TANTE VONNIK

Voici le mémoire que je viens de retrouver écrit par ma tante Yvonne FEKETE née GOELO (en 1912)  , cousine germaine de ma mère puisque la mère d'Yvonne, Louise Mudès, était la soeur de mon grand-père Fernand Mudès, et dont je voudrais faire perdurer les souvenirs, ses  " souvenirs du temps passé " ...



 à Paimpol en 1987 ma tante terminait d'écrire ce qui suit :



MON ENFANCE

Je suis née dans un petit village appelé "KERGICQUEL" qui veut

dire "Beau Château".

Le 23 janvier 1912 à trois heures de 1'après midi je suis venue en ce monde, le médecin étant passé le matin et ayant dit à maman qu'il n'y aurait pas de naissance avant le soir. Ce sont les lavandières d'un "douet" (lavoir) qui ont assis à cet événement et coupé le cordon ombilical. Par maman j'ai appris plus tard que j'étais un beau bébé et dans ces lieux purs de ce coin de Kergicquel j'ai fait mes premiers pas.

Derrière notre maison s'étendait une grande étendue de terre sur laquelle je pouvais me débattre. Cette terre, lors de la saison des blés se couvrait de la blondeur des épis que j'avais plaisir à mâchonner et ressens encore le lait qui en sortait ; puis il y avait aussi 1'odeur des foins, tant d'arômes qui pour moi l'ai appris en grandissant était l'époque des saisons. Papa était lieutenant au Long Cours, quand maman partait le rejoindre elle me confiait à ma tante Marianne ; au retour de maman, vu mes refus d'aller dans les bras d'une étrangère, car un enfant de cet âge oublie vite, puis un jour j'ai tendu mes petits bras vers elle et par la suite n'ai pas voulu la quit­ter ; rien ne vaut la tendresse maternelle. Hélas ! Un après-midi nous nous trouvions sur la route, je tenais la robe de maman. Comment une petite fille de deux années et demie puisse-t-elle se souvenir de voir sa maman en larmes ; les personnes avec lesquelles elle discutait pleuraient ; pourquoi ces larmes ? Avec 1'accompagnement de grosses cloches, tintant lentement des notes de tristesse. Plus tard, en grandissant j'ai appris que les cloches avaient sonné le tocsin et par ces notes lugubres annonçaient la déclaration de guerre à 1'Allemagne


Comment peut-on à peine éveillée à la vie avoir conservé ce triste souvenir ? Des années qui suivirent à ce jour de tristesse je n'ai conservé le moindre souvenir.


Papa naviguait entre l'Angleterre et Saint-Nazaire. L'enfant grandit et dans son petit cœur fort heureusement les moments cruels ne restent pas marqués ; restent les belles journées et les bons souvenirs de Saint-Nazaire qui par son long Boulevard et surtout le Jardin des Plantes avec ses palmiers sont restés les meilleurs souvenirs de ma prime jeunesse ; je me vois encore dans ma robe blanche, car Dieu m'avait donné un petit frère surnommé Louis et étais de dix-huit mois son aînée. Je le vois encore avec un costume marin en jersey, ses longs cheveux noirs descendaient de ce bon­net en jersey prune. Dans ce jardin, maman toujours élégante portait de belles bottines à gros boutons, une robe très serrée sur la poitrine et un grand chapeau avec, à la main, une ombrelle. Nous avions plaisir à courir dans ce jardin avec notre cerceau, nous allions également courir sur le sable et faire des pâtés. Nous allions nous baigner à Saint-Nazaire-les-Pins, petite plage qui se trouve proche de Saint-Nazaire. Maman et moi portions des maillots de bain en costume marin ; papa était affreux dans son maillot de bain tout rayé; mon frère Louis également portait un costume rayé bleu et blanc.

Notre grand plaisir était de nous rendre à un petit bassin où mon frère Louis faisait naviguer son bateau. Un jour, s'étant trop penché, il est tombé dans le bassin.

Le meilleur souvenir que je garde de ces tristes années de guerre : le dimanche maman nous amenait au théâtre. Nous nous trouvions toujours dans les premiers rangs et j'ai été très marquée par ces danseurs qui dansaient ayant dans le bas de leur pantalon des dentelles. "Ding Ding Ding, dong, sonne sonne joyeux carillon !!! C'est surtout l'histoire du Petit Poucet avec son bonnet pointu qui avait pour moi un mystère. Dans la forêt pour ne pas perdre son chemin, il semait au long de sa route des petits cailloux.

Oh ! Combien j'ai aimé ce Petit Poucet qui était devenu tendre à

mon cœur.

Le meilleur souvenir que j'ai gardé de mon habillement, une cor­delette suspendue à mon cou et un amour de petit manchon en fourrure blanche dans lequel j'avais plaisir à enfouir mes petites mains. Sur ce manchon, trois petites têtes en fourrure dont je garderai toujours le souvenir de leurs petits museaux tout noirs vernis que j'aimais à caresser. Combien à cet âge, peut-on être heureux avec si peu de choses ; un cerf-volant qui planait dans les

airs, à notre grand chagrin allait s'écraser, soit sur le sable ou la verdure.


On avait aussi plaisir à jouer aux cannettes contre le mur qui bordait

la mer dans laquelle on aimait, lorsqu'elle se retirait, aller

chercher des petits crabes verts que l'on mettait dans un petit seau.

Que c'est doux au cœur d'avoir un frère comme compagnon de jeux !

Je me rappelle du grand portail que nous franchissions pour

entrer dans une cour pavée ; des fils de fer traversaient cette cour ; ils servaient pour mettre le linge à sécher ; puis nous montions dans notre appartement. Une image de la Vierge sur un panneau du mur, mon frère Louis est monté pour embrasser la Vierge. Quelques instants après, s'étant trop penché à la fenêtre il est tombé ! Fort heureusement les fils de fer du séchage ont amorti sa chute ; ce n'est qu'avec quelques égratignures que nous avons pu aller voir Papa qui était passé Commandant. Nous apercevions ce bateau qui avançait pour gagner le port et maman était très fière lorsque papa du haut de la passerelle retirait sa casquette lui faisant l'honneur du salut. Dieu nous a épargné papa durant cette vilaine guerre qui n'a eu sur nos cœurs d'enfant aucune répercussion. Lorsque papa passait plusieurs jours au port, c'était une grande fête pour nous. On me mettait un tablier et à mon frère un tablier noir. Ce bateau était un mystère à éclaircir. Nous aimions courir sur le pont, mais ce qui nous attirait, c'était la machine. L'on descendait par l'escalier de fer et grand était notre étonnement de voir cette grande machine avec ses cuivres reluisants. Papa nous avait interdit d'y descendre.

Alors sur le pont, avec une corde nous jouions au petit cheval. Ce bateau nous enivrait et avions découvert une pièce de quoi satisfaire notre gourmandise. A cet âge, 1'on découvre toutes les merveilles que l'on puisse trouver sur cette terre qui vit par ses fleurs qui respirent, par les arbres qui étendent leurs branches tantôt garnies de fleurs, tantôt garnies de fruits, le mélange des saisons, où l'on va de sa petite robe blanche au manteau garni de fourrure. Là je participais aux jeux des garçons. J'avais aussi beaucoup de tendresse pour ma poupée que je couchais dans son petit lit. Or, un après-midi, j'ai voulu monter sur la passerelle avec ma poupée dans les bras. Hélas ! Quand je suis descendue, ma poupée est tombée et s'est cassé sa petite tête. Papa a dû lui refaire une tête en bois et de gros boutons de chaussures pour remplacer ses beaux yeux. Or, malgré sa tête en bois et ses yeux de bottines, je ressentais pour elle le même amour. Une photo retrouvée me rappelle les repas ou papa et maman conviaient le second et sa dame, ainsi que le chef mé­canicien et sa dame. Maman dans ce groupe avait fière allure, une belle prestance avec sa robe en chasuble et sa chaîne d'or autour du cou. En prenant de l'âge, maman m'avait acheté un manteau à petits carreaux verts avec une cape et un chapeau en velours vert que je portais fièrement. A mon frère, on avait acheté un gros tambour qui embarrassait tout le monde dans le tramway.

La guerre ayant pris fin, nous avons quitté St-Nazaire et sommes

rentrés à KERGICQUEL.

Une nuit, papa est venu dans ma chambre, m'a enroulée dans mes draps et m'a transportée chez mes grands parents. Au matin, j'ai eu l'agréable surprise de trouver dans un lit à bercelonnette un petit frère qu'on avait appelé Vincent. Je l'ai vu grandir avec ses cheveux tout bouclés. Il y avait sept années entre nous. En grandissant il avait la passion de la lecture. Lors d'une procession on l'avait habillé en St-Jean-Baptiste avec une robe blanche, un cerceau doré sur la tête et portant une croix dorée.

Les années succédaient aux années et je grandissais en force et en malice ; toujours avec mon frère Louis nous nous rendions dans une lande, où il y avait bon nombre de cri-cri. Nous emportions avec nous une petite boîte. Sur les lieux, l’on cherchait une herbe bien longue et avions plaisir à enfouir cette herbe qui chatouillait le grillon qui sortait les cornes en avant et tout noir reluisant. Nous avions mille tours à notre façon. J'avais plaisir à bombarder les garçons avec des pommes cueillies dans le verger. A la sortie du catéchisme, les poches bourrées de pommes, j'avais plaisir à canarder Yves Isidore et Yves Quimper. J'étais devenue un vrai garçon manqué ! Toujours pieds nus je montais au haut des poteaux télégraphiques par la force de mes mollets. J'avais plaisir à descendre la côte de Pen Creach assise sur le cadran de ma bicyclette tenant les poignées du guidon aux mains et les jambes tendues en avant. En avant ! Fouette cocher ! Les châtaigniers ne me faisaient pas peur. La classe ne m'attirait guère. En petite classe on distribuait des billets avec des chiffres, puis il y avait un grand chapeau pointu avec ce mot "ANE". Or, un jour, j'ai dû porter ce vilain chapeau et en ai été très vexée. Dans la classe de Mademoiselle Elise, mon seul plaisir était de faire le pitre. J'avais plaisir à attraper dans les marronniers des hannetons que je faisais voler dans la classe. « Mademoiselle Elise, un hanneton ! Qu'on ouvre les fenêtres ! » L'on m'avait placée dans le premier rang de la classe pour que je sois sous la surveillance de Mlle Elise ; or, j'arrivais toujours à faire un tour à ma façon et l'on me mettait en pénitence, moi, dans la cuisine et ma brave Annaïck dans le salon. Dans la cuisine je mettais du gros sel dans la soupe et dans les entremets. Etant demi-pensionnaire Madame PAILLARD, la Directrice disait "Oh ! Cette Eugénie qui a encore salé sa soupe ! " et moi de rire sous cape. J'avoue que le certificat ne m'attirait guère, ni les études, par contre les leçons de piano me plaisaient beaucoup. Or, cette Madame PAILLARD avec son petit voile noir sur la tête se relaxait en dormant. Ensuite, l'on m'a mise sur une table avec un encrier, une planche sur laquelle je me suis renversée 1'encrier sur la figure. Je garde un bon souvenir des belles poupées que Marie GISLAIS me traçait sur du papier à dessin. J'avais bon nombre d’amies : Marie-Louise OLLIVIER, Nénette, etc. etc...Voilà mes souvenirs de classe et j'ai honte d'avouer que, lorsqu'on me mettait en pénitence, je partais par la fenêtre. A présent, lorsque 1'on se rencontre c'est avec le sourire que 1'on se remémore ces années de 1'âge ingrat.

A 1'Ecole on étudiait le catéchisme et on nous préparait pour la communion solennelle. On étudiait les actes de Foi, d'Espérance ede Charité. Le jour de la Communion, on avait désigné deux amies pour lire aux Vêpres les actes. J'avais été également choisie en deuxième ordre. On m'avait acheté une belle robe en organdi (vu ma taille on m'aurait prise pour une mariée !) A la sortie de l'Eglise nous avons dû aller baiser la bague de Monseigneur SERZANG et me souviendrai toujours de la réflexion faite par maman à Monseigneur  " pour le peu d'honneur que l'on a fait à ma fille, étant apparentée à Madame Pensant, bienfaitrice de l'Eglise de PAIMPOL". Puis les grandes vacances sont arrivées et 1'on a fait un grand feu avec les cahiers…


SOUVENIRS D'ENFANCE


Maman, lorsqu'elle partait rejoindre papa en période de vacances, me confiait à une tante cultivatrice en pleine campagne à Coatascorn. J'avais comme compagnie ma petite cousine Yvonne Moreau. Chaque jour nous devions conduire le troupeau de vaches dans un pré tout verdoyant. Pour nous, c'était un régal, car dans ce pré il y avait un petit ruisseau qui sillonnait entre les herbages avec la compagnie d'immenses peupliers. Aussitôt rendues sur ce pré magique nous enlevions nos chaussures et nos bas et l'on retroussait jupe et jupons jusqu'à la ceinture. Pour nous, éprises de liberté, c'était la fête. Nous descendions sur le lit de cette petite rivière qui sillonnait tantôt à droite, tantôt à gauche. Notre grand bonheur était de cueillir des lianes de liserons qui s'enchevêtraient avec des branches de massifs. Nous courions dans cette eau fraîche et ruisselante sous nos pieds, la morsure des cailloux on n'y prenait pas garde, toute notre attention étant attirée par ces fleurs blanches et nous sortions de cette rivière les bras chargés de fleurs ; alors nous mettions toute notre ardeur à parer  nos robes de lianes tissées et nous garnir la tête d'une couronne. Nous avions 1'âge de savoir tirer des bienfaits de la terre ce qu'elle pouvait nous donner pour nous embellir et c'était la fête ! Rien n'est plus prenant qu'une campagne verdoyante, qui se perd à 1'infini, d'entendre le bruissement des feuilles des peupliers, 1'écoulement frémissant du ruisseau et surtout le calme qui y règne. C'était notre royaume. J’ai conservé de ce coin de terre un immense souvenir de jeunesse.

Préoccupées par notre habillement, toutes accaparées pour mettre notre beauté en valeur, le troupeau ne nous intéressait plus. Hélas ! Il avait quitté le pré et se délectait dans le champ voisin en mâchonnant les betteraves !


Retour de classe chez mon amie Annaïck : les bons souvenirs du temps passé nous marquent à vie entière. Chez Annaïck on avait fait la coupe des cyprès. La classe finie, nous courions pour enjamber ces branches cisaillées, les escalader pour nous retrouver sur leur faîte. Quel plaisir vraiment pouvions-nous éprouver allant péniblement d'un cyprès à un autre, trébuchant à chaque pas et tombant dans des trous diminués de branchages et c'était des éclats de rire. Comment pouvait-on éprouver du plaisir à revenir avec des bas déchirés ? C'était la joie dans la nature avec 1'insouciance de la jeunesse… Que ces quelques lignes Annaïck te rappellent 1'envahissement de tes cyprès…


Dispute avec mon frère Louis

J'aimais beaucoup faire des farces à mon grand frère mais les payais cher parfois. Quand 1’envie me prenait de lui en faire une bien bonne je partais à la recherche de glands d'aubépines sauvages ; j'ouvrais les noyaux et retirais de 1'intérieur de minuscules poils et rentrais chez moi. Désirant faire une farce à mon frère je prenais ce poil à gratter et je le lui glissais entre la chemise et la peau ! Inutile de vous dire sa réaction ! Je m'échappais et courais pieds nus de toute la force de mes mollets sur les blés coupés; au fond du champ de blé rude, j'avais ma roustée bien méritée ! Cela fait tout de même partie des bons souvenirs de ma jeunesse. Les jeunes à présent connaissent-ils le poil à gratter

MON ADOLESCENCE.


Mes parents étant outrés du peu de travail et de mes mauvaises notes ont décidé de m'envoyer en Angleterre dans un pensionnat tenu par les Religieuses des Sœurs du Saint-Esprit. Les élèves qui devaient se rendre à Insgidon se rassemblaient sur le port de St-Malo qui faisait la liaison avec Southampton. Nous n'étions guère nombreuses, une dizaine en tout, des différents coins de France.

A Southampton, nous avons pris le train sous l'égide d'un professeur d'Anglais de St-Charles. La conversation allait bon train. Le voyage ne nous a pas paru long. Nous sommes descendues à Newton-Abbott in the Devonshire. Ensuite, on s'est engouffrées dans un car appartenant à l'établissement. Après cinq kilomètres de route, nous avons bifurqué pour prendre un chemin entre les terres. Ce chemin montait puis nous sommes arrivées devant un immense portail verni. Au centre, une grande plaque en cuivre "St-MICHAEL'S CONVENT". Le portail s'ouvre. Quel ne fut pas mon étonnement de voir de magnifiques pelouses bien vertes, bien tondues, sur lesquelles des sapins centenaires étendaient paresseusement leurs longues branches. Le Devon étant très vallonné, les pelouses garnies de leurs majestueux sapins s'étendaient à 1'infini. Le pensionnat sur ce lit de verdure paraissait rigide. A la porte d'entrée, deux grandes colonnes de marbre. Nous avons été accueillies par Mère Saint-Albert, Supérieure du Couvent. Un magnifique hall avec un large escalier de forme galbée donnait à cette entrée une note accueillante. Nous portions l'uniforme, robe à bretelles avec plis plats et ceinture, blouse blanche, robe de couleur bleu-marine. Etant arrivées pour l'heure du dîner, anglaises et françaises ont formé la haie d'honneur pour le passage de Mère Saint-Albert et des religieuses. Tous les jours, que ce soit pour le breakfast, le midi ou le soir, c'était le même rythme, dans un silence absolu…

Dans la salle à manger, cinq tables recouvertes de linge bien blanc nous attendaient. Grande déception, une française par table d'une quinzaine d'anglaises ! Or, avoir quitté la France la veille et se retrouver ainsi parmi des élèves dont on ne comprenait pas le moindre mot a été très très dur. La période d'adaptation a été vraiment dure et j’en ai eu le spleen durant une quinzaine de jours. Je ne pouvais me faire à l'idée qu'entre ma famille et moi il y avait cette mer infranchissable… C’est mère Ildefonse, ma maîtresse de classe, qui a su me comprendre et à me faire aimer ce couvent qui certainement n'a pas son pareil en France.

Les repas étaient de cuisine française : au déjeuner thé ou  porridge fumant dans l'assiette pouvant satisfaire mon appétit. Le matin, nous assistions à la messe. Etant catholique, il fallait donner l'exemple. Après le déjeuner drill, gym dans l'immense sous-sol de cet immense couvent. La leçon durait environ une demi-heure, et vraiment je me donnais de cœur joie ; puis ce fût la rentrée pour la classe française le matin, classe anglaise l'après-midi. Interdiction de porter des tabliers. A dix heures et demie une demi-heure de récréation. Avec la fougue de mes quinze ans, j'aimais foncer le sentier tortueux bordé de haies qui arrivait au terrain de tennis et, dans mon élan, je franchissais le filet de tennis. Or, il y avait toujours une religieuse, le sifflet aux lèvres. Au moindre écart on nous donnait une mauvaise note. Comme jeux, deux tennis, basket ball, net ball, hockey sur pelouse. Tout pour me satisfaire. Après la récréation, nous reprenions les cours de classe. A midi, au réfectoire, au milieu de chaque table, deux grandes assiettes garnies de pain anglais de forme carrée. Or, nous ne devions pas nous servir de nos doigts, mais d'une fourchette. A ma gauche j'avais une Irlandaise car, lorsqu'on mangeait deux carrés de pain garni de beurre, confiture dans l'assiette, l'anglaise d'en face montrait deux doigts à mon anglaise de droite ; alors, devant trois et parfois quatre, elles étaient ahuries. L'Irlandaise et moi ne tenions aucun compte de leur jeu. Les récréations se passaient au cours de tennis ou de basket ball. Les Anglaises portaient sous leurs gymdress des culottes et des bas en jersey bleu marine, tandis que les françaises avec leurs falbalas de culottes et combinaisons blanches paraissaient endimanchées. L'été, les cours de français se passaient en plein air. C'est très dur de se concentrer sur un devoir avec le chant des oiseaux ! La discipline était très sévère. Or, étant très bavarde, mes billets blancs étaient cause de ces bavardages. Avec trois billets blancs c'était le renvoi.

Une fois par mois, les élèves se réunissaient dans la salle de communauté. Mère St-Albert présidait avec les professeurs à droite et à gauche formant le demi-cercle.

J'étais vexée que la distribution commence toujours par les anglaises. Lorsque la mère supérieure prononçait le nom de l'élève on quittait sa place et 1'on se plaçait à une certaine distance de la Mère Supérieure. Elle remettait le billet satiné rose et blanc et devions lui faire une belle révérence, le pied en arrière tout en se relevant avec le plus de grâce possible. Etant très bavarde, 1'on m'a expédiée dans le dortoir des babies ; ensuite, avec les élèves de mon âge. Lors de mes vacances de Noël, nous avions quartier libre : avec le panama blanc avec badge S.M. nous allions à Newton-Abbott où nous achetions pour un shilling et six pence (qui n'existent plus) des toffees (chocolats). Nous étions sans surveillance et à l'heure prescrite nous reprenions le bus pour Insgidon. Nous étions très gâtées pour les fêtes de NOËL. Les vacances étaient très dures car le pensionnat se vidait. Seulement une irlandaise, deux écossaises et deux indiennes. Pour les fêtes de PAQUES nous avions toujours un bel œuf dans notre assiette. Tous les ans nous étions invitées chez un avocat pour le thé. Alors que nous arrivions, il se trouvait à cheval en veste rouge et lorsqu'il a aperçu les petites françaises, il a retiré sa toque et a dit  "vive la France". J'en avais les larmes aux yeux ; puis femmes, cavaliers et meute ont quitté les lieux. C'était un beau coup d'œil à voir. J'ai toujours été chauvine et française de cœur. Or, lorsqu'il y avait des pièces jouées par les anglaises, on entonnait toujours le "God Save the King". Je restais assise sur mon banc. J'aurais tant voulu au moins une fois entendre la Marseillaise…

Un 23 Janvier, alors que nous nous rendions dans la salle à manger, à ma place sur un grand plateau, un grand gâteau avec quinze bougies. Maman avait pensé à moi et lorsqu'on est loin de sa famille ce geste d'amour m'a mis les larmes aux yeux.

Tous les jours, j'avais une heure d'étude de piano. Or, un jour j'apprends qu'on avait livré dans le salon un piano à queue. Ce piano à queue m'attirait et un jour je me suis rendue au salon et j'ai joué durant une heure sur ce piano. Or, lorsqu'il a fallu que je rabatte le clavier, je n'ai pas réussi à le fermer. Timidement, j'ai été trouver Mère St-Albert et lui ai avoué ma faute. J'ai été très surprise de sa réaction ; elle m'a dit tout simplement de ne plus recommencer.

Nous sommes allées de nouveau à Newton. Ma voisine de lit avait acheté des poupées en celluloïd avec des clochettes à l'intérieur. Elle les a mises en rang sur la fenêtre. J'ai pris une brosse à cheveux et plouf ! D’un geste vif j'ai fait rouler toutes ces poupées à travers le grand dortoir qui ont égrené leur mélodie. Cette fois-là où allait-on me mettre ? Or, j'avais fait tous les dortoirs à l'exception de celui des aînées et, ma foi, je m’y suis bien trouvée.

J'avais une passion pour la peinture, le cuir, le cuivre et l'étain repoussé, la pyrogravure et les sports. Les deux premières années, j'ai frôlé le renvoi par mon bavardage. Mon Dieu ! Que c'est dur de garder sa langue !

J'ai passé les trois meilleures années de mon adolescence dans ce Devonshire que j'avais appris à connaître et à aimer. Une chanson me rendait l’âme triste " Sweet Sweet home, there's no place like home "…

J'aimais beaucoup Torquay (= la Baule) avec ses jardins suspendus. A Exeter nous avons visité le musée où nous nous acharnions à arracher les poils d'une queue de girafe.

Un jour, grand branlebas dans le pensionnat : nous avons dû bien cirer nos chaussures et sous l'œil vigilant de la maîtresse de pensionnat qui nous a inspectées de la tête aux pieds. Anglaises et Françaises dans notre uniforme net, nous nous sommes rangées en une ligne impeccable dans la grande salle de Communauté Alors, la Sœur nous a annoncé que le Prince de Galles devait passer devant nous.

J'ai conservé de ce pensionnat un merveilleux souvenir. J'ai obtenu quatre prix : piano, tennis, saut en longueur, en hauteur, et le cinquième, dirait Miss Beyli, pour  le rire !

Je ne sais si c'est dans ce pensionnat que l'on m'a inculqué l'ordre et l'exactitude ; je ne le pense pas. C'est inné en soi.

La troisième année, alors que la langue me démangeait, je la serrais avec mes dents. Arrive la dernière distribution des billets. Tous avaient été dis­tribués. Un seul dans les mains de Mère St-Albert ; "qu'elle est l'élève qui n'a pas eu son billet ? "Je me lève ; "moi ma Mère". Timidement je traverse la grande salle et me tient à distance de Mère Saint-Albert qui me remet un beau billet rose en me disant : "vous voyez Yvonne, ce n'est pas dur de faire un effort pour garder sa langue". Je lui ai fait certainement la plus belle révérence du pensionnat. Toutes les élèves de St-MICHAEL’S Covent ont applaudi et c'est en larmes que j'ai regagné ma place. J'avais conservé de ce pensionnat un si bon souvenir. Par la suite, je n'ai jamais voulu le revoir, y ayant laissé une partie de mon cœur. Puis ce fut le départ pour la France.


Papa ayant fait l'achat d'un bateau que nous avions appelé Louise-

Yvonne de concert avec ma cousine nous avions décidé de nous rendre

à Roscoff où papa chargeait des primeurs pour l'Angleterre.

Nous sommes arrivées alors que papa et maman étaient à table. J'ai

mis ma tête dans le hublot et j'ai dit "coucou". Papa est entré en

colère. Je ne veux pas de femme à bord au mois de septembre. Or,

celui qui faisait le chargement a dit à papa : " Monsieur Goëlo,

vous n'allez tout de même pas refuser ce voyage à ces gentilles

jeunes filles. Elles vous porteront bonheur". Papa a accepté de

nous prendre et avons quitté Roscoff le soir.

Alors que nous dormions nous avons été réveillées par un choc terrible. Un épais brouillard à couper au couteau. Papa avait frôlé le Clan-Malcom qui déjà était en dehors de son circuit. Papa a voulu s'approcher de la côte. Or, parait-il, la côte étant ferrugineuse avait agi sur les compas et nous avions fait côte à Prawle Point.

Nous sommes sorties. Le bâtiment ayant une forte gîte j'ai roulé sur le pont. Les vagues étaient fortes et avec la puissance de la mer le bateau avançait lentement. On a mis le bateau de secours à l'eau, tout de suite il a été déchiqueté sur les rochers. Puis miracle, le bateau avait placé son avant entre deux grands rochers ; nous étions en chemise de nuit ; on nous a descendu avec des cordages à la lueur de la lampe. Je suis tombée de ces gros rochers et j'étais si heureuse d'avoir sauvé ma vie que je n'aie ressenti aucun mal.Nous avons dû escalader la falaise. Là haut nous marchions pieds nus sur des ajoncs très courts et nous ressentions aucun mal.

Une lumière dans le lointain. Nous avons atteint cette maison du garde-côte où on nous a préparé un bon thé et un bon lit que nous avons fort apprécié après cette nuit horrible.

Le lendemain, j'ai voulu revoir notre bateau ; la mer s'étant retirée il était entré dans la falaise et cet immense rocher, la coque défoncée.

Cette nuit là il y a eu trois bateaux qui ont fait côte : le Clanmalcour, un autre, puis la Louise Yvonne.

Le lendemain se trouvait être un dimanche ; il y avait foule sur la falaise ; papa n'était pas là; nous sommes montées à bord par l'échel­le ; les journalistes désiraient monter, j'ai demandé aux marins de remonter l'échelle.

Nous étions dans notre chagrin. On a mit le bateau de secours à l'eau, tout de suite il a été déchiqueté sur les rochers. Puis miracle, le bateau avait placé son avant entre deux grands rochers ; nous étions en chemise de nuit ; on nous a descendu avec des cordages à la lueur de la lampe.

Je suis tombée de ces gros rochers et j'étais si heureuse d'avoir   

sauvé ma vie que je n'aie ressenti aucun mal.

Nous avons dû escalader la falaise ; là haut  nous marchions pieds nus sur des ajoncs très courts et nous ressentions aucun mal.

Une lumière dans le lointain. Nous avons atteint cette maison du garde-côte où, on nous a préparé un bon thé et un bon lit que nous avons fort apprécié  après cette nuit horrible.

Le lendemain, j'ai voulu revoir notre bateau ; la mer s'étant retirée il était entré dans la falaise et cet immense rocher, la coque défoncée.

Cette nuit là ; il y a eu trois bateaux qui ont fait côte, le Clanmalcour, un autre puis la Louise Yvonne.

Le lendemain se trouvait être un dimanche ; il y avait foule sur la falaise ; papa n'était pas là; nous sommes montées à bord par l'échel­le ; les journalistes désiraient monter, j'ai demandé aux marins de remonter l'échelle.

Nous étions dans notre chagrin.

Et pour la première fois de ma vie j'avais vu papa pleurer ; voyant

qu'ils ne pouvaient monter à bord ; ils sont venus par avion

photographier notre pauvrebateau et le lendemain dans les journaux

un article : "Two Women on the board "

J'avais fait l'achat d'un joli tailleur bleu marine, la cape étant retenue par des clips dorés ; tout était dans l'eau mélangée et de l'huile…

J'avais placé mon petit bracelet en or dans un tiroir du bureau et ainsi j'ai pu le récupérer. Toutes mes affaires étaient inutilisables ; ma cousine avait sauvé son parapluie !

Nous avions pris pension dans un petit restaurant de la côte, la femme du garde côte m'avait donné une longue jupe et un long manteau et portait un pull over à papa qui avait été sauvé du désastre.

Nous avions acheté des tennis shoes, car il fallait sauver le plus possible de choses. L'assurance d'un bateau est composée par différents pays qui tous avaient donné leur accord peur le délaissement du navire à l'exception des Anglais.

Ils voulaient envoyer ce bateau avec une coque déchirée à PLYMOUTH,

Or, cela aurait été notre ruine.

Tous les jours donc nous glissions sur ces terrains herbeux avec nos tennis shoes ; nous ramenions la série de pavillons que l'on mettait à tremper dans un baril d'eau douce.

Un jeune anglais envoyé par les assurances avait beaucoup d'admira­tion pour mon courage et cherchait motif pour bavarder avec moi ; or, comme les Anglais ne voulaient pas faire le délaissement je les avais pris en grippe !

Nous avons dû faire plusieurs trajets, la côte étant vallonnée ; il nous a fallu beaucoup de courage car avec nos tennis nous arrivions difficilement à monter sur le terrain.

Et toujours cet anglais voulant converser avec moi ! papa me dit « sois polie, il parle sept langues ! ». En aurait-il parlé dix mon attitude  eût été la même. Un jeune homme du village fort bien élevé sa mère désirait me recevoir à un thé ; poliment j'ai refusé. Puis, papa m'a donné une somme d'argent me disant d'aller à Dartmouth voir le Consul de France et de lui demander une avance d'argent. « No »  » ni six pence, ni a penny ; j'avais un fichu de caractère et il nous en a fallu.

Dans  un carton l'on a placé les choses que nous avions pu sauver et un gros

cordage entourait ce carton qui lui aussi sentait le mazout.

Nous avons dû prendre le train ; un voyageur qui nous avait en­tendu parler français nous a fait monter en première et nous a offert des journaux. A Exeter nous avons dû changer de train ; alors que nous marchions dans cette gare ma cousine a perdu un talon ; j'ai été trouvé le poinçonneur et lui ai demandé de taper avec son poinçon sur le talon. Il nous restait un shilling six pence en tout et pour tout après avoir pris les billets pour Southampton.                                                     

Nos beaux rêves se sont évanouis, nous devions aller à Ostende où papa faisait la révision de son moteur. Me voir dans ce falbala de vêtements me donnait mauvais caractère.

A Southampton je me suis placée dans le couloir ; un jeune homme était également penché à la vitre. Je lui ai demandé à quelle heure nous arrivions à Southampton Port et j’ai transmis sa réponse en français à ma cousine. « Vous êtes française ! Me permettez-vous de me joindre à vous ? » Nous avons accepté.

Nous avons pris le bateau et ce jeune homme a descendu notre carton où il a été mal reçu par la stewardess.

Nous sommes allés parler à l'arrière du bateau jusqu'à son départ. Il m'a demandé si j'avais de l'argent français ; je lui ai répondu que je n'avais pas un centime  mais que je me débrouillerais arrivée sur le sol français. Alors il m'a proposé mille francs ; j'ai accepté cinq cent francs et il m'a remis sa carte que j'ai placée dans la poche de cet horrible manteau.

Le lendemain matin, nous nous sommes rendus dans la salle à manger Je me verrais toujours attifée telle que je l'étais et ma cousine portant son parapluie !

Trois français se sont privés de déjeuner, ainsi que celui qui m'avait offert de 1'argent et nous avons eu grâce à eux un très bon breakfast.

Nous arrivons au Havre très tôt ; pas de passeport ; j'ai dit à ma cousine : « il faut y aller carrément ». Je leur ai expliqué que nous avions fait nau­frage sur les côtes anglaises. « Ah ! C’est vous les jeunes filles qui se trouvaient à bord ? » La radio en avait parlé et mon futur beau-père l'avait également entendu.  On nous a demandé où nous allions -         à PAIMPOL ! et il s'est mis à chanter « la Paimpolaise » : alors n'en pouvant plu j'ai longuement pleuré.

II nous restait plus d'argent après l'achat des billets. On nous a

fait monter en première jusqu'à ROUEN. A Rouen nous sommes allées

dans la salle d'attente où il n'y avait personne ; on s'est

allongées sur la banquette et l'on s'est  endormies. Il faut croire

que nous avons bien dormi : un employé nous ayant dit : "Vous

auriez tout de même mieux dormi dans une chambre d'hôtel" ! Et pour

cause !

La salle d'attente était comble. Maman nous attendait à la gare, et m'a dit avoir reçu de papa un télégramme lui annonçant le délaissement du navire. Ah ! Ces sacrés English ! Ils sont durs en affaire ! Quelques semaines plus tard  papa est  parti pour l'Angleterre le jeune homme de Southampton était là et tout de suite il a parlé de moi.

J'ai mis ma main dans la poche de mon manteau j'ai trouvé sa

carte : c’était le comte de..... je ne m’en souviens plus. En tout cas je me serais toujours tirer d'affaires ; avec de l'audace.... et avec de la langue on arrive à tout.

Papa avait fait l'achat d'un autre bateau, l’"ELVY" : Etienne, Louis Vincent, Yvonne. On dit que les voyages forment la jeunesse : il faut surtout avoir de l'assurance pour savoir faire face dans n'importe quel cas que l'on se trouve…

Le dimanche suivant notre retour  maman m'a conduite à la kermes­se dans la propriété de Mr de Sagazan ; j'étais une jeune fille aimable et souriante. Or, à un de mes sourires, j'ai reçu dans la bouche une poignée de confettis par les candidats.

Quinze jours plus tard suivait ma première demande en mariage par un Capitaine au long cours. Maman lui a répondu "ce n'est pas à dix sept ans que l 'on se marie".

J'ai eu une jeunesse merveilleuse avec mon petit cheval blanc "Rapide", la voiture vernie, les roues caoutchoutées et le grand fouet…Nous avions avec cet attelage beaucoup de succès. Une fois par semaine je prenais le train pour Pontrieux, ma maitresse de piano d'Angleterre s'y trouvait et prenait une heure de leçon, plus une heure de littérature. Un jour monte dans mon compartiment un homme de vingt cinq ans environ. Il se trouvait à contresens ; puis, petit à petit il s'avançait vers moi. A Frinandour, tout en me demandant comment s'appelait le château de la Roche-Jagu, il m'a prit la tête et voulait m'embrasser sur la bouche. En retour, je lui ai administré une bonne gifle ! Lorsque je suis arrivée à Pontrieux il s’est excusé de son geste.

Paimpol était une ville agréable, de plus avec l'Ecole de la Marine, il y avait le fameux bal des candidats, le bal de l'Administrateur, le bal de la Croix Rouge et des Officiers de s. Réserve. On n’avait que le souci de sa toilette, des chaussures et des gants !

J'adorais la musique, passionnément le tango et la valse. J'ai été trois fois quêteuse et une maman dont la fille n'avait jamais été choisie a dit à maman : "Vous devez aller voir Mr Niox Château pour que votre fille soit ainsi choisie ?! ». Ma colère fut telle, alors que je devais ouvrir le bal avec le Directeur de l'Ecole d'Hydrographie et les personnalités, que je suis arrivée après la quête.

Je me souviens fort bien de ma première robe de bal : c'était ma couturière qui me l'avait faite en taffetas rose à la taille. J'avais brodé une rose en lamé blanc. Pour le bal des Officiers de Réserve deux officiers avaient été désignés pour représenter leur régiment ; nous étions assises sur des chaises, les messieurs en costume foncé vous faisaient un salut et une invitation à danser J'ai donc été invitée à plusieurs danses par l'un de ces deux officiers. Une quinzaine de jours plus tard, Monsieur Marion, Maire de Paimpol, est venu me demander en mariage de la part de 1'of­ficier qui m'avait fait danser ; poliment j'ai refusé.

Lors de ces bals, j'invitais bon nombre d'amies à la maison ; c’était la joie dans l'attente d'aller se parer ; pas question de dîner ; je jouais au piano et tous les instruments de cuisine servaient d'orchestre. C'était des rires à n'en plus finir et la joie de porter une nouvelle robe. Je me souviendrai toujours du bal des candidats où j'avais été choisie Présidente. L'orchestre se trouvait à l'intérieur de l'avant de notre plus beau navire "L'ATLANTIQUE ".

Ce fut mon dernier bal car à la fin de l'année, j'épousais le Lieutenant de l'Armée Etienne MAHE : nous nous étions connus enfants à Saint-Nazaire. Je quittais donc Paimpol pour Cherbourg, ville que je n'ai jamais aimée. La vie de femme d'officier était agréable ; il y avait des réceptions chez l'Amiral. Un jour, mon mari me dit que nous étions invités à un thé chez un commandant. Bref, comme je devais offrir des gâteaux aux officiers debout, ne connaissant pas les grades, aux lieutenants je disais « Capitaine » et aux capitaines « Commandant » ! Mais ils avaient pour moi toujours un mot aimable et étaient flattés d'être nommés à un grade supérieur !

Un jour mon mari m'a demandé d'aller à la caserne visiter son bureau ; j'étais novice et j'ai accepté de monter sur le siège arrière de sa moto. Nous arrivons à la caserne, le planton de garde nous présentait les armées. Toute la caserne a été mise au courant et lorsque je suis sortie du bureau les petits soldats se trouvaient aux fenêtres. Fièrement, j'ai enjambé le siège et ai traversé la cour, à la sortie le garde nous a rendu les honneurs. Le lendemain, mon mari a été appelé chez le colonel. Lors d'un thé chez un capitaine sa pimbêche de femme me dit :

" Il parait que vous faites de la moto ?". Je lui ai répondu "Oui madame je fais de la moto, mais de la voiture également"  et je lui ai tourné le dos.


J'étais la seule femme du régiment à avoir sa voiture et

quelle voiture ! Une SAMSON !

Nous avons parcouru la côte du Cotentin mais elle n'a pas

d'égale avec notre côte bretonne. Nous avons vécu deux

années ensemble puis il y a eu cette période  d'attente qui a

duré fort longtemps ; alors que les Allemands massaient leurs 

troupes aux frontières, les armées françaises étaient cantonnées

dans les zones interdites. Mon mari se trouvait à Saint Quentin.

Après plusieurs mois, il me demande d'aller le rejoindre. J'ai

fait ma valise et suis partie pour Paris. Je me suis  fait

domiciliée dans un hôtel et au Commissariat j'ai fait ma demande

d'un laissez-passer pour la zone interdite ; ils m'ont répondu

qu'ils étaient tous refusés et en effet cela a été le cas. J'ai

repris ma valise et j'ai changé d'arrondissement, même procédé,

refusé.


J'ai repris ma valise, ma domiciliation et ma demande. Ils m'ont répondu "vous ne l'aurez pas. Demandez-la, après on verra ". ACCEPTEE. J'étais dans la joie, mais comment faire connaître à mon mari mon arrivée ? Je suis montée au 8e ou 9e aux postes de transmission sur la porte "Porte interdite au public" et mon télégramme est parti. En retour, j'ai reçu un télégramme  Rentre à Paimpol lettre suit". J'ai foutu en vrac toutes-mes affaires dans ma valise et ai repris la direction de Paimpol, par la lettre de mon mari qui avait été appelé chez le Colonel qui ne l'a pas épargné parce que j'avais porté comme adresse "Capitaine MAHE 8e Régiment d’infanterie ST QUENTIN". Comme si les Allemands ignoraient que le 8° RI se trouvait à ST QUENTIN. La colère du Colonel étant passée il demande à mon mari : "Mais comment votre femme s'y est-elle prise ? Moi cela fait des mois que j'attends la mienne !". Puis il y a eu cette affreuse guerre qui en quelques jours à conquis notre sol Puis ce fut l'Occupation pour nous et les camps pour les prisonniers ; l'oflag X B par erreur a été bombardé : 99 officiers ont été tués, dont mon mari. La guerre est une chose affreuse. Les Allemands sont arrivés à Paimpol et ont voulu visiter notre maison. Or nous avions dit à la grand-mère : "si tu vois les Allemands entrer mets un châle sur ta tête et tousse". Comme ils allaient vers les chambres, maman leur dit : "Je vous préviens que ma mère est malade" "Qu'elle maladie ? " - "Tuberculose". Aussitôt ils ont fait demi-tour et ont quitté les lieux et la pauvre grand-mère toussait toujours...

Dans la cuisine sur un mur une grande carte en tissu et nos petits drapeaux qui annonçaient par leur avancement les victoires des Alliés. La guerre a été longue et les restrictions très dures ; il fallait faire de nombreux kilomètres pour trouver parfois peu de choses. Papa avait planté dans les champs des choux et on faisait l'élevage de lapins ; ce qui m'a permis d'avoir une bicyclette. Je ne sortais guère beaucoup connaissant les ripostes de ma langue, peu de viande, mais du lapin à en avoir marre ! Un dimanche de Pentecôte alors que je devais tenir un stand pour la Croix Rouge, j'apprends la prise du Mont-Cassino. J'ai sorti ma plus belle robe de sa boite, robe en taffetas écossaise rouge, jaune et blanc, robe à bretelles, le corsage moulant ma poitrine et une belle blouse en organdi avec de larges manches qui arrivaient aux coudes. J'ai été dans le jardin ; j'ai cueilli des fleurs bleu, blanches et rouges ; j'en ai fait un magnifique bouquet ; je l'ai attaché à mon mât. J'avais dit à mon groupe de jeunes d'êtres sages. Trois officiers allemands arrivent à notre stand. Je prends mon bouquet, et le leur passe sous leurs yeux en leur disant : "les fleurs de la victoire". Ils sont partis, nos yeux se sont rencontrés, on aurait dit des mitraillettes. Monsieur Le Corre a fait ramasser les articles que l'on vendait et ramener la toile, puis la guerre suivait son cours avec ses drames, ses pertes de navires.

Durant la guerre j'ai été plusieurs fois à Saint-Nazaire voir mon

beau-père, qui était commandant de paquebot anti anglais, aussi il y

a eu entre nous pas mal de tiraillements.

Un dimanche il m'a conduite au sasse, une musique militaire jouait

avec frénésie leur marche triomphale. Que vois-je apparaître ? Un

petit sous-marin de poche.

Ces sous-marins qui ont été cause de tant de pertes de nos navires.

J'étais furieuse, furieuse après mon beau-père de m'avoir conduite

dans cet endroit et lui ai dit : " Je ne sais pas encore ce que je

vais faire mais je dois faire quelque chose ". Je me trouvais sur

le trottoir de la rue principale de Saint-Nazaire. Trois officiers

allemands venaient face à moi. J'ai hâté mon pas et suis allée me

butter à eux en leur disant : " Descendez ". Ils m'on fait place

libre, mon beau-père était fou. " Vous allez vous faire arrêter et

par la faute de qui ? " lui ai-je demandé. Mon beau-frère

partageait les propres idées de son père : la guerre finie, j'ai

appris par ma nièce Monique, qu’ ' il avait commandé le France.

Pauvre France, à qui tu donnes tes bons de tabac ? Mon dernier séjour à Saint-Nazaire s'est passé sous la mitraille. Dans les rues, assis sur les trottoirs, des Anglais et des Polonais : c'était le réembarquement pour l'Angleterre. Combien sont-ils arrivés à destination ? Mon beau-père de me dire "Ils sont beaux vos anglais ! ". Immédiatement j'ai fait ma valise. " Où vous allez ?" - "Ne vous en faites pas pour moi je me débrouillerais bien". Vannes était ville close, à mon arrivée elle était ouverte. J'ai fait le voyage par car ; mais je n'avais plus dans les oreilles les sarcasmes d'un vieux beau-père. Puis il y a eu le débarquement, la liaison avec les troupes du Général Leclerc et la marche vers la victoire.

Il y a eu beaucoup de morts dans les maquis et chez les résistants, la guerre a duré trop longtemps et les gens devenaient nerveux.

Un jour, les Allemands annoncent qu'il fallait que tous les pneus soient déposés pour quatre heures aux pieds des canons anti-marines qui tiraient 60 kilomètres en mer. Je ne voulais pas donner mes pneus à des Allemands ; j’ai attaché à ma bicyclette une petite remorque, un sac en toile et suis partie pour Lézardrieux au garage Landais. Pas de pneus ; je suis allée à Pleubian ; là j'ai trouvé des pneus avec des trous plus gros que mes poings. J'ai bien placé mes pneus dans ma remorque et mit par dessus le sac de pomme de terre et des genêts. Je n'avais pas déjeuné, pour trois heures un quart j'étais de retour. L'on a mis les pneus dans le tombereau tout crotté de Mr Bezouet et nous voilà partis pour les canons. Les officiers me faisaient le salut militaire et moi j'étais droite dans ce tombereau riant sous cape de la marchandise que j'allais leur livrer. Nous arrivons aux canons, pas un soldat et nous déposons les pneus. Huit jours plus tard, alors que nous étions dans le jardin, papa, maman, la femme de ménage qui enlevait des pissenlits de la pelouse, entrent six soldats allemands baïonnette au canon, qui se mettent en rang face à moi.

En appuyant sur chaque mot : " Vous nous avez donné des pneus avec lesquels on ne peut pas rouler". "Pardon messieurs, j'ai fait le voyage Cherbourg-Paimpol avec ces pneus ; ma voiture a quatre roues ; je vous ai donné quatre pneus". "Ce sont des pneus avec lesquels on ne peut pas rouler"-  "Peut-être", ai-je répondu, " mais je peux vous donner quelque chose". "Quoi ? "- " des emplâtres " (ce sont des mor­ceaux de caoutchouc que l'on place à l'endroit des trous). Voyant que je n'avais été impressionnée par leurs fusils à baïonnettes ils ont quitté le jardin une. Deux.une.deux. (mes "bons" pneus se trouvaient tout à côté sous le tas de bois du garage !)


Par un après midi d'été j'allais, avec mon groupe de jeunes, prendre un bain à Kerroch. Arrivent deux policiers de la route avec leur plaque cuivrée sur la poitrine ; nous n'avions pas de carte d'identité alors ; il a fallu prendre la direction de la gendarmerie. Ils étaient arrivés sur moi, 1'un à droite prenant ma roue entre leurs deux roues. Je suis tombée et mon genou saignait. J'étais furibonde et leurs ai cassé les oreilles en leur débitant tout ce que j’avais dans le cœur. Nous arrivons à la gendarmerie : l'un d'eux a demandé au gendarme où se trouvait ma demeure et ce lâche s'est déplacé, est allé à la grille, et a tendu son doigt vers ma maison. Huit jours plus tard un papier : "Insulte à l'Armée Allemande - huit jours d'emprisonnement ou trois cent francs d'amende " ! Je trouvais que ce n'était pas cher payé, pour tout ce que je leur avais débité… J'ai attendu la dernière minute pour payer ces trois cent francs.


Sept membres de ma famille combattant avec le Général de Gaulle, deux Anglais, qui depuis des mois attendaient leur départ, devaient partir le lendemain ; or ma tante Maria et moi leur avions donné des lettres.
La nuit nous n'avons pas pu dormir et sommes reparties, ma tante

en bicyclette et moi en vélo d'enfant ; nous avons ainsi fait dix

bons kilomètres  à trois heures du matin. Nous avons repris nos

lettres et ces pauvres Anglais ont été reconnus et arrêtés. Ils

avaient eu l'imprudence de se faire photographier avec les

Résistants et tous ont été arrêtés : Mr Clech, vétérinaire, à la

Roche-Derrien, les personnes qui les avaient hébergés et bien

d'autres. Vu la débandade à la fin de la guerre, papa nous avait

conseillé d'aller dans une ferme pas éloignée du Trieux. Tout à

coup, un soir, un bruit de tonnerre : à ma grande stupéfaction, un

tank américain vu que je parlais anglais ils m’ont embarquée et à Pen

Creach, du doigt, je leur ai signalé l'endroit approximatif des

canons.

Le lendemain j'ai mis une robe en jersey bleu marine et blanc ;

j'avais fait des badges avec des drapeaux français croisés aux

drapeaux anglais. Ils ont remarqué ma robe, " beautiful dress ", et

j'ai eu des tablettes de chocolat !


Alors que j'écris ce journal et j'ai le souvenir de notre arrière petit cousin Yves Jezequel et sa sœur qui par leurs actes héroïques ont été arrêtés et déportés. Que Lézardrieux ait une rue en souvenir de ces deux jeunes âgés de 20 ans et 18 ans.

A Saint-Nazaire la base sous-marine était imprenable. Or il s'est passé un acte héroïque. Un bateau chargé de mines, des Allemands à bord, et le commandant sachant que dans quelques minutes son navire devait sauter restait impassible - Cet exploit a permis que les portes du sasse ont été hors d'usage durant des mois.

Mon frère Louis m'a dit une autre version et doit me remettre le texte exact ; mais quand ?
Les Breiz Atao, pensant que quand les Allemands auraient gagné la

guerre la Bretagne serait devenue indépendante et qu’ils y auraient

eu des places de choix, avaient organisé à Tréguier une fête avec

des danses bretonnes. Toujours avec ma petite troupe nous avons

désiré assister à cette fête. Le premier rang de chaises était

réservé. Nous nous sommes placés à 1'écart ; les bretonnes

dansaient lorsquarrive un général avec une cape en satin rouge et

toute sa suite. Aussitôt nous avons levé le siège. Nous roulions

vers Lézardrieux lorsque j'ai entendu un bruit de voiture à

fanion ! A droite mes filles ! La voiture du général arrive, se met

à la marche de ma bicyclette, une vitre se baisse ; j'aperçois une

face grasse et rougeâtre avec des grosses dents et un sourire me

disant : "les petites bretonnes sont mignonnes" - " Oui vieux con ".

Fort heureusement il n'avait pas compris le mot car il est parti

d'un éclat de rire.

Enfin  ce fut la délivrance de notre sol ; mais que de morts… Après la victoire nous avons ressenti au cœur la liberté de paroles et d'action. Nous étions libres, libres...et petit à petit le pays s'est redressé, les tickets de pain et de viande supprimés. On tricotait avec la laine du pays. Heureux de notre liberté.



PRIER AVEC FERVEUR ET ETRE EXAUCEE EST-CE POSSIBLE ?

Un petit soldat Paimpolais Fercoq qui avait été dans le camp de mon mari avait été rapatrié pour sclérose en plaque. De temps en temps j'allais le voir. Apprenant que je devais me rendre au Havre voir mon père quelques jours plus tard, je reçois la visite de Mr de Sagazan, maire de Paimpol, ayant appris par Mr Fercoq que je devais me rendre au Havre et il m'a demandé si je voulais bien me charger de Mr Fercoq et de le conduire au Val de Grâce pour y être traité. Le jour convenu, j'ai pris le train du matin pour lui prendre son billet de route, et vu que je l'accompagnais j'ai eu également droit au billet d'accompagnement. Mr Fercoq devait arriver par le train de midi. A la gare : le colonel Luron, le capitaine Saillour, pas de Fercoq ! Donc il ne devait arriver que par le train du soir. Il avait mal posé son pied et lorsque le train est parti il a glissé sur la chaussée. J'ai été déjeuner ; ensuite je me suis demandée ce que j'allais pouvoir faire durant cette longue après-midi. Je suis entrée dans la chapelle saint Guillaume où j'ai prié avec beaucoup de ferveur ; je n'avais pas d'enfant ; je voulais refaire un foyer avec un homme qui aurait beaucoup souffert et non un pantouflard. Idée subite : aller à la maison des Sœurs du St Esprit et revoir ma bonne mère Ildefonse d'Angleterre. J'ai été reçue par elle ; il y avait cinq ans qu'elle ne m'avait pas vue. " Qu'est-ce qui vous amène Yvonne ? " - " Je dois aller à Paris avec un soldat que je dois faire entrer à l'hôpital du Val de Grâce «. Elle me répond nous avons ici un bon docteur qui a perdu sa femme et son enfant de sept ans en déportation. Il travaille dans le service du Professeur David au Val de Grâce. Si vous avez des ennuis adressez-vous à lui, il s’appelle le docteur FEKETE. Nous avons voyagé la nuit au mois de décembre. A notre arrivée à Paris mon petit soldat ne pouvait pas marcher ; j'ai demandé aux Saint-Cyriens de le mettre sur un chariot et de le conduire au buffet. Nous avons déjeuné et j'ai été chercher un taxi. En route pour le Val de Grâce. A notre arrivée on lui a demandé ses papiers. " Vous n'avez pas droit au Val de Grâce, il fait partie de l'article 84"; "je m'excuse Madame mais Mr Fercoq est traité par le Professeur David alors vous pouvez entrer". Nous avons dû parcourir ce long jardin, lui avec ses cannes allant de droite à gauche. Enfin  nous sommes arrivés au service du Professeur David. Dans la salle d'attente une table sur laquelle je me suis allongée et endormie. J'ai été réveillée par le Docteur FEKETE, lui ai transmis le bon souvenir de Mère Ildefonse et il s'est excusé car il devait se rendre à l'hôpital Américain de Neuilly.

Le Professeur David est arrivé vers les neuf heures. Nous sommes entrés dans son bureau. "Est-ce votre mari Madame ?" - " Non professeur, j'ai donné mon mari à la France". Ma réponse lui a t'elle plu? Il m'a répondu : " Je veux bien prendre dans mon service Mr Fercoq mais à condition que le Médecin Chef donne son accord ". Deux points de gagné ; j’ai dû refaire à contre sens ce grand jardin et suis arrivée dans le bâtiment du Colonel Chef de l'Hôpital du Val de Grâce. Un large escalier m'a conduite à un très grand palier. L'officier d'ordonnance vient vers moi et me demande le motif de ma visite. "Affaire personnelle, Capitaine ; veuillez je vous prie m'introduire".


Je suis entrée dans une grande pièce, un bureau, un colonel long et sec ; de la main il m'a fait le geste de m'assoir.

K

Timidement je lui dis : " Colonel, je suis envoyée par le Maire de Paimpol, Mr De Sagazan, pour qu'un soldat atteint de sclérose en plaque mais faisant partie de 1'article 84 afin qu'il soit admis dans votre hôpital ".

En colère : " voyez-vous chaque femme de France arrivant chacune avec un soldat ? Où les mettrai-je ? Mon hôpital est plein ! " - " Colonel, je ne vous demande pas d'intervenir pour les autres, mais pour mon soldat qui est admis dans le service du Professeur David ". Et tapant sur la table : "Comment mon autorisation. "Je ne le sais ". Et, debout, il a signé la feuille et me l'a donnée d'un geste peu élégant.

Mes nerfs étaient à bout ; et derrière ce grand bâtiment de briques rouges j'ai été pleurer, pleurer…

J'ai refait le jardin pour aller chercher mon soldat qui avait droit à son bon de soupe. C'est l'adjudant qui a été le plus dur : "mais il n'a pas droit, il fait partie de l'article 84". Mes nerfs étaient à bout ; et derrière ce grand bâtiment de briques rouges j'ai été pleurer, pleurer.

J'ai refait le jardin pour aller chercher mon soldat qui avait droit à son bon de soupe. C'est l'adjudant qui a été le plus dur : "mais il n'a pas droit il fait partie de l'article 84". " Je ne vous demande pas s’il fait partie de l'article 84, 64 ou 44, je vous demande de le signer".

Ah ! Ce  84, je l'avais sans cesse dans les oreilles.

J'ai quitté le Val de Grâce à 16 h 30, je suis sortie par la petite porte, en face : un pilier de soutènement ; pourquoi ne suis-je pas passée à droite ?  Non, et, à ma gauche, je me suis buttée au docteur FEKETE. Avec son amabilité il m'a demandé si je connaissais une bouche de métro. " Oh ! Non, à Paris je suis perdue " - "Je vais vous y conduire ". Et, tout en marchant : " je dois recevoir jeudi aux armes de la ville Mr et Mme Le Bec chef de la Résistance de la région de Rostrenen. Voulez-vous vous joindre à nous ? " -  J'ai accepté avec grand plaisir et le jeudi nous avons longuement parlé du pays et des connaissances. Le docteur Fekete m'a reconduite et m'a re­nouvelé l'invitation pour le lendemain. La glace était rompue, le repas bon et copieux avec un bon vin Nuit St Georges.

Deux semaines plus tard, je le présentai à ma belle-sœur Annie, Mr Tranchant se mourait. Le 24 décembre coup de sonnette : c'était papa ; je lui ai présenté Albert et avons assisté et communié à la messe de minuit. Le lendemain papa nous a invités au restaurant, puis il est parti pour le Havre. Quelques jours plus tard j'ai été le rejoindre et ai passé plusieurs jours au Havre. J'avais reçu deux lettres du docteur Fekete. A mon retour à Paris, à mon arrivée à la gare il m'attendait avec une gerbe de fleurs.

J'avais sûrement prié, j'ai été entendu car je ne pouvais trouver un homme qui avait autant souffert que le docteur Fekete. C'était un homme charitable à l'égard d'autrui et surtout humain. Nous avons été très heureux n'ayant jamais eu entre nous le moindre mot qui blesse.

C'était un homme très sensible et dévoué et je crois qu'une vie après un tel départ ne peut se prendre dans la joie.

Durant la guerre, il avait hébergé des gens pourchassés par la gestapo, hébergé des Anglais ; il occupait la maison du Chanoine mais il a fait de faux certificats pour les S.T.O. et, dénoncé par un confrère, ils ont été déportés. Lui seul est rentré. Ayant fait à l'âge de 45 ans un infarctus on lui avait conseillé d'aller se reposer dans le midi durant deux mois. Nous sommes restés en panne à Auxerre. "C'est dans cette ville" me dit mon mari "que vit celui qui m’a dénoncé". Au moteur, échange standard, le lendemain j'ai été aux renseignements ; je me suis adressée à un homme qui m’a dit : "Comment vous ne le savez pas ?" Sa femme s'est suicidée et le Dr s'est tiré un coup de fusil de chasse dans la tête". Ma réponse : "celui qui chasse bien mérite bien". Il a du me prendre pour une insensée…

Le séjour à Nice s'est bien passé et nous avions pris goût pour cette ville : en retraite nous passions six mois de l'année à Saint-Quay Portrieux où nous avions notre propriété "Le Corsaire"  et les six mois d'hiver à Nice.


Les enfants, c'est à dire, Loïzic, Yvic et Maryvonne, ont passé

avec leur petite bande des joies intenses : leurs amis étaient les

petits-fils du Dr VENDEL, laboratoire. Ainsi, ils avaient le

tennis, bateau, piscine et bain ; j'avais une jeune fille qui

s'occupait uniquement d'eux. La rue des Pommiers n'existait pas

en ce temps là : c'était un sentier, ainsi ils se don­naient de

toutes leurs forces aux jeux de leur bicyclette. Loïzic est une fois

passée par-dessus le capot d'une voiture ; Yvic ayant sauté de la

première marche de l'escalier qui descend dans la cave a heurté la

margelle de granit et on a dû aller lui coudre le cuir chevelu

à la clinique Saint Louis ; Maryvonne en jouant dans le parc du Dr

Wendel a eu une grosse branche à l'angle de l'œil…

L'été je tricotais les tricots pour l'été suivant et ils ont toujours porté des tricots semblables. Les amis petit à petit ont déserté Saint-Quay. Il y a eu deux ans j'ai reçu de Mr Vendel un faire-part de deuil ; c'était le décès du père d'Olivier qui, d'après elle, était le meilleur de ses fils ; ainsi va la vie qui est faite de joies et de tristesses...

Le cours de la guerre avait été interrompue la correspondance entre mon mari et son frère qui vit en Roumanie ; puis un après-midi arrive un télégramme : "Suis à Paris t'attend". Ce télégramme est arrivé en période de vacances et nous nous trouvions à Saint-Quay ; le soir mon mari nous a embarqués dans sa voiture partant le lendemain pour Paris ; les trois enfants portaient des tricots rayés bleu et blanc sur ces rayures des petits bateaux rouges qui partaient de gauche à droite jusqu'à l'épaule. Jugez de la grande joie de deux frères qui se rencontrent après des années de séparation. Mon mari demande à son frère : “mais comment as-tu appris mon adresse ? “- “ Un jour j'ai été appelé à la police, ils m'ont demandé : « vous avez un frère qui vit en France, pour quelle raison a t-il quitté la Roumanie ? » -  Je ne l'ai jamais su a répondu mon beau-frère ; ils ont sorti un dossier nous concernant et c'est ainsi que Georges a appris que nous vivions à Saint-Brieuc et que nous avions deux voitures. Ayant obtenu son visa pour Paris, les jours étaient comptés et sont passés dans la joie et d'avoir fait la connaissance de Loïzic, d'Yvic et de Maryvonne avec sa queue de cheval qui a fait beaucoup rire oncle Georges.

Après la guerre de 1914-1918, il y a eu la séparation de la Hongrie avec la Roumanie ; comme mon mari était Hongrois par le cœur il n'aimait pas les Roumains ; il est parti pour l'Italie avec un ami, a fait une année d'étude et ensuite ils ont fait leur médecine à Paris : Tonton Georges a repris le train pour sa Transylvanie et nous sommes rentrés à Saint-Brieuc où nous avons trouvé nos bons amis Laguitton, Guelorget, Mazeau et Marthe et Georges Mayet avec lesquels toutes les semaines nous jouions à la canasta.

Mon mari, après son infarctus, vu qu'il avait une forte clientèle, est à sept heures à la salle d'opération ; j'ai rompu totalement avec le corps médical et j'ai mis les deux aînés en pension.

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Tous les ans nous faisions un voyage et avons acheté une caravane. Pour ne pas fatiguer mon mari je prenais le volant St-Brieuc- Strasbourg - Munich, Vienne est une très belle ville ; nous avons assisté à une soirée à l'opéra, visité le château Schönbrunn, le petit lit du roi de Rome. Nous sommes allés à Mayerling : la pièce où a été tué le prince Rodolphe est une chapelle ; puis nous avons fait les guinguettes viennoises et avons mit le cap sur Budapest. A la frontière, j'ai voulu photographier les levées de la barrière : interdiction ! tout a été visité, les coussins piqués par de longues aiguilles ; dehors les miradors et des petits bâtons au bout desquels flottaient des petits drapeaux et ces écriteaux « Minen » ! Ils allaient jusqu'à perte de vue. A la première borne d'essence tout le pays désirait visiter la caravane :  j'ai compris me dit mon mari je n'ouvrirais plus la bouche. Le soir, nous nous sommes arrêtés au bord du Danube ; le lendemain mon mari s'aperçoit qu'il manquait un feu rouge. Nous déjeunions avec la baie ouverte, arrive le Directeur d'une école qui se trouvait à proximité et il s'est exprimé en allemand ; mon mari lui a répondu : ne vous donnez pas cette peine je parle hongrois. C'était un élève qui avait pris le feu rouge ; l'enfant est arrivé avec son professeur et l'a obligé à se mettre à genoux et à nous demander pardon. Je l'ai relevé et lui ai dit que les miens auraient pu agir de même ; puis ce fut la visite du curé, d'une femme professeur ne parlant que de la mode de Paris. Bref, nous sommes arrivés avec deux heures de retard à Budapest, avec son grand pont sur le Danube et son Parlement sont vraiment imposants. Nous nous sommes placés près de 1 ' ambassade de France et à coté de la place des héros Albert avait un cousin docteur à Budapest : avec sa femme Sissi je parlais en anglais. Le lendemain de notre arrivée  j'ai préparé un repas et laissé la baie ouverte, vu le nombre de personnes me disant comme vous avez de la chance de traverser ainsi les frontières ; j'ai dû fermer la baie je devais préparer une mayonnaise puis le repas. Nous avions des bons vins de différents crus. Ils ont apprécié mon repas ; ensuite nous sommes allés chez le cousin Miselos qui a tiré un grand tiroir dans lequel il y avait des jeunes femmes en robes longues et courtes avec des coiffures différentes puis MIKOS s'est excusé ensuite : Georges, n'étant pas habitué à boire du bon vin, ils ont été assommés et la sieste parut longue…

le lendemain nous sommes allé déjeuner dans l'île Marguerite
où se trouve un magnifique restaurant avec ses pylônes de marbre. Georges me disait en entrant : Vonnick, parlez fort, faites vous entendre et je parlais en riant avec Sissi qui ne comprenait pas un seul mot ; mais j'avais été entendue, on nous a placé près d'un orchestre tzigane qui me jouait leurs douces mélodies. Un déjeuner très bien servi avec un service impeccable. La conversation allait bon train et nous avons passé d'agréables moments ; ensuite nous sommes allés au jardin où une immense étoile rouge entièrement faite de petites marguerites rouges ; de magnifique nénuphars étalaient sur 1'eau leurs fleurs de différents tons. Le lendemain, dimanche, j'avais acheté un tailleur Desarbe en jersey beige, la veste garnie d'un ton plus foncé. Dans cette magnifique cathédrale de Budapest, une petite fille qui se trouvait devant nous me regardait sans cesse ; nous avons communié, à la fin de la messe les orgues ont entonné l'hymne hongrois. A l'entendre j'ai pleuré : l'hymne hongrois est une prière. La ville était un véritable tas de ruine : partout des rideaux de fer rouillés; pas de vitrine peinte, nul n'est propriétaire de son magasin et vivait dans deux pièces. Le peuple hongrois est courageux ; ils ont fait leur révolution, ont donné à la patrie beaucoup de jeunes, mais à présent ils sont moins dans la misère. La photo de notre petite diligence a paru dans différents journaux. Le lendemain, nous sommes allés dans une grande pièce où se restauraient les hongrois ; bien vite ils ont été mis au courant qu'il y avait une petite française dans les lieux. Alors l'orchestre a entonné « Mademoiselle de Paris » et tous les gens présents chan­taient un air ; puis « parlez-moi d'amour », et des chansons de Rina Ketty. C'était vraiment la fête et d'entendre ces airs, ces paroles chantées en français, m'a mit du baume au cœur. Le lendemain, nous sommes allés dans une pâtisserie Hongroise qui portait un nom français et avons mangé de délicieux gâteaux. Nous avons été invités à un dîner chez un directeur d'usine ; le frère de sa femme était le meilleur ami de mon mari. Très belle maison ; salon avec   apéritif, petits gâteaux, leur petite fille est arrivée portant un petit drapeau rouge ; son papa lui a fait comprendre de partir. Le repas a été servi par une employée portant toque et tablier blanc. Je n'ai pu comprendre la conversation et ils ont parlé de beaucoup de cas. Pour la guerre, le directeur de l'usine a dit à mon mari « nous gagnerons parce que nous placerons des hommes à nous ». En tout cas Dieu merci ce n'est pas le cas pour la France. Il nous a remis des billets pour l'opéra, car ce sont les ouvriers qui d'abord reçoivent les tickets, ceux qui ne sont pas vendus sont pour le peuple. Nous avons donc assisté à une pièce de théâtre où je me suis beaucoup ennuyée. Hélas les jours passaient ; je ne connaissais pas ma belle-sœur et il fallait songer au retour. Le lendemain notre dernière visite a été pour le bastion des pêcheurs. Car Buda se trouve sur la rive droite et Pest sur la rive gauche. J'ai dit à Albert d'aller se promener car il fallait que cette photo soit bien prise. J'ai été fière des résultats, la photo étant très bien réussie. Puis ce fut le départ... Ce voyage est le plus merveilleux que nous ayons fait et restera gravé dans mon cœur ; et l'on s'est quitté avec des larmes dans les yeux.

Le soir, nous nous sommes arrêtés à Salzbourg sur la place Mozart au pied de la statue. Nous dormions, lorsque nous avons été réveillés par des étudiants qui, en faisant un monôme autour de nous, chantaient "Bonsoir Monsieur, Bonsoir Madame, Bonsoir «  et de reprendre... J'ai trouvé ce geste touchant et aurait désiré les remercier ; mais nous étions très fatigués. La caravane vu que nous étions les prometteurs on pouvait l'arrêter où l'on voulait. On roulait le jour, on ouvrait la porte et nous nous trouvions aussitôt chez nous ; cela ne nous empêchait pas d'aller au restaurant. Nous partions toujours de très bonne heure, le soir nous étions à Stuttgart où nous avons trouvé une large étendue de terre avec bordure de trottoir et ai plage mon plat pour l'écoulement des eaux, car nous ne laissions jamais derrière nous le moindre papier ou eau. Mon mari s'est couché, j'ai retiré ma robe et j'ai commencé la cuisine ; au bout d'une demi-heure des coups de poings à la porte et n'avons compris que le mot "police" ; mon mari s'est levé et a discuté avec un gars ; nous n'avons compris qu'une chose : il désirait que nous quittions les lieux ; mon mari s'est recouché. Au bout d'une demi-heure il me dit " Tu vois j'ai bien fait de ne pas partir ". Je lui ai répondu " je ne suis pas aussi sûre que toi " .Une demie heure plus tard 1'on frappe avec fracas. J'ouvre la porte et me trouve devant une personne, une mégère, les cheveux éparpillés ; je suis descendue, elle a pris le bas de ma combinaison et a appelé un chien loup ; je sentais déjà le vinaigre. En plus, ils étaient allé chercher une dizaine de personnes et faisaient le demi-cercle. Cette femme, au ton de sa voix j'ai deviné qu'elle m'insultait. Je suis allée vers un monsieur portant costume gris et petite barbiche. Je lui ai dit "je ne sais pas monsieur si vous parlez le français, en tout cas chez nous je lui donnerai tort vu la sérénade, j'ai dit " je dirais en France l'accueil que j'ai eu chez vous ". Elle est partie d'un éclat de rire hystérique : "Francia" ! Je n'ai fait ni une ni deux, je suis allée a elle et lui dis "oui Francia" et je lui ai administré une bonne gifle. Personne n'a bougé. J'ai pris mon plat et le peu d'eau qui s'y trouvait et je le leur ai jeté. Nous sommes montés dans la voiture et étions complètement perdus. Nous faisions toujours la même route lorsque face à nous un entourage de fils de fer et de poteaux avec des lumières. Dans la nuit noire ces lumières à perte de vue étaient agréables à voir. Nous arrivions dans un camp américain. J'ai demandé au garde, un capitaine : " vous êtes arrivés en France" il m'a dit, "ici, vous n'avez rien à craindre, on va-vous mettre avec les familles ".

Le lendemain matin lever à six heures ; nous roulions depuis une demi-heure lorsque nous sommes butés à un convoi américain. Impossible de doubler ; Albert me dit "prend la première à gauche, borne "Sainte-Mère les Deux Eglises. Nous avons été surpris car jamais nous n'avions situé sur la carte ce pays. Dès notre arrivée nous sommes allés prier sur la tombe de marbre blanc et sommes entrés dans l'église. Nous avons pris deux chaises au milieu de 1'église, une plaque "Madame De Gaulle" et sur celle de son mari "Général De Gaulle". Nous sommes allés jusqu'à leur propriété : deux soldats y montaient la garde. Ce fut le dernier souvenir de notre voyage. Maman et les enfants se trouvaient sur le seuil de la porte attendant notre arrivée. Puis dans 1'attente des vacances de 1'été suivant, nous avons repris nos bonnes parties de Canasta. Le vendredi suivant, Albert m'appelle à dix huit heures pour me dire que nous allions avoir à dîner le père Riquet. Or j'avais acheté des crêpes pour le repas du soir, les poissonneries étaient fermées ; j'ai téléphoné de chez moi et enfin  j'ai réussi à avoir un poisson lequel je ne m’en souviens plus. De plus, il fallait des entrées, et un assortiment de fromages : j'avais ma brave Germaine qui préparait fort bien la cuisine, un service impeccable et toujours en jupe noire et blouse blanche, plus le tablier blanc. Préparer un repas un vendredi cela devient de la complication. En plus, nous avions invité  un déporté pour se joindre à nous. Nous avons sorti une belle nappe et nos plus belles assiettes et nos verres Baccara. Il fallait faire honneur au Père Riquet : de savoir qu'il avait prêché à Notre Dame me donnait de la timidité. Albert est allé le chercher à la gare et à vingt heures toutes les lumières du salon étaient allumées. Pour l'apéritif, j'étais un peu énervée et, voulant allumer une lampe, j'ai renversé mon vase de Saxe et un petit ange a cassé son aile. L'éclairage dans la salle à manger était éclairé par des bougies plus le lustre, je trouve que 1'éclairage est plus intime et j’avais décoré la table avec mes petits soldats en porcelaine, des soldats Empire que je plaçais sur du coton. Nous avons longuement bavardé ; je n'étais plus timide et nous sommes passés au salon pour le café. Le lendemain matin Albert est parti pour la clinique, le Père Riquet a pris son bain ; ensuite nous avons déjeuné ensemble ; nous avons parlé de ses voyages sur les pas de St Paul puis la conversation a dévié sur les Allemands et le Père Riquet me prêchant de pardonner.

II m'a quitté vers les neuf heures. Nous devions nous retrouver

au pèlerinage à Auschwitz.


Je ne parlerai pas du pèlerinage d’Auschwitz qui a été d’une grandeur émouvante : il n’y a pas de mots pouvant évoquer ce que chacun a ressenti à cette grandiose cérémonie. Par respect pour tous ceux qui ont souffert et qui sont morts, comme témoignage à leur égard, je conserve le silence…

J’ajouterai que les Français à leur arrivée sur le sol de Pologne n’ont été reçus par aucune délégation présente pour les accueillir et dans les camps de déportés ont eu une conduite déplorable à l’égard des Français déportés…



" En mémoire de ma délicieuse petite belle-sœur Annie qui était pleine d'humour et de poésie me disant "vonnick, tu devrais écrire le journal de ta vie".
Je ne dédie pas ce journal au docteur FEKETE, frère de mon mari, ni a ma belle-sœur Marianne, alors qu'ils vivent derrière un rideau de fer, où toute lecture est lue, ce journal ne leur parviendrait pas, qu'on ait la "joie de se retrouver tous réunis à L'ERE du Temps" à AIX-EN-PROVENCE.
Je dédie ce journal à ma petite Loïzic qui est pleine de tendresse, qui toujours au long de ma vie m'a apporté la joie et dans les jours sombres l’espérance, à mon gendre si courageux dans son travail ; garçon merveilleux ne connaissant qu'une chose : faire joie et plaisir à son entourage. C'est le pilier.
Je dédie ce journal à ma petite Maryvonne au cœur sensible qui me soutient toujours par ses nombreux coups de fil.
Je dédie ce journal à mon fils Yvic qui a connu les affres de la vie, les a bravés et retrouvé par son courage la force de lutter pour son travail.
Je dédie ce journal à mon frère Louis et à ma belle-sœur Vonvon, qui me viennent en aide lors de mes besoins et leurs paroles de réconfort.
Je dédie ce journal à ma tante Maria de Bégard pour toutes ses gentillesses lorsque j'étais jeune fille et pour nos souvenirs du temps de l'Occupation...
Je dédie ce journal à ma petite camarade de classe ayant toujours
été unie dans la joie et dans les peines Annaïk Salaun.
L'enfant grandit au berceau, en prenant de l'âge, il s'éveille à
son entourage, tout est découverte pour lui. Ensuite avec les
années, il découvre les études de classe et s’il plaît à Dieu le
don de la musique.

Il prend part à la conversation des parents et aime approfondir certains mots ne faisant pas partie de son vocabulaire.
Il y a malgré tout, un point d'ombre que l'on n'éclaircit pas, même avec les années qui passent…
C'est pourquoi j'écris ce journal pour que mes enfants et mon petit- fils apprennent par ces lignes non une page d'histoire, mais le temps passé qui figure au palmarès de la prime enfance et de l'adolescence ignorés d'eux.
J'ai éprouvé d'immenses joies au contact de la nature et l'ai transmiseà mes enfants : la cueillette de fleurs dans la blondeur des champs de blé et des aubépines en fleur ; à toi mon petit Yoan de prendre goût à tout ce qui naît, se développe et mûrit avec le temps.
Aller dans le vent, humer son bon air, vivre à sa façon mais dans le bon sens et tu feras la joie de tes parents.
Eprouvele plaisir quand tu auras 1 ' âge de comprendre la lectureet que ce journal des « souvenirs du temps passé » fasse partie de tes rayonnages de lecture.
Je sais que ce journal sera mêlé de joies et de pleurs, puisque la vie est ainsi faite. Ma petite Annie, en pensant à toi, je tiens la parole donnée.







L'enfant grandit au berceau, en prenant de l'âge, il s'éveille à son entourage, tout est découverte pour lui. Ensuite avec les années, il découvre les études de classe et s’il plaît à Dieu le don de la musique.

Il prend part à la conversation des parents et aime approfondir certains mots ne faisant pas partie de son vocabulaire
Il y a malgré tout, un point d'ombre que l'on n'éclaircit pas, même

avec les années qui passent…

C'est pourquoi j'écris ce journal pour que mes enfants et mon petit- fils apprennent par ces lignes non une page d'histoire, mais le temps passé qui figure au palmarès de la prime enfance et de l'adolescence ignorés d'eux.

J'aiéprouvé d'immenses joies au contact de la nature et l'ai transmiseà mes enfants : la cueillette de fleurs dans la blondeur des champs de blé et des aubépines en fleur ; à toi mon petit Yoan de prendre goût à tout ce qui naît, se développe et mûrit avec le temps.

Aller dans le vent, humer son bon air, vivre à sa façon mais dans le bon sens et tu feras la joie de tes parents.

Eprouve le plaisir quand tu auras 1 ' âge de comprendre la lectureet que ce journal des « souvenirs du temps passé » fasse partie de tes rayonnages de lecture.

Je sais que ce journal sera mêlé de joies et de pleurs, puisque la vie est ainsi faite. Ma petite Annie, en pensant à toi, je tiens la parole donnée.



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