Il y a quarante cinq ans, les derniers mots du général de Gaulle : « J'ai mal dans le dos…»
C’est dans son salon de Colombey-les-Deux-Eglises que le général de Gaulle est mort, le lundi 9 novembre 1970, un an et demi après avoir démissionné de la présidence de la République. A l'occasion de cet anniversaire, Nicolas Sarkozy se rend aujourd'hui mardi 9 novembre 2010 en compagnie de François Fillon à Colombey-Les-Deux-Eglises pour fleurir la tombe du général, avant de déposer une seconde gerbe au pied de la Croix de Lorraine érigée à proximité.
« La vieillesse est un naufrage », avait dit de Gaulle à André Malraux, lui confessant combien il redoutait une fin longue et douloureuse qui l’aurait diminué durablement. Son vœu implicite fut exaucé.
Le 9 novembre 1970, à quelques jours de son quatre-vingtième anniversaire, le général est dans sa résidence de Colombey-les-deux-Eglises (Est de la France). Il est installé devant sa table de bridge, étalant ses cartes pour une réussite, dans l’attente du journal télévisé de 20h00. Pris d’un malaise, il murmure « j’ai mal dans le dos... » puis s’affaisse dans son fauteuil et perd connaissance. Sa femme Yvonne, seule à ses côtés, appelle le prêtre et le médecin. Celui-ci diagnostique une rupture d’anévrisme abdominal. Charles de Gaulle ne reprendra pas conscience, mais il aura le temps de recevoir les derniers sacrements avant de succomber.
« La France est veuve »
La mort soudaine de celui qui restera comme le chef de la France Libre sera tenue secrète toute la nuit, le temps que Madame de Gaulle prévienne leurs deux enfants. La nouvelle tombe sur les téléscripteurs dans la matinée du 10 novembre. Peu avant midi, le président Georges Pompidou s’adresse aux Français à la télévision : « La France est veuve... ».
Les Français sont sous le choc. De toute part on salue la mémoire du fondateur de la Ve République. Dans Le Figaro du 11 novembre, jour anniversaire de l’Armistice de 1918, un dessin de Jacques Faizant restera célèbre : sous les traits de Marianne, la France pleure, agenouillée, sur un chêne tombé à terre.
« Je ne veux pas d’obsèques nationales »
Il était ainsi fait qu'il ne pouvait que servir son pays, et, au milieu de notre tristesse, nous lui devons encore ceci d'avoir vu un jour, sous les voûtes de notre vieille cathédrale, les nations unies autour de nous dans le respect et l'amitié.
Sans doute leurs représentants sont-ils venus saluer une dernière fois le dernier des Grands de la Seconde Guerre mondiale, mais qui, dans cette foule attentive et muette, n'aura pas senti que la courtoisie diplomatique n'était qu'une des raisons mineures de ce concours inouï de délégations funèbres, et qui n'aura pas compris qu'il s'agissait de bien autre chose que d'un témoignage international d'admiration rendu au prestige d'un homme d'Etat ?
En fait, le monde politique a fait taire un instant ses dissentiments et ses ambitions pour s'incliner devant une volonté qui n'était pas une volonté de puissance, devant une grandeur qui devait bien peu de choses à la force, devant une intelligence tournée vers la paix, et, en fin de compte, c'est à « une certaine idée de la France » qu'il est venu rendre hommage.
ANDRE FROSSARD,
Le Figaro
La seule récompense
Nous pressentions qu'il tomberait d'un coup, comme ses frères, comme l'un des arbres de cette forêt des marches de l'Est où nous l'avons confiné deux fois... Il nous aura sauvés un jour du déshonneur, en chassant l'occupant des âmes françaises bien avant que les armées vinssent lui signifier ce congé sur le terrain ; il nous aura sauvés de la dictature et de la guerre civile, il nous aura rendu la confiance et l'amitié des peuples pauvres, il aura réconcilé la France avec l'image d'elle-même qu'elle avait distribuée à travers le monde, il aura reconstitué en sous-œuvre l'unité de son pays menacé de désintégration, il nous aura épargné la honte de retarder indéfiniment la libération des peuples auxquels nous avions enseigné la liberté, et nous lui aurons accordé l'an dernier, au mois d'avril, à la majorité, et pour reprendre une fois encore l'inoubliable mot du Soulier de satin, « la seule récompense qu'il méritât et qui fut digne de lui : l'ingratitude ». Il est parti avec ce viatique, précédé de peu par Edmond Michelet, son vieux compagnon, et il n'y aura pas de fin aux Mémoires ; mais cette mémoire n'aura pas de fin dans nos livres.
ANDRE FROSSARD,
Le Figaro
La famille s’attache à faire respecter scrupuleusement les dernières volontés du général, qu’il avait laissées dans un testament rédigé dès 1952 : « Je ne veux pas d’obsèques nationales » ; la cérémonie, « extrêmement simple », devra se dérouler « sans fanfare ni musique ». Ce vœu-là aussi est exaucé, même si la présence des caméras donne à l’événement une dimension sans commune mesure avec cet enterrement campagnard.
Sous l’œil de dizaines de millions de téléspectateurs, le cercueil couvert du drapeau tricolore, disposé sur un engin blindé, sort de «La Boisserie», la propriété familiale de Colombey. Le général est mis en terre ce 12 novembre dans l’après-midi. Il n’y a là que la famille, des gens du village, et quelques représentants de l’armée, seule participante officielle. Cette relative intimité tranche avec la messe solennelle célébrée quelques heures plus tôt à Notre-Dame de Paris, en présence de six mille fidèles et trente-trois chefs d’État du monde entier, dont les présidents américain et soviétique.
Elle tranche davantage encore avec l’hommage populaire rendu dès le début de la matinée, un demi-million de parisiens remontant, sous la pluie, les Champs-Elysées, pour aller déposer des fleurs sur la place de l’Etoile, qu’on n’allait pas tarder à rebaptiser place Charles-de-Gaulle.
« La France est veuve »
La mort soudaine de celui qui restera comme le chef de la France Libre sera tenue secrète toute la nuit, le temps que Madame de Gaulle prévienne leurs deux enfants. La nouvelle tombe sur les téléscripteurs dans la matinée du 10 novembre. Peu avant midi, le président Georges Pompidou s’adresse aux Français à la télévision : « La France est veuve... ».
Les Français sont sous le choc. De toute part on salue la mémoire du fondateur de la Ve République. Dans Le Figaro du 11 novembre, jour anniversaire de l’Armistice de 1918, un dessin de Jacques Faizant restera célèbre : sous les traits de Marianne, la France pleure, agenouillée, sur un chêne tombé à terre.
« Je ne veux pas d’obsèques nationales »
Editoriaux d'andré Frossard parus dans le Figaro au lendemain de la mort du général de Gaulle
Ces éditoriaux ont été publiés dans la revue Espoir avec l'aimable autorisation du Figaro
Il était ainsi fait qu'il ne pouvait que servir son pays, et, au milieu de notre tristesse, nous lui devons encore ceci d'avoir vu un jour, sous les voûtes de notre vieille cathédrale, les nations unies autour de nous dans le respect et l'amitié.
Sans doute leurs représentants sont-ils venus saluer une dernière fois le dernier des Grands de la Seconde Guerre mondiale, mais qui, dans cette foule attentive et muette, n'aura pas senti que la courtoisie diplomatique n'était qu'une des raisons mineures de ce concours inouï de délégations funèbres, et qui n'aura pas compris qu'il s'agissait de bien autre chose que d'un témoignage international d'admiration rendu au prestige d'un homme d'Etat ?
En fait, le monde politique a fait taire un instant ses dissentiments et ses ambitions pour s'incliner devant une volonté qui n'était pas une volonté de puissance, devant une grandeur qui devait bien peu de choses à la force, devant une intelligence tournée vers la paix, et, en fin de compte, c'est à « une certaine idée de la France » qu'il est venu rendre hommage.
ANDRE FROSSARD,
Le Figaro
La seule récompense
Nous pressentions qu'il tomberait d'un coup, comme ses frères, comme l'un des arbres de cette forêt des marches de l'Est où nous l'avons confiné deux fois... Il nous aura sauvés un jour du déshonneur, en chassant l'occupant des âmes françaises bien avant que les armées vinssent lui signifier ce congé sur le terrain ; il nous aura sauvés de la dictature et de la guerre civile, il nous aura rendu la confiance et l'amitié des peuples pauvres, il aura réconcilé la France avec l'image d'elle-même qu'elle avait distribuée à travers le monde, il aura reconstitué en sous-œuvre l'unité de son pays menacé de désintégration, il nous aura épargné la honte de retarder indéfiniment la libération des peuples auxquels nous avions enseigné la liberté, et nous lui aurons accordé l'an dernier, au mois d'avril, à la majorité, et pour reprendre une fois encore l'inoubliable mot du Soulier de satin, « la seule récompense qu'il méritât et qui fut digne de lui : l'ingratitude ». Il est parti avec ce viatique, précédé de peu par Edmond Michelet, son vieux compagnon, et il n'y aura pas de fin aux Mémoires ; mais cette mémoire n'aura pas de fin dans nos livres.
ANDRE FROSSARD,
Le Figaro
Sous l’œil de dizaines de millions de téléspectateurs, le cercueil couvert du drapeau tricolore, disposé sur un engin blindé, sort de «La Boisserie», la propriété familiale de Colombey. Le général est mis en terre ce 12 novembre dans l’après-midi. Il n’y a là que la famille, des gens du village, et quelques représentants de l’armée, seule participante officielle. Cette relative intimité tranche avec la messe solennelle célébrée quelques heures plus tôt à Notre-Dame de Paris, en présence de six mille fidèles et trente-trois chefs d’État du monde entier, dont les présidents américain et soviétique.
Elle tranche davantage encore avec l’hommage populaire rendu dès le début de la matinée, un demi-million de parisiens remontant, sous la pluie, les Champs-Elysées, pour aller déposer des fleurs sur la place de l’Etoile, qu’on n’allait pas tarder à rebaptiser place Charles-de-Gaulle.
"Le grand départ" : 9 novembre 1970, le décès du général de Gaulle
Le 9 novembre 1970 le général de Gaulle disparait et laisse la "France veuve". En 1952, il avait établi un testament exprimant son refus de funérailles nationales.
À Colombey-les-Deux-Églises, sa dépouille est transportée sur un engin blindé de reconnaissance vers la petite église, en présence de sa famille, des Compagnons de la Libération et des habitants de son village.
Il est enterré au cimetière auprès de sa fille Anne, avec une simple inscription sur sa tombe, "Charles de Gaulle 1890-1970".
Le 12 novembre, à Notre-Dame de Paris a lieu une cérémonie officielle avec les autorités de l'État et les personnalités étrangères.
Retrouvez à travers ce dossier l'émotion que sa disparation avait suscitée en France et dans le monde.