culture partagée. Si l’école est le creuset de cette
culture commune, la société en est la caisse de résonance, et nous devons
œuvrer ensemble à rendre la France cette voix, ce timbre, ce regard qui
toujours a fait sa singularité, qui sont la confluence de mille rivières mais
qu’on reconnaît au premier coup d’œil.
C’est
pourquoi nous faisons tant d’efforts pour le patrimoine. C’est pourquoi nous
nous battons pour la langue française partout à travers le monde. C’est
pourquoi nous voulons une politique culturelle qui ose dire qu’il est des
expressions plus belles, plus profondes, plus riches que d’autres et que notre
devoir est de donner le meilleur à tous nos compatriotes. C’est cette politique
de l’accès à la culture par l’école et tout au long de la vie et sur l’ensemble
de nos territoires. C’est pourquoi enfin nous devons prendre soin de nos
auteurs, faire qu’ils soient rémunérés de manière adaptée et défendre leur
situation en Europe où des victoires ont été emportées mais où le combat
continue. Nous ne voulons pas une culture officielle mais une culture française
plurielle et vivante qui puisse continuer à s’épanouir et à rayonner. Nous
voulons continuer à produire un imaginaire français.
Cet
ordre républicain enfin se construit dans la cohésion nationale et donc dans le
rapport à l’autre, l’étranger. La peur que nous devons entendre, c’est bien
celle-là, et je sais combien ces débats vous ont vous-mêmes préoccupés, et je
pense que ce sujet ne peut être réglé ni dans l’émotion qui crée la confusion,
ni dans la fermeture et le repli nationaliste qui ne permettent de régler
durablement aucun problème. Nous devons, sur ce sujet encore, nous montrer
fidèles à notre Constitution qui protège de manière inconditionnelle ceux qui
demandent l’asile, mais impose des règles précises à ceux qui, pour des raisons
économiques, quittent leur pays pour rejoindre le nôtre.
L’ordre républicain exige le respect des frontières, des règles pour
rejoindre ce qu’est la nation. C’est le principe même de la souveraineté et un
devoir d’humanité, que notre Constitution prévoit. C’est en respectant cette
grammaire que nous devons faire face à nos défis contemporains. Il n’y a aucune
solution de court terme, facile, ni celle de l’émotion ni celle de la colère.
Il
n’y a qu’une voie exigeante : celle de la République et de la coopération
en Europe. Elle passe par une politique que nous devons repenser, à laquelle
nous devons redonner de l’ambition, un partenariat refonder avec l’Afrique.
Cette
jeunesse, aujourd’hui, qui quitte l’Afrique pour prendre tous les risques et
qui n’a pas droit dans une large majorité à l’asile, c’est la jeunesse du
désespoir, c’est la jeunesse à qui on n’a plus donné de projet, qui vient du
golfe de Guinée ou d’une bonne partie du Sahel. La France et, avec elle, l’Europe,
doivent rebâtir les termes d’un partenariat car cette Histoire contemporaine ne
nous rappelle qu’une chose : nous ne sommes pas une île et nous avons destin
lié.
La deuxième de nos réponses passera par un renforcement de nos frontières
communes en Europe, un investissement assumé, que la France porte, voulu,
cohérent et par une politique de responsabilité et de solidarité au sein de
l’Europe. Toute politique nationaliste de court terme ne réglera en rien la
situation migratoire, elle la créera chez l’autre, elle sèmera la division.
Toute
politique qui voudrait mélanger toutes les situations et ne pas voir qu’il
existe aujourd’hui des situations différentes selon qu’on vient d’un pays en
guerre ou selon qu’on n’en vient pas, oublie aussi cette cohésion nationale
indispensable que nous devons préserver. Mais jamais la France n’acceptera les
solutions de facilité que d’aucuns aujourd’hui proposent et qui consisteraient
à organiser des déportations à travers l’Europe pour aller mettre dans je ne
sais quel camp, à ses frontières, en son sein ou ailleurs, les étrangers qu’on
ne voudrait pas.
Cet ordre républicain auquel nous croyons est le fondement d’une nation
d’hommes et de femmes libres. Il repose sur cette tension éthique permanente,
celle même de la République, qui impose de ne céder à aucune facilité
contemporaine. C’est cela aussi une puissance du XXI ème siècle, et c’est la
vocation de la France d’enraciner sa force dans cette liberté civique quand
trop d’observateurs voudraient nous faire croire qu’il n’est de puissance que
par la sujétion des individus, par le recul des libertés, par l’affaiblissement
des droits.
Pour
faire face à la peur de l’effacement, à cette insécurité culturelle et
civilisationnelle que j’évoquais, nous avons aussi besoin de porter le projet français pour l’Europe. Ce
projet, c’est de retrouver le sens et la substance de notre coopération face à
tous les défis que nous pouvons relever uniquement ensemble en tant
qu’Européens. Cet engagement, ce projet français, a d’ores et déjà permis des avancées
réelles que d’aucuns pensaient impossibles jusqu’alors. Nous avons progressé
vers une Europe qui protège davantage par une politique de défense dont l’idée
même avait été abandonnée depuis 70 ans, par une meilleure régulation du
travail détaché assurant la protection des salariés européens, par la défense
de nos intérêts communs sur le plan commercial, par la conclusion, voici
quelques semaines d’un accord franco-allemand de moyen terme, qui n’avait pas
été fait depuis plus de 20 ans, et qui a permis de jeter les bases d’un budget
de la zone euro.
Depuis quand n’avions-nous pas attendu les crises pour avancer
concrètement ? Cette Europe-là n’est pas incantatoire ni éloignée, elle prend
en charge le quotidien des Européens et leurs intérêts vitaux. Toutefois, ces
avancées réelles pour lesquelles la France s’est battue, ne doivent pas faire
oublier les doutes, les divisions. L’Europe est encore trop lente, trop
bureaucratique, trop divisée pour affronter la brutalité des changements
politiques, sécuritaires, migratoires et technologiques. Notre plus grande
erreur serait cependant de brandir les spectres du passé et de redouter la
répétition de l’Histoire ou je ne sais quelle fatalité européenne du conflit.
Ce n’est pas cela qui nous menace.
La
vérité est que nos combats d’aujourd’hui requièrent l’Europe, car nous ne
pourrons être à la hauteur des enjeux contemporains qu’en unissant nos forces
avec les nations dont l’Histoire a fait nos partenaires naturels.
Ni
les défis commerciaux, ni les défis du climat, ni les défis de la défense, ni
les défis économiques et monétaires ne peuvent se relever dans l’isolement et
encore moins le défi migratoire que j’évoquais à l’instant. En ces matières, la
solution véritable ne peut être que dans la coopération européenne.
Et
c’est au cœur de ces interrogations que se joue l’Europe de demain. Elle sera nécessairement une Europe des
peuples. Peut-être les 28 peuples qui composent l’Union n’avanceront-ils tous
pas au même rang, au même pas, mais ils se montreront capables d’agir ensemble
dans des circonstances exceptionnelles, face à des défis qui nous confrontent
au plus vif de ce que nous sommes. Au sein de cette Europe, la France fait
entendre sa voix avec un projet clair, celui que j’ai présenté en octobre
dernier à la Sorbonne : celui d’une Europe plus souveraine, plus unie,
plus démocratique, celui d’une Europe qui sera portée par une coalition de
volonté et d’ambition, et plus paralysée par l’unanimisme capturé par
quelques-uns.
Mais
il faut aussi le dire clairement : la frontière véritable qui traverse
l’Europe est celle, aujourd’hui, qui sépare les progressistes des
nationalistes.
Et nous en avons pour au moins
une décennie. Ce sera difficile,
mais le combat est clairement posé. Il sera au cœur des enjeux de l’élection
européenne de 2019, qui appartient à ces scrutins qui sont aussi des tournants.
Et comme au cœur de toutes menaces naît une grande opportunité : c’est sur cette crise que nous fonderons les
clés de la puissance européenne, de l’indépendance européenne, de la conscience
européenne de demain, après 70 ans de paix qui nous ont trop souvent conduits à
perdre de vue le sens même de l’Europe.
La
crise que nous traversons, nous dit une chose : l’Europe des assis, l’Europe des
assoupis, est terminée, un combat est en train de se livrer, qui définira le
projet de l’Europe à avenir, celui d’un repli nationaliste ou celui d’un
progressisme contemporain.
La
France porte sa voix, elle est écoutée parce que c’est une voix forte, c'est
la voix de la raison mais aussi la voix de parfois ceux qui n’en ont pas ou
n’en ont plus et qui parlent pour la défense des biens communs et je
m'attacherai à ce combat.
C’est
à ce titre que nous sommes aussi engagés dans d’autres luttes et que la France
a fait entendre sa voix lorsque les Etats-Unis se sont retirés de l'Accord de
Paris. C'est pour cela que nous
sommes intervenus sur le nucléaire iranien ou dans la crise syrienne, c'est pour cela que la France
aujourd'hui est à l'initiative pour réinventer un multilatéralisme fort dont le
monde contemporain a besoin. La France de nouveau est cette médiatrice, ce
tiers de confiance qui tente de tenir ensemble les équilibres du monde et de
trouver les voies d'avenir. C’est ce rôle nécessaire, tout à la fois pour notre
sécurité, la défense de nos valeurs, qu'aujourd'hui nous menons. Je crois dans la possibilité de
défendre une démocratie forte et respectée,
je crois dans la possibilité de défendre une Europe forte et souveraine, je crois dans la possibilité de défendre
les valeurs universelles qui nous ont faites à travers ce multilatéralisme fort
contemporain.
Tel
est, Mesdames et Messieurs, le cap que je fixe à la France, vous l'aurez
compris, je souhaite renouer avec ce projet français que nous avons perdu de
vue trop longtemps par frilosité ou par confort intellectuel. Il suppose, je
l’accorde, de vouloir s'affranchir des querelles où nous nous sommes en quelque
sorte confondus ou auxquelles nous nous sommes longtemps habitués.
Ce projet ne peut se déployer que si nous en finissons avec ce
renoncement où nous nous sommes enfermés depuis 40 ans qui voudrait que la
France ne soit qu'une puissance moyenne. Cette idée nous a étouffés et
meurtris, je crois moi que la France a les moyens de devenir de nouveau
une puissance du XXIème siècle.
Pour
mener ce projet nous partons du
réel, nous ne nous alourdirons pas d'idées préconçues, de clivages recuits,
d'idées surannées, le progrès, la dignité de l'individu, la force juste de la
République, sont nos boussoles et nous suffisent. Notre seule idéologie c’est
la grandeur de la France, n'en déplaise à certains, et ce que nous construisons
n'en déplaise aux adeptes de l'immédiat, nous le faisons pour aujourd'hui mais
aussi pour demain, c'est-à-dire pour la jeunesse, pour qu'elle grandisse, pour
qu'elle grandisse dans un pays où elle puisse choisir sa vie, ressentir
pleinement cette appartenance qui fait la force d'un peuple et contribuer
librement à ce projet qu'on appelle une nation.
C'est
en somme un patriotisme nouveau, réinventé, vivifié, que nous sommes en train
de construire, il ne se fait pas en un jour, il ne se fait pas en un an mais
c'est à cela, Mesdames et Messieurs, que je vous appelle.
Vive
la République ! Vive la France ! "
Barbara Jolivet est heureuse de vous avoir fait ce copier/coller depuis le site de
https://en-marche.fr/articles/discours/deuxieme-discours-macron-congres