Voici le mémoire que je viens de retrouver écrit par ma tante Yvonne FEKETE née GOELO (en 1912) , cousine germaine de ma mère puisque la mère d'Yvonne, Louise Mudès, était la soeur de mon grand-père Fernand Mudès, et dont je voudrais faire perdurer les souvenirs, ses " souvenirs du temps passé " ...
à Paimpol en 1987 ma tante terminait d'écrire ce qui suit :
MON ENFANCE
Je suis née dans un petit village appelé "KERGICQUEL" qui veut
dire "Beau Château".
Le
23 janvier 1912 à trois heures de 1'après midi je suis venue en ce monde, le médecin étant passé le matin et ayant dit à maman qu'il n'y aurait pas de
naissance avant le soir. Ce sont les lavandières d'un "douet" (lavoir) qui ont assisté à cet événement et coupé le cordon ombilical. Par maman j'ai appris plus tard que j'étais un beau bébé et dans ces lieux purs de ce coin de
Kergicquel j'ai fait mes premiers pas.
Derrière notre maison s'étendait une grande étendue de terre sur laquelle je
pouvais me débattre.
Cette terre, lors de la saison des blés se couvrait de la blondeur des épis que j'avais plaisir à mâchonner et ressens encore le lait qui
en sortait ; puis il y avait aussi 1'odeur des foins, tant d'arômes qui pour moi l'ai appris en
grandissant était l'époque des saisons. Papa était lieutenant au Long Cours, quand
maman partait le rejoindre elle me confiait à ma tante Marianne ; au retour de maman, vu mes refus
d'aller dans les bras d'une étrangère, car un enfant de cet âge oublie vite, puis un jour j'ai tendu
mes petits bras vers elle et par la suite n'ai pas voulu la quitter ; rien ne
vaut la tendresse maternelle. Hélas ! Un après-midi nous nous trouvions sur la
route, je tenais la robe de maman. Comment une petite fille de deux années et demie puisse-t-elle se souvenir
de voir sa maman en larmes ; les
personnes avec lesquelles elle discutait pleuraient ; pourquoi ces larmes ? Avec 1'accompagnement de grosses
cloches, tintant lentement des notes de tristesse. Plus tard, en grandissant
j'ai appris que les cloches avaient sonné le tocsin et par ces notes lugubres
annonçaient la
déclaration
de guerre à
1'Allemagne
Comment peut-on à peine éveillée à la vie avoir conservé ce triste souvenir ? Des années qui suivirent à ce jour de tristesse je n'ai conservé le moindre souvenir.
Papa
naviguait entre l'Angleterre et Saint-Nazaire. L'enfant grandit et dans son
petit cœur fort heureusement les moments cruels ne restent pas marqués ; restent les belles journées et
les bons souvenirs de Saint-Nazaire qui par
son long Boulevard et surtout le Jardin des Plantes avec ses palmiers sont restés les meilleurs souvenirs de ma prime
jeunesse ; je me vois encore dans ma
robe blanche, car Dieu m'avait donné un petit frère surnommé Louis et étais de dix-huit mois son aînée. Je
le vois encore avec un costume marin en jersey,
ses longs cheveux noirs descendaient de ce bonnet en jersey prune. Dans ce
jardin, maman toujours élégante portait de belles bottines à gros boutons, une robe très
serrée sur la poitrine et un grand chapeau avec, à la main, une ombrelle. Nous avions plaisir à courir dans ce jardin
avec notre cerceau, nous allions également courir sur le sable et faire des pâtés. Nous allions nous baigner à
Saint-Nazaire-les-Pins, petite plage qui se
trouve proche de Saint-Nazaire. Maman et moi portions des maillots de
bain en costume marin ; papa était affreux dans son maillot
de bain tout rayé; mon frère Louis également portait un costume rayé bleu et blanc.
Notre grand plaisir était de nous rendre à un petit bassin où mon frère Louis faisait naviguer son bateau.
Un jour, s'étant
trop penché,
il est tombé dans le bassin.
Le meilleur souvenir que
je garde de ces tristes années de guerre :
le dimanche maman nous amenait au théâtre.
Nous nous trouvions toujours dans les premiers rangs et j'ai été très marquée par ces danseurs qui
dansaient ayant dans le bas de leur pantalon des dentelles. "Ding Ding
Ding, dong, sonne sonne joyeux carillon !!! C'est surtout l'histoire du Petit Poucet avec son bonnet pointu qui avait pour moi
un mystère. Dans la forêt pour ne pas perdre son chemin, il semait au long de sa
route des petits cailloux.
Oh ! Combien j'ai aimé ce Petit Poucet qui était devenu tendre à
mon cœur.
Le meilleur souvenir que j'ai gardé de mon habillement, une cordelette
suspendue à mon cou
et un amour de petit manchon en fourrure blanche dans lequel j'avais plaisir à enfouir mes petites mains. Sur ce
manchon, trois petites têtes en fourrure dont je garderai toujours le souvenir de
leurs petits museaux tout noirs vernis
que j'aimais à caresser.
Combien à cet âge, peut-on être heureux avec si peu de choses ; un
cerf-volant qui planait dans les
airs,
à notre
grand chagrin allait s'écraser, soit sur le sable ou la verdure.
On avait aussi plaisir à jouer aux cannettes contre le mur
qui bordait
la mer dans laquelle on aimait, lorsqu'elle se retirait, aller
chercher des petits crabes verts que l'on mettait dans un petit seau.
Que c'est doux au cœur d'avoir un frère comme compagnon de jeux !
la mer dans laquelle on aimait, lorsqu'elle se retirait, aller
chercher des petits crabes verts que l'on mettait dans un petit seau.
Que c'est doux au cœur d'avoir un frère comme compagnon de jeux !
Je me rappelle du grand portail que nous franchissions
pour
entrer dans une cour pavée ; des fils de fer traversaient cette
cour ; ils servaient pour mettre le linge à sécher ; puis nous montions dans notre
appartement. Une image de
la Vierge sur un panneau du mur, mon frère Louis est monté pour embrasser la Vierge. Quelques
instants après, s'étant trop penché à la fenêtre il est tombé ! Fort heureusement les fils de fer du
séchage
ont amorti sa chute ; ce n'est qu'avec quelques égratignures que nous avons pu aller
voir Papa qui était passé Commandant. Nous apercevions ce bateau qui avançait pour gagner le port et maman était très fière lorsque papa du haut de
la passerelle retirait sa casquette lui faisant l'honneur du salut. Dieu
nous a épargné papa durant cette vilaine guerre qui
n'a eu sur nos cœurs d'enfant aucune répercussion. Lorsque papa passait
plusieurs jours au port, c'était une grande fête pour nous. On me mettait un tablier
et à mon frère un tablier noir. Ce bateau était un mystère à éclaircir. Nous aimions courir sur le pont, mais ce qui nous attirait,
c'était la
machine. L'on descendait par l'escalier de fer et grand était notre étonnement de voir cette grande machine avec ses cuivres reluisants.
Papa nous avait interdit d'y descendre.
Alors
sur le pont, avec une corde nous jouions au petit cheval. Ce
bateau nous enivrait et avions découvert une pièce de quoi satisfaire notre
gourmandise. A cet âge, 1'on découvre toutes les merveilles que l'on puisse trouver sur
cette terre qui vit par ses fleurs qui respirent, par les arbres qui étendent leurs branches tantôt garnies de fleurs, tantôt garnies de fruits, le mélange des saisons, où l'on va de sa petite robe blanche au
manteau garni de fourrure. Là je
participais aux jeux des garçons. J'avais aussi beaucoup de tendresse pour ma poupée que je couchais dans son petit lit.
Or, un après-midi, j'ai voulu monter sur la passerelle
avec ma poupée dans
les bras. Hélas ! Quand je suis descendue, ma poupée est tombée et s'est cassé sa petite tête. Papa a dû lui refaire une tête en bois et de gros boutons de chaussures
pour remplacer ses beaux yeux.
Or, malgré sa tête en bois et ses yeux de bottines,
je ressentais pour elle le même amour. Une photo retrouvée me rappelle les repas ou papa et maman conviaient le
second et sa dame, ainsi que le chef mécanicien et sa dame. Maman dans ce
groupe avait fière allure, une belle prestance avec sa robe en chasuble et
sa chaîne d'or
autour du cou. En prenant de l'âge, maman m'avait acheté un manteau à petits carreaux verts avec une cape et un chapeau en velours vert que je
portais fièrement.
A mon frère, on
avait acheté un
gros tambour qui embarrassait tout le monde dans le tramway.
La guerre ayant pris fin, nous avons quitté St-Nazaire et sommes
rentrés à KERGICQUEL.
Une nuit, papa est venu dans ma chambre, m'a enroulée dans mes draps et m'a transportée chez mes grands parents. Au matin,
j'ai eu l'agréable
surprise de trouver dans un lit à bercelonnette un petit frère qu'on avait appelé Vincent. Je l'ai vu grandir avec ses
cheveux tout bouclés. Il y avait
sept années entre
nous. En grandissant il avait la passion de la lecture. Lors d'une procession on l'avait habillé en St-Jean-Baptiste avec une robe blanche, un cerceau doré sur la tête et portant une croix dorée.
Les années succédaient aux années et je grandissais en force et en malice ; toujours avec mon frère Louis nous nous rendions dans une
lande, où il y avait bon nombre de cri-cri.
Nous emportions avec nous une petite boîte. Sur les lieux, l’on cherchait une
herbe bien longue et avions plaisir à enfouir cette herbe qui chatouillait
le grillon qui sortait les cornes en avant et tout noir reluisant. Nous avions mille tours à notre façon. J'avais plaisir à bombarder les garçons avec des pommes cueillies dans le
verger. A la sortie du catéchisme, les poches bourrées de pommes, j'avais plaisir à canarder Yves Isidore et Yves Quimper.
J'étais
devenue un vrai garçon manqué ! Toujours
pieds nus je montais au haut des poteaux télégraphiques par la force de mes mollets. J'avais plaisir
à
descendre la côte de Pen Creach assise sur le cadran de ma bicyclette tenant les poignées du guidon aux mains et
les jambes tendues en avant. En avant ! Fouette cocher ! Les châtaigniers ne me faisaient pas peur.
La classe ne m'attirait guère. En petite classe on distribuait des billets avec des
chiffres, puis il y avait un grand chapeau pointu avec ce mot "ANE". Or, un jour, j'ai dû porter ce vilain chapeau et en ai été très vexée. Dans la classe de Mademoiselle
Elise, mon seul plaisir était de faire le pitre. J'avais plaisir à attraper dans les marronniers des hannetons que je faisais voler
dans la classe. « Mademoiselle Elise, un hanneton ! Qu'on ouvre les fenêtres ! » L'on m'avait placée dans le premier rang de la classe
pour que je sois sous la surveillance de Mlle Elise ; or, j'arrivais toujours à faire un tour à ma façon et l'on me mettait en pénitence, moi, dans la cuisine et ma brave Annaïck dans le salon. Dans la cuisine je mettais du gros sel dans la soupe et
dans les entremets. Etant demi-pensionnaire Madame PAILLARD, la Directrice disait "Oh ! Cette Eugénie qui a encore salé sa soupe ! " et moi de rire
sous cape. J'avoue que le certificat ne m'attirait guère, ni les études, par contre les leçons de piano me plaisaient beaucoup.
Or, cette Madame PAILLARD avec son petit voile noir sur la tête se relaxait en dormant. Ensuite,
l'on m'a mise sur une table avec un encrier, une planche sur laquelle je me suis renversée 1'encrier sur la figure. Je garde un
bon souvenir des belles poupées que Marie GISLAIS me traçait sur du papier à dessin.
J'avais bon nombre d’amies : Marie-Louise
OLLIVIER, Nénette, etc. etc...Voilà mes souvenirs de classe et j'ai honte
d'avouer que, lorsqu'on me mettait
en pénitence,
je partais par la fenêtre. A présent, lorsque
1'on se rencontre c'est avec le sourire que 1'on se remémore ces années de 1'âge ingrat.
A 1'Ecole on étudiait le catéchisme et on nous préparait pour la communion solennelle. On étudiait les actes de Foi, d'Espérance ede
Charité. Le
jour de la Communion, on avait désigné deux amies pour lire aux Vêpres les actes. J'avais été également choisie en deuxième ordre. On m'avait acheté une belle robe en organdi (vu ma
taille on m'aurait prise pour
une mariée !)
A la sortie de l'Eglise nous avons dû aller baiser la bague de Monseigneur SERZANG et me souviendrai
toujours de la réflexion faite par maman à Monseigneur "
pour le peu d'honneur que l'on a fait à ma fille, étant apparentée à Madame Pensant, bienfaitrice de
l'Eglise de PAIMPOL". Puis les
grandes vacances sont arrivées et 1'on a fait un grand feu avec les cahiers…
SOUVENIRS D'ENFANCE
Maman, lorsqu'elle partait rejoindre papa en période de vacances, me confiait à une tante cultivatrice en pleine
campagne à Coatascorn. J'avais comme compagnie ma petite cousine Yvonne Moreau.
Chaque jour nous devions conduire
le troupeau de vaches dans un pré tout verdoyant. Pour nous, c'était un régal, car dans ce pré il y avait un petit ruisseau qui
sillonnait entre les
herbages avec la compagnie d'immenses peupliers. Aussitôt rendues sur ce pré magique nous enlevions nos chaussures
et nos bas et l'on retroussait jupe et jupons jusqu'à la ceinture. Pour nous, éprises de liberté, c'était la fête. Nous descendions sur le lit de
cette petite rivière qui sillonnait tantôt à droite, tantôt à gauche. Notre grand bonheur était de cueillir des
lianes de liserons qui s'enchevêtraient avec des branches de massifs. Nous courions dans cette eau fraîche et ruisselante sous nos pieds, la morsure des cailloux on n'y prenait pas garde,
toute notre attention étant attirée par ces
fleurs blanches et nous sortions de cette rivière les bras chargés de fleurs ; alors nous mettions toute notre ardeur à parer nos robes de lianes tissées et nous garnir la tête d'une couronne. Nous avions 1'âge de savoir tirer des bienfaits de la
terre ce qu'elle pouvait nous donner pour nous embellir et c'était la fête ! Rien n'est
plus prenant qu'une campagne verdoyante,
qui se perd à
1'infini, d'entendre le bruissement des feuilles des peupliers, 1'écoulement frémissant du ruisseau et surtout le
calme qui y règne. C'était notre royaume. J’ai conservé de ce coin de terre un immense souvenir de jeunesse.
Préoccupées par notre habillement, toutes accaparées pour mettre notre beauté en valeur, le troupeau ne nous intéressait plus. Hélas ! Il avait quitté le pré et se délectait dans le champ voisin en mâchonnant les betteraves !
Retour de classe chez mon amie Annaïck : les bons
souvenirs du temps passé nous marquent à vie entière. Chez Annaïck on avait fait la coupe des cyprès. La classe finie, nous courions pour
enjamber ces branches cisaillées, les escalader pour nous retrouver
sur leur faîte. Quel
plaisir vraiment pouvions-nous éprouver allant péniblement d'un cyprès à un autre, trébuchant à chaque pas et tombant dans des trous
diminués de branchages et c'était des éclats de rire. Comment pouvait-on éprouver du plaisir à revenir avec des bas déchirés ? C'était la joie dans la nature avec 1'insouciance de la jeunesse… Que ces
quelques lignes Annaïck te rappellent 1'envahissement de tes cyprès…
Dispute avec mon frère Louis
J'aimais beaucoup faire des farces à mon grand frère mais les payais
cher parfois. Quand 1’envie me prenait de lui en faire une bien bonne je
partais à la
recherche de glands d'aubépines sauvages ; j'ouvrais les noyaux
et retirais de 1'intérieur de minuscules poils et rentrais chez moi. Désirant faire une farce à mon frère je prenais ce poil à gratter et je le lui glissais entre la chemise et la
peau ! Inutile
de vous dire sa réaction ! Je m'échappais et courais pieds nus de toute la force de mes mollets
sur les blés coupés; au fond du champ de blé rude, j'avais ma roustée bien méritée ! Cela fait tout de même partie des bons souvenirs de ma
jeunesse. Les jeunes à présent connaissent-ils le poil à gratter
MON ADOLESCENCE.
Mes
parents étant
outrés du peu
de travail et de mes mauvaises notes
ont décidé de m'envoyer en Angleterre dans un
pensionnat tenu par les Religieuses des Sœurs du Saint-Esprit. Les élèves qui devaient se rendre à Insgidon se rassemblaient sur le port
de St-Malo qui faisait la liaison avec Southampton. Nous n'étions guère nombreuses, une dizaine en tout,
des différents coins de France.
A Southampton, nous avons pris le
train sous l'égide d'un professeur d'Anglais de St-Charles. La
conversation allait bon train.
Le voyage ne nous a pas paru long. Nous sommes descendues à Newton-Abbott in the Devonshire. Ensuite, on s'est
engouffrées dans
un car appartenant à l'établissement. Après cinq kilomètres de route, nous avons bifurqué pour prendre un chemin entre les
terres. Ce chemin montait puis nous sommes arrivées devant un immense portail verni. Au
centre, une grande plaque en cuivre "St-MICHAEL'S CONVENT". Le
portail s'ouvre. Quel ne fut pas mon étonnement de voir de magnifiques pelouses bien vertes, bien
tondues, sur lesquelles des
sapins centenaires étendaient paresseusement leurs longues branches. Le Devon étant très vallonné, les pelouses garnies de leurs
majestueux sapins s'étendaient à 1'infini. Le pensionnat sur ce lit de verdure paraissait
rigide. A la porte d'entrée, deux grandes colonnes de marbre. Nous avons été accueillies par Mère Saint-Albert, Supérieure du Couvent. Un magnifique hall
avec un large escalier de forme galbée donnait à cette entrée une note accueillante. Nous portions
l'uniforme, robe à bretelles avec plis plats et ceinture, blouse blanche,
robe de couleur bleu-marine. Etant arrivées pour l'heure du dîner, anglaises et françaises ont formé la haie d'honneur pour le passage de
Mère
Saint-Albert et des religieuses. Tous les jours, que ce soit pour le breakfast, le midi ou le
soir, c'était le
même
rythme, dans un silence absolu…
Dans la salle à manger, cinq tables recouvertes de
linge bien blanc nous attendaient.
Grande déception,
une française
par table d'une quinzaine
d'anglaises ! Or, avoir quitté la France la veille et se retrouver
ainsi parmi des élèves dont on ne comprenait pas le moindre mot a été très très dur. La période d'adaptation a été vraiment dure et j’en ai eu le spleen durant une quinzaine de
jours. Je ne pouvais me faire à l'idée qu'entre
ma famille et moi il y avait cette mer infranchissable… C’est mère Ildefonse, ma maîtresse de classe, qui a su me
comprendre et à me faire aimer ce couvent qui certainement n'a pas son pareil en France.
Les repas étaient de cuisine
française : au déjeuner thé ou porridge fumant dans
l'assiette pouvant satisfaire mon appétit. Le matin, nous
assistions à la messe. Etant catholique, il fallait donner l'exemple. Après le déjeuner drill, gym dans l'immense sous-sol
de cet immense couvent. La leçon durait environ une demi-heure, et
vraiment je me donnais de cœur joie ;
puis ce fût la
rentrée pour
la classe française le matin, classe anglaise l'après-midi. Interdiction de porter des
tabliers. A dix heures et
demie une demi-heure de récréation. Avec la fougue de mes quinze ans, j'aimais foncer le sentier tortueux
bordé de
haies qui arrivait au terrain de
tennis et, dans mon élan, je franchissais le filet de tennis. Or, il y avait toujours une religieuse, le
sifflet aux lèvres. Au
moindre écart on
nous donnait une mauvaise note. Comme jeux, deux tennis, basket ball, net ball, hockey sur pelouse. Tout pour
me satisfaire. Après la récréation, nous reprenions les cours de classe. A midi, au réfectoire, au milieu de chaque table,
deux grandes assiettes garnies de pain anglais de forme carrée. Or, nous ne devions pas nous servir de nos doigts, mais
d'une fourchette. A ma gauche j'avais une Irlandaise car, lorsqu'on mangeait deux carrés de pain garni de beurre, confiture
dans l'assiette, l'anglaise d'en face montrait deux doigts à mon anglaise de droite ; alors,
devant trois et parfois quatre, elles étaient ahuries. L'Irlandaise et moi ne tenions aucun compte
de leur jeu. Les récréations se passaient au cours de
tennis ou de basket ball. Les Anglaises portaient sous leurs gymdress des culottes
et des bas en jersey bleu marine, tandis que les françaises avec leurs falbalas de culottes
et combinaisons blanches paraissaient endimanchées. L'été, les cours de français se
passaient en plein air. C'est très dur de se concentrer sur un devoir avec le chant des oiseaux ! La
discipline était très sévère. Or, étant très bavarde, mes billets blancs étaient cause de ces bavardages. Avec
trois billets blancs c'était le renvoi.
Une fois par mois, les élèves se réunissaient dans la salle de communauté. Mère St-Albert présidait avec les professeurs à droite et à gauche formant le demi-cercle.
J'étais vexée que la distribution commence toujours par les anglaises. Lorsque la mère supérieure prononçait le nom de l'élève on quittait sa place et 1'on se plaçait à une certaine distance de la Mère Supérieure. Elle remettait le billet satiné rose et blanc et devions lui faire
une belle révérence, le pied en arrière tout en se relevant avec le plus de
grâce
possible. Etant très bavarde, 1'on m'a expédiée dans le dortoir des babies ;
ensuite, avec les élèves de mon âge. Lors de mes vacances de Noël, nous avions quartier libre :
avec le panama blanc avec badge S.M. nous allions à Newton-Abbott où nous achetions pour un shilling et
six pence (qui n'existent plus) des toffees (chocolats). Nous étions sans surveillance et à l'heure prescrite nous reprenions le
bus pour Insgidon. Nous étions très gâtées pour les fêtes de NOËL. Les vacances étaient très dures car le pensionnat se
vidait. Seulement une irlandaise, deux écossaises et deux indiennes. Pour les
fêtes de
PAQUES nous avions toujours un bel œuf dans notre assiette. Tous les ans nous étions invitées chez un avocat pour le thé. Alors que nous arrivions, il se
trouvait à cheval
en veste rouge et lorsqu'il a aperçu les petites françaises, il a retiré sa toque et a dit "vive la France". J'en avais les larmes aux yeux
; puis femmes, cavaliers et meute ont quitté les lieux. C'était un beau coup d'œil à voir. J'ai toujours été chauvine et française de cœur. Or, lorsqu'il y avait
des pièces jouées par les anglaises, on entonnait
toujours le "God Save the King". Je restais assise sur mon banc. J'aurais tant
voulu au moins une fois entendre la Marseillaise…
Un 23 Janvier, alors que nous nous rendions dans la salle
à
manger, à ma place
sur un grand plateau, un grand gâteau avec quinze bougies. Maman avait
pensé à moi et lorsqu'on est loin de sa
famille ce geste d'amour m'a mis les larmes aux yeux.
Tous les jours, j'avais une heure d'étude de piano. Or, un jour j'apprends qu'on avait livré dans le salon un piano à queue. Ce piano à queue m'attirait et un jour je me suis rendue
au salon et j'ai joué durant une heure sur ce piano. Or, lorsqu'il a fallu que je rabatte le
clavier, je n'ai pas réussi à le fermer. Timidement, j'ai été trouver Mère St-Albert et lui ai avoué ma faute. J'ai été très surprise de sa réaction ; elle m'a dit tout simplement
de ne plus recommencer.
Nous sommes allées de nouveau à Newton. Ma voisine de lit avait
acheté des
poupées en celluloïd avec des clochettes à l'intérieur. Elle les a mises en rang sur la fenêtre. J'ai pris une brosse à cheveux et plouf ! D’un geste
vif j'ai fait rouler toutes ces poupées à travers le grand dortoir qui ont égrené leur mélodie. Cette fois-là où allait-on me mettre ? Or, j'avais
fait tous les dortoirs à l'exception de celui des aînées et, ma foi, je m’y suis bien trouvée.
J'avais une passion pour la peinture, le cuir, le cuivre et
l'étain repoussé, la pyrogravure et les sports. Les
deux premières années, j'ai frôlé le renvoi par mon bavardage. Mon
Dieu ! Que c'est dur de garder sa langue !
J'ai passé les trois meilleures années de mon adolescence dans ce Devonshire
que j'avais appris à connaître et à aimer. Une chanson me rendait l’âme triste
" Sweet Sweet
home, there's no place like home "…
J'aimais beaucoup Torquay (= la Baule) avec ses
jardins suspendus. A Exeter nous avons visité le musée où nous nous acharnions à arracher les poils d'une queue de
girafe.
Un jour, grand branlebas dans le pensionnat :
nous avons dû bien cirer nos chaussures
et sous l'œil vigilant de la maîtresse de
pensionnat qui nous a inspectées de la tête aux pieds. Anglaises et Françaises dans notre uniforme net, nous nous sommes
rangées en une ligne impeccable
dans la grande salle de Communauté Alors, la Sœur
nous a annoncé que le Prince de Galles
devait passer devant nous.
J'ai conservé de ce
pensionnat un merveilleux souvenir. J'ai obtenu quatre prix : piano, tennis, saut en longueur, en hauteur, et le cinquième, dirait
Miss Beyli,
pour le rire !
Je ne sais si c'est dans ce
pensionnat que l'on m'a inculqué l'ordre et
l'exactitude ; je ne le pense pas. C'est inné en soi.
La troisième année, alors
que la langue me démangeait,
je la serrais avec mes dents. Arrive la dernière distribution des billets. Tous avaient été distribués. Un seul dans les mains de Mère St-Albert ; "qu'elle est l'élève qui n'a
pas eu son billet ? "Je me lève ;
"moi ma Mère".
Timidement je traverse la grande salle et me tient à distance de Mère
Saint-Albert qui me remet un beau billet rose
en
me disant : "vous voyez Yvonne, ce n'est pas dur de faire un effort
pour garder sa langue". Je
lui ai fait certainement la plus belle révérence du pensionnat. Toutes les élèves de St-MICHAEL’S Covent ont applaudi et c'est
en larmes que j'ai regagné ma place. J'avais conservé de ce
pensionnat un si bon souvenir. Par la suite, je n'ai jamais voulu le revoir, y ayant laissé une partie de mon cœur. Puis c e fut le départ pour la France.
Papa ayant
fait l'achat d'un bateau que nous avions appelé Louise-
Yvonne de concert avec ma cousine nous avions décidé de nous rendre
à Roscoff où papa chargeait des primeurs pour l'Angleterre.
Nous sommes arrivées alors que papa et maman étaient à table. J'ai
mis ma tête dans le hublot et j'ai dit "coucou". Papa est entré en
colère. Je ne veux pas de femme à bord au mois de septembre. Or,
celui qui faisait le chargement a dit à papa : " Monsieur Goëlo,
vous n'allez tout de même pas refuser ce voyage à ces gentilles
jeunes filles. Elles vous porteront bonheur". Papa a accepté de
nous prendre et avons quitté Roscoff le soir.
Yvonne de concert avec ma cousine nous avions décidé de nous rendre
à Roscoff où papa chargeait des primeurs pour l'Angleterre.
Nous sommes arrivées alors que papa et maman étaient à table. J'ai
mis ma tête dans le hublot et j'ai dit "coucou". Papa est entré en
colère. Je ne veux pas de femme à bord au mois de septembre. Or,
celui qui faisait le chargement a dit à papa : " Monsieur Goëlo,
vous n'allez tout de même pas refuser ce voyage à ces gentilles
jeunes filles. Elles vous porteront bonheur". Papa a accepté de
nous prendre et avons quitté Roscoff le soir.
Alors que nous dormions nous avons été réveillées par un choc terrible. Un épais brouillard à couper au couteau. Papa avait frôlé le Clan-Malcom qui déjà était en dehors de son circuit. Papa a
voulu s'approcher de la côte. Or, parait-il, la côte étant ferrugineuse avait agi sur les compas et nous avions
fait côte à Prawle Point.
Nous
sommes sorties. Le bâtiment ayant une forte gîte j'ai roulé sur le pont. Les vagues étaient fortes et avec la puissance de
la mer le bateau avançait lentement. On
a mis le bateau de secours à l'eau, tout de suite il a été déchiqueté sur les rochers. Puis miracle, le
bateau avait placé son avant entre
deux grands rochers ; nous étions en chemise de nuit ; on nous a descendu avec des
cordages à la
lueur de la lampe. Je
suis tombée de
ces gros rochers et j'étais si heureuse d'avoir sauvé ma vie que je n'aie ressenti aucun
mal.Nous
avons dû
escalader la falaise. Là haut nous marchions pieds nus sur des ajoncs très courts et nous ressentions aucun mal.
Une lumière dans le lointain. Nous avons atteint cette maison du garde-côte où on nous a préparé un bon thé et un bon lit que nous avons fort
apprécié après cette nuit horrible.
Le lendemain, j'ai voulu revoir notre bateau ; la mer s'étant retirée il était entré dans la falaise et cet
immense rocher, la coque défoncée.
Cette
nuit là il y a
eu trois bateaux qui ont fait côte : le Clanmalcour, un autre, puis la Louise Yvonne.
Le lendemain se trouvait être un dimanche ; il y avait foule sur la falaise ; papa n'était pas là; nous sommes montées à bord par l'échelle ; les journalistes désiraient monter, j'ai demandé aux marins de remonter l'échelle.
Nous étions dans notre chagrin. On
a mit le bateau de secours à l'eau, tout de suite il a été déchiqueté sur les rochers. Puis miracle, le
bateau avait placé son avant entre
deux grands rochers ; nous étions en chemise de nuit ; on nous a descendu avec des
cordages à la
lueur de la lampe.
Je suis tombée de ces gros rochers et j'étais si heureuse d'avoir
sauvé ma vie que je n'aie ressenti aucun mal.
sauvé ma vie que je n'aie ressenti aucun mal.
Nous
avons dû
escalader la falaise ; là haut nous marchions
pieds nus sur des ajoncs
très courts
et nous ressentions aucun mal.
Une lumière dans le lointain. Nous avons atteint cette maison du garde-côte où, on nous a préparé un bon thé et un bon lit que nous avons fort
apprécié
après cette
nuit horrible.
Le
lendemain, j'ai voulu revoir notre bateau ; la mer s'étant retirée il était entré dans la falaise et cet
immense rocher, la coque défoncée.
Cette
nuit là ; il y
a eu trois bateaux qui ont fait côte, le Clanmalcour, un autre puis la
Louise Yvonne.
Le lendemain se trouvait être un dimanche ; il y avait foule sur la falaise ; papa n'était pas là; nous sommes montées à bord par l'échelle ; les journalistes désiraient monter, j'ai demandé aux marins de remonter l'échelle.
Nous étions dans notre chagrin.
Et pour la première fois de ma vie j'avais vu papa
pleurer ; voyant
qu'ils ne pouvaient monter à bord ; ils sont venus par avion
photographier notre pauvrebateau et le lendemain dans les journaux
un article : "Two Women on the board "
qu'ils ne pouvaient monter à bord ; ils sont venus par avion
photographier notre pauvrebateau et le lendemain dans les journaux
un article : "Two Women on the board "
J'avais
fait l'achat d'un joli tailleur bleu marine, la cape étant retenue par des clips dorés ; tout était dans l'eau mélangée et de l'huile…
J'avais
placé mon
petit bracelet en or dans un tiroir du bureau et ainsi j'ai pu le récupérer. Toutes mes affaires
étaient inutilisables ; ma cousine avait sauvé son parapluie !
Nous
avions pris pension dans un petit restaurant de la côte, la femme du garde côte m'avait donné une longue jupe et un long manteau
et portait un pull over à papa qui avait été sauvé du désastre.
Nous avions acheté des tennis shoes, car il fallait sauver
le plus possible de choses. L'assurance d'un bateau est composée par différents pays qui tous avaient donné leur
accord peur le délaissement du navire à l'exception des Anglais.
Ils voulaient envoyer ce bateau avec
une coque déchirée à PLYMOUTH,
Or, cela aurait été notre ruine.
Or, cela aurait été notre ruine.
Tous les jours donc nous glissions sur ces terrains herbeux
avec nos tennis shoes ; nous ramenions la série de pavillons que l'on mettait à tremper dans un baril d'eau douce.
Un jeune anglais envoyé par les assurances avait beaucoup
d'admiration pour mon courage et cherchait motif pour bavarder avec moi ; or,
comme les Anglais ne voulaient pas
faire le délaissement
je les avais pris en grippe !
Nous avons dû faire plusieurs trajets, la côte étant vallonnée ; il nous a fallu beaucoup de courage car avec nos
tennis nous arrivions difficilement à monter sur le terrain.
Et toujours cet anglais voulant converser avec
moi ! papa me dit « sois polie, il parle sept
langues ! ». En aurait-il parlé dix mon attitude eût été la même. Un jeune homme du village fort
bien élevé sa mère désirait me recevoir
à un thé ; poliment j'ai refusé. Puis, papa m'a donné une somme d'argent me disant d'aller à Dartmouth voir le Consul de France
et de lui demander une avance d'argent. « No » » ni six pence, ni a penny ; j'avais un
fichu de caractère et il nous en a fallu.
Dans
un carton l'on a placé les choses que nous avions pu sauver et
un gros
cordage entourait ce carton qui lui aussi sentait le mazout.
cordage entourait ce carton qui lui aussi sentait le mazout.
Nous avons dû prendre le train ; un voyageur qui
nous avait entendu parler français nous a fait monter en première et nous a offert des journaux. A Exeter nous avons dû changer de train ; alors que nous
marchions dans cette gare ma cousine
a perdu un talon ; j'ai été trouvé le poinçonneur et lui
ai demandé de
taper avec son poinçon sur le talon. Il nous restait un shilling six pence en tout et pour
tout après avoir
pris les billets pour Southampton.
Nos beaux rêves se sont évanouis, nous devions aller à Ostende où papa faisait la révision de son moteur. Me voir dans ce
falbala de vêtements
me donnait mauvais caractère.
A Southampton je me suis placée dans le couloir ; un jeune homme était également penché à la vitre. Je lui ai demandé à quelle heure nous arrivions à Southampton Port et j’ai transmis sa
réponse en
français à ma
cousine. « Vous êtes française ! Me permettez-vous de me joindre à vous ? » Nous avons accepté.
Nous
avons pris le bateau et ce jeune homme a descendu notre carton où il a été mal reçu par la stewardess.
Nous sommes allés parler à l'arrière du bateau jusqu'à son départ. Il m'a demandé si j'avais de l'argent français ; je lui ai répondu que je n'avais pas un centime mais que je me débrouillerais arrivée sur le sol français. Alors il m'a proposé mille francs ; j'ai accepté cinq cent francs et il m'a remis sa
carte que j'ai placée dans la
poche de cet horrible manteau.
Le lendemain matin, nous nous sommes rendus dans la
salle à manger
Je me verrais toujours attifée telle que je l'étais et ma cousine portant son parapluie !
Trois français se sont privés de déjeuner, ainsi que celui qui m'avait offert de 1'argent et nous avons eu grâce à eux un très bon breakfast.
Nous arrivons au Havre très tôt ; pas de passeport ; j'ai dit à ma cousine : « il faut y
aller carrément ».
Je leur ai expliqué que nous avions fait naufrage sur les côtes anglaises. « Ah ! C’est vous
les jeunes filles qui se trouvaient à bord ? » La radio en avait parlé et mon futur beau-père l'avait également entendu. On nous a demandé où nous allions -
à PAIMPOL ! et il s'est mis à chanter
« la Paimpolaise » : alors n'en pouvant plu j'ai
longuement pleuré.
II nous restait plus d'argent après l'achat des billets. On nous a
fait monter en première jusqu'à ROUEN. A Rouen nous sommes allées
dans la salle d'attente où il n'y avait personne ; on s'est
allongées sur la banquette et l'on s'est endormies. Il faut croire
que nous avons bien dormi : un employé nous ayant dit : "Vous
auriez tout de même mieux dormi dans une chambre d'hôtel" ! Et pour
cause !
fait monter en première jusqu'à ROUEN. A Rouen nous sommes allées
dans la salle d'attente où il n'y avait personne ; on s'est
allongées sur la banquette et l'on s'est endormies. Il faut croire
que nous avons bien dormi : un employé nous ayant dit : "Vous
auriez tout de même mieux dormi dans une chambre d'hôtel" ! Et pour
cause !
La salle d'attente était comble. Maman nous attendait à la gare, et m'a dit avoir reçu de papa un télégramme lui annonçant le délaissement du navire. Ah ! Ces sacrés English ! Ils sont durs en
affaire ! Quelques semaines plus tard papa est parti pour l'Angleterre le jeune homme
de Southampton était là et tout de suite il a parlé de moi.
J'ai mis ma main dans la poche de mon manteau j'ai trouvé sa
carte : c’était le comte de..... je
ne m’en souviens plus. En tout cas je me serais toujours
tirer d'affaires ; avec de l'audace.... et avec de la langue on arrive à tout.
Papa avait fait l'achat d'un autre bateau,
l’"ELVY" : Etienne, Louis Vincent, Yvonne. On dit
que les voyages forment la jeunesse : il faut surtout avoir de l'assurance pour savoir faire face dans n'importe
quel cas que l'on se trouve…
Le dimanche suivant notre retour maman m'a conduite à la kermesse dans la propriété de Mr de Sagazan ; j'étais une jeune fille aimable et
souriante. Or, à un de mes sourires, j'ai reçu dans la bouche une poignée de confettis par les candidats.
Quinze jours plus tard suivait ma première demande en mariage par un Capitaine au long cours. Maman lui a répondu "ce n'est pas à dix sept ans que l 'on se marie".
J'ai eu une jeunesse merveilleuse avec mon petit cheval blanc
"Rapide", la voiture vernie, les roues caoutchoutées et le grand fouet…Nous
avions avec cet attelage beaucoup de succès. Une fois par semaine je prenais le train pour
Pontrieux, ma maitresse de piano d'Angleterre s'y trouvait et prenait une heure
de leçon, plus
une heure de littérature. Un jour
monte dans mon compartiment un homme de vingt cinq ans environ. Il se trouvait à contresens ; puis, petit à petit il s'avançait vers moi. A Frinandour, tout en me
demandant comment s'appelait le château de la Roche-Jagu, il m'a prit la tête et voulait m'embrasser sur la
bouche. En retour, je lui
ai administré une
bonne gifle ! Lorsque je suis arrivée à Pontrieux il s’est excusé de son geste.
Paimpol était une ville agréable, de plus avec l'Ecole de la Marine, il y avait le fameux bal des
candidats, le bal de l'Administrateur, le bal de la Croix Rouge et des Officiers de s. Réserve. On n’avait que le souci de sa toilette, des chaussures et des
gants !
J'adorais la musique, passionnément le tango et la valse. J'ai été trois fois quêteuse et une maman dont la fille
n'avait jamais été choisie a dit à maman : "Vous
devez aller voir Mr Niox Château pour que votre fille soit ainsi choisie ?! ». Ma colère fut telle, alors que je devais
ouvrir le bal avec le Directeur
de l'Ecole d'Hydrographie et les personnalités, que je suis arrivée après la quête.
Je me souviens fort bien de ma première robe de bal : c'était ma couturière qui me l'avait faite en taffetas
rose à la taille. J'avais brodé une rose en lamé blanc. Pour le bal des Officiers de Réserve deux officiers avaient été désignés pour représenter leur régiment ; nous étions assises sur des chaises, les messieurs en costume
foncé vous
faisaient un salut et une invitation à danser J'ai donc été invitée à plusieurs danses par l'un de ces
deux officiers. Une quinzaine de jours plus tard, Monsieur Marion, Maire de Paimpol, est venu me demander
en mariage de la part de 1'officier
qui m'avait fait danser ; poliment j'ai refusé.
Lors de ces bals, j'invitais bon nombre d'amies à la maison ; c’était la joie dans l'attente d'aller
se parer ; pas question de dîner ; je
jouais au piano et tous les instruments de cuisine servaient d'orchestre. C'était des rires à n'en plus finir et la joie de porter
une nouvelle robe. Je me souviendrai
toujours du bal des candidats où j'avais été choisie Présidente. L'orchestre se trouvait à l'intérieur de l'avant de notre plus beau navire
"L'ATLANTIQUE ".
Ce fut mon dernier bal car à la fin de l'année, j'épousais le Lieutenant de l'Armée Etienne MAHE : nous nous étions connus enfants à Saint-Nazaire. Je quittais donc Paimpol pour Cherbourg,
ville que je n'ai jamais aimée. La vie de femme d'officier était agréable ; il y avait des réceptions chez l'Amiral. Un jour, mon
mari me dit que nous étions invités à un thé chez un commandant. Bref, comme je devais offrir des gâteaux aux officiers debout, ne connaissant pas les grades,
aux lieutenants je disais « Capitaine » et aux capitaines « Commandant
» ! Mais ils avaient pour moi toujours un mot aimable et étaient flattés d'être nommés à un grade supérieur !
Un jour mon mari m'a demandé d'aller à la caserne visiter son bureau ; j'étais novice et j'ai accepté de monter sur le siège arrière de sa moto.
Nous arrivons à la caserne, le planton de garde nous présentait les armées. Toute la caserne a été mise au courant et lorsque je suis
sortie du bureau les petits
soldats se trouvaient aux fenêtres. Fièrement, j'ai enjambé le siège et ai traversé la cour, à la sortie le garde nous a rendu les honneurs. Le lendemain, mon mari a été appelé chez le colonel. Lors d'un thé chez un capitaine sa pimbêche de femme me dit :
" Il parait que vous
faites de la moto ?". Je lui
ai répondu
"Oui madame je fais de la moto, mais de la voiture également" et je lui ai tourné le dos.
J'étais la seule femme du régiment à avoir sa voiture et
quelle voiture ! Une SAMSON !
quelle voiture ! Une SAMSON !
Nous avons parcouru la côte du Cotentin mais elle n'a pas
d'égale avec notre côte bretonne. Nous avons vécu deux
années ensemble puis il y a eu cette période d'attente qui a
duré fort longtemps ; alors que les Allemands massaient leurs
troupes aux frontières, les armées françaises étaient cantonnées
dans les zones interdites. Mon mari se trouvait à Saint Quentin.
Après plusieurs mois, il me demande d'aller le rejoindre. J'ai
fait ma valise et suis partie pour Paris. Je me suis fait
domiciliée dans un hôtel et au Commissariat j'ai fait ma demande
d'un laissez-passer pour la zone interdite ; ils m'ont répondu
qu'ils étaient tous refusés et en effet cela a été le cas. J'ai
repris ma valise et j'ai changé d'arrondissement, même procédé,
refusé.
d'égale avec notre côte bretonne. Nous avons vécu deux
années ensemble puis il y a eu cette période d'attente qui a
duré fort longtemps ; alors que les Allemands massaient leurs
troupes aux frontières, les armées françaises étaient cantonnées
dans les zones interdites. Mon mari se trouvait à Saint Quentin.
Après plusieurs mois, il me demande d'aller le rejoindre. J'ai
fait ma valise et suis partie pour Paris. Je me suis fait
domiciliée dans un hôtel et au Commissariat j'ai fait ma demande
d'un laissez-passer pour la zone interdite ; ils m'ont répondu
qu'ils étaient tous refusés et en effet cela a été le cas. J'ai
repris ma valise et j'ai changé d'arrondissement, même procédé,
refusé.
J'ai repris ma valise, ma
domiciliation et ma demande. Ils m'ont répondu "vous ne l'aurez pas.
Demandez-la, après on verra ". ACCEPTEE. J'étais dans la joie, mais comment faire
connaître à mon mari mon arrivée ? Je suis montée au 8e ou 9e aux
postes de transmission sur la porte "Porte interdite au public" et mon télégramme est parti. En retour, j'ai reçu un télégramme Rentre à Paimpol lettre suit". J'ai foutu en vrac
toutes-mes affaires dans ma valise et ai repris la direction de Paimpol, par la lettre de mon mari
qui avait été appelé chez le Colonel qui ne l'a pas épargné parce que j'avais porté comme adresse "Capitaine MAHE 8e Régiment d’infanterie ST QUENTIN". Comme si les Allemands ignoraient
que le 8° RI se trouvait à ST QUENTIN. La colère du Colonel étant passée il demande à mon mari : "Mais comment
votre femme s'y est-elle
prise ? Moi cela fait des mois que j'attends la mienne !". Puis il y
a eu cette affreuse guerre qui en quelques jours à conquis notre sol Puis ce fut l'Occupation pour nous et les camps
pour les prisonniers ; l'oflag X B par erreur a été bombardé : 99 officiers ont été tués, dont mon mari. La guerre est
une chose affreuse. Les
Allemands sont arrivés à Paimpol et ont voulu visiter notre maison.
Or nous avions dit à la grand-mère : "si tu
vois les Allemands entrer mets un
châle sur
ta tête et
tousse". Comme ils allaient vers les
chambres, maman leur
dit : "Je vous préviens que ma mère est malade" "Qu'elle maladie ? " - "Tuberculose". Aussitôt ils ont fait demi-tour et ont
quitté les lieux et la pauvre grand-mère toussait toujours...
Dans la cuisine sur un
mur une grande carte en tissu et nos petits drapeaux qui annonçaient par leur avancement les
victoires des Alliés. La
guerre a été longue et les restrictions très dures ; il fallait faire de nombreux
kilomètres
pour trouver parfois peu de choses. Papa avait planté dans les champs des choux
et on faisait l'élevage de lapins ; ce qui m'a permis d'avoir une bicyclette. Je ne sortais
guère
beaucoup connaissant les ripostes de ma langue, peu de viande, mais du lapin à en
avoir marre ! Un dimanche de Pentecôte alors que je devais tenir un stand
pour la Croix Rouge, j'apprends la prise du Mont-Cassino. J'ai sorti ma plus belle robe de
sa boite, robe en taffetas écossaise rouge, jaune et blanc, robe à bretelles, le corsage moulant ma
poitrine et une belle blouse en organdi avec de larges manches qui arrivaient aux coudes. J'ai
été dans le jardin ; j'ai cueilli des
fleurs bleu, blanches et
rouges ; j'en ai fait un magnifique bouquet ; je l'ai attaché à mon mât. J'avais dit à mon groupe de jeunes d'êtres sages. Trois officiers allemands
arrivent à notre stand. Je prends mon bouquet,
et le leur passe sous leurs yeux en leur disant : "les
fleurs de la victoire". Ils sont partis, nos yeux se sont rencontrés, on aurait dit des mitraillettes.
Monsieur Le Corre a fait
ramasser les articles que l'on vendait et ramener la toile, puis la guerre suivait son cours avec ses drames, ses
pertes de navires.
Durant
la guerre j'ai été plusieurs fois à Saint-Nazaire voir mon
beau-père, qui était commandant de paquebot anti anglais, aussi il y
a eu entre nous pas mal de tiraillements.
beau-père, qui était commandant de paquebot anti anglais, aussi il y
a eu entre nous pas mal de tiraillements.
Un dimanche il m'a conduite au sasse, une musique militaire jouait
avec frénésie leur marche triomphale. Que vois-je apparaître ? Un
petit sous-marin de poche.
Ces
sous-marins qui ont été cause de tant de pertes de nos navires.
J'étais furieuse, furieuse après mon beau-père de m'avoir conduite
dans cet endroit et lui ai dit : " Je ne sais pas encore ce que je
vais faire mais je dois faire quelque chose ". Je me trouvais sur
le trottoir de la rue principale de Saint-Nazaire. Trois officiers
allemands venaient face à moi. J'ai hâté mon pas et suis allée me
butter à eux en leur disant : " Descendez ". Ils m'on fait place
libre, mon beau-père était fou. " Vous allez vous faire arrêter et
par la faute de qui ? " lui ai-je demandé. Mon beau-frère
partageait les propres idées de son père : la guerre finie, j'ai
appris par ma nièce Monique, qu’ ' il avait commandé le France.
Pauvre France, à qui tu donnes tes bons de tabac ? Mon dernier séjour à Saint-Nazaire s'est passé sous la mitraille. Dans les rues, assis sur les trottoirs, des Anglais et des Polonais : c'était le réembarquement pour l'Angleterre. Combien sont-ils arrivés à destination ? Mon beau-père de me dire "Ils sont beaux vos anglais ! ". Immédiatement j'ai fait ma valise. " Où vous allez ?" - "Ne vous en faites pas pour moi je me débrouillerais bien". Vannes était ville close, à mon arrivée elle était ouverte. J'ai fait le voyage par car ; mais je n'avais plus dans les oreilles les sarcasmes d'un vieux beau-père. Puis il y a eu le débarquement, la liaison avec les troupes du Général Leclerc et la marche vers la victoire.
Il y a eu beaucoup
de morts dans les maquis et chez les résistants, la guerre a duré trop longtemps et les gens
devenaient nerveux.
Un jour, les Allemands annoncent qu'il fallait que
tous les pneus soient déposés pour quatre heures aux pieds des
canons anti-marines qui tiraient 60 kilomètres en mer. Je ne voulais pas donner mes pneus à des Allemands ; j’ai attaché à ma bicyclette une petite remorque,
un sac en toile et suis partie pour Lézardrieux au garage Landais. Pas de
pneus ; je suis allée à Pleubian ; là j'ai trouvé des pneus avec des trous plus gros
que mes poings. J'ai bien placé mes pneus dans ma remorque et mit par dessus le sac de
pomme de terre et des genêts. Je n'avais pas déjeuné, pour trois heures un quart j'étais de retour. L'on a mis les pneus dans le
tombereau tout crotté de Mr Bezouet et nous voilà partis pour les canons. Les officiers
me faisaient le salut militaire et moi j'étais droite dans ce tombereau riant sous cape de la
marchandise que j'allais leur livrer. Nous arrivons aux canons, pas un soldat
et nous déposons
les pneus. Huit jours plus tard, alors que nous étions dans le jardin, papa, maman, la
femme de ménage qui enlevait des pissenlits de la
pelouse, entrent six soldats allemands baïonnette au canon, qui se mettent en rang face à moi.
En appuyant sur chaque mot : " Vous nous
avez donné des
pneus avec lesquels on ne peut
pas rouler". "Pardon messieurs, j'ai fait le voyage Cherbourg-Paimpol
avec ces pneus ; ma
voiture a quatre roues ; je vous ai donné quatre pneus". "Ce sont des pneus avec lesquels on ne peut pas
rouler"- "Peut-être", ai-je répondu, " mais je
peux vous donner quelque chose". "Quoi ? "- " des emplâtres " (ce sont des morceaux de caoutchouc que l'on place à l'endroit des trous). Voyant que je
n'avais été impressionnée par leurs fusils à baïonnettes ils ont quitté le jardin une. Deux.une.deux. (mes "bons" pneus se trouvaient tout à côté sous le tas de bois du garage !)
Par un après midi d'été j'allais, avec mon groupe de jeunes,
prendre un bain à Kerroch. Arrivent deux policiers de
la route avec leur plaque cuivrée sur la
poitrine ; nous n'avions pas de carte d'identité alors ; il a fallu prendre la direction de la gendarmerie. Ils étaient arrivés sur moi, 1'un à droite prenant ma roue entre leurs deux roues. Je
suis tombée et
mon genou saignait. J'étais furibonde
et leurs ai cassé les oreilles en leur débitant tout ce que j’avais dans le cœur. Nous arrivons à la gendarmerie : l'un d'eux a
demandé au gendarme
où se
trouvait ma demeure et ce lâche s'est déplacé, est allé à la grille, et a tendu son doigt vers ma maison. Huit jours
plus tard un papier :
"Insulte à l'Armée Allemande - huit jours d'emprisonnement ou trois cent francs d'amende
" ! Je trouvais que ce n'était pas cher payé, pour tout ce que je leur avais débité… J'ai attendu la dernière minute pour payer ces trois cent francs.
Sept membres de ma
famille combattant avec le Général de Gaulle, deux Anglais, qui depuis des mois attendaient leur départ, devaient partir le lendemain ; or ma tante Maria et moi leur avions
donné des
lettres.
La
nuit nous n'avons pas pu dormir et sommes reparties, ma tante en bicyclette et moi en vélo d'enfant ; nous avons ainsi fait dix
bons kilomètres à trois heures du matin. Nous avons repris nos
lettres et ces pauvres Anglais ont été reconnus et arrêtés. Ils
avaient eu l'imprudence de se faire photographier avec les
Résistants et tous ont été arrêtés : Mr Clech, vétérinaire, à la
Roche-Derrien, les personnes qui les avaient hébergés et bien
d'autres. Vu la débandade à la fin de la guerre, papa nous avait
conseillé d'aller dans une ferme pas éloignée du Trieux. Tout à
coup, un soir, un bruit de tonnerre : à ma grande stupéfaction, un
tank américain vu que je parlais anglais ils m’ont embarquée et à Pen
Creach, du doigt, je leur ai signalé l'endroit approximatif des
canons.
Le lendemain j'ai mis une robe en
jersey bleu marine et blanc ;
j'avais fait des badges avec des drapeaux français croisés aux
drapeaux anglais. Ils ont remarqué ma robe, " beautiful dress ", et
j'ai eu des tablettes de chocolat !
j'avais fait des badges avec des drapeaux français croisés aux
drapeaux anglais. Ils ont remarqué ma robe, " beautiful dress ", et
j'ai eu des tablettes de chocolat !
Alors que j'écris ce journal et j'ai le souvenir
de notre arrière
petit cousin Yves Jezequel et sa sœur qui par leurs actes héroïques ont été arrêtés et déportés. Que Lézardrieux ait une rue en souvenir de ces deux jeunes âgés de 20 ans et 18 ans.
A Saint-Nazaire la
base sous-marine était imprenable. Or il s'est passé un acte héroïque. Un bateau chargé de mines, des Allemands à bord, et le commandant sachant que
dans quelques minutes son navire devait sauter restait impassible - Cet exploit a permis que les portes du sasse
ont été hors d'usage durant des mois.
Mon frère Louis m'a dit une autre version et
doit me remettre le texte exact ; mais quand ?
Les Breiz Atao, pensant que quand les
Allemands auraient gagné la guerre la Bretagne serait devenue indépendante et qu’ils y auraient
eu des places de choix, avaient organisé à Tréguier une fête avec
des danses bretonnes. Toujours avec ma petite troupe nous avons
désiré assister à cette fête. Le premier rang de chaises était
réservé. Nous nous sommes placés à 1'écart ; les bretonnes
dansaient lorsqu’arrive un général avec une cape en satin rouge et
toute sa suite. Aussitôt nous avons levé le siège. Nous roulions
vers Lézardrieux lorsque j'ai entendu un bruit de voiture à
fanion ! A droite mes filles ! La voiture du général arrive, se met
à la marche de ma bicyclette, une vitre se baisse ; j'aperçois une
face grasse et rougeâtre avec des grosses dents et un sourire me
disant : "les petites bretonnes sont mignonnes" - " Oui vieux con ".
Fort heureusement il n'avait pas compris le mot car il est parti
d'un éclat de rire.
Enfin ce fut
la délivrance
de notre sol ; mais que de morts… Après la victoire nous avons ressenti au cœur la liberté de paroles et d'action. Nous étions libres, libres...et petit à petit le pays s'est redressé, les tickets de pain et
de viande supprimés. On tricotait avec la laine du pays. Heureux de notre liberté.
PRIER AVEC FERVEUR
ET ETRE EXAUCEE EST-CE POSSIBLE ?
Un petit soldat Paimpolais Fercoq qui
avait été dans le camp de mon mari avait été rapatrié pour sclérose en plaque. De temps en temps j'allais
le voir. Apprenant que je devais
me rendre au Havre voir mon père quelques jours plus tard, je reçois la visite de Mr de Sagazan, maire
de Paimpol, ayant appris par Mr Fercoq que je devais me
rendre au Havre et il m'a demandé si je voulais bien me charger de Mr Fercoq et de le
conduire au Val de Grâce pour y être traité. Le jour convenu, j'ai pris le train du matin pour lui
prendre son billet de route, et vu que je l'accompagnais j'ai eu également droit au billet
d'accompagnement. Mr Fercoq
devait arriver par le train de midi. A la gare : le colonel Luron,
le capitaine
Saillour, pas de Fercoq ! Donc il ne devait arriver que par le train du soir. Il avait mal posé son pied et lorsque le train est
parti il a glissé sur la chaussée. J'ai été déjeuner ; ensuite je me suis
demandée ce que j'allais pouvoir faire
durant cette longue après-midi. Je suis entrée dans la chapelle saint Guillaume où j'ai prié avec beaucoup de ferveur ; je n'avais pas d'enfant ; je
voulais refaire un foyer avec un homme qui aurait beaucoup souffert et non un
pantouflard. Idée subite : aller à la maison des Sœurs du St Esprit et revoir ma bonne mère Ildefonse d'Angleterre. J'ai été reçue par elle ; il y avait cinq ans qu'elle ne m'avait pas
vue. " Qu'est-ce qui vous amène Yvonne ? " - " Je dois aller à Paris avec un soldat que je dois faire entrer à l'hôpital du Val de Grâce «. Elle me
répond
nous avons ici un bon docteur qui a perdu sa femme et son enfant de sept ans en
déportation.
Il travaille dans le service du Professeur David au Val de Grâce. Si vous avez des ennuis adressez-vous à lui, il s’appelle le docteur FEKETE. Nous avons voyagé la nuit au mois de décembre.
A notre arrivée à Paris mon petit soldat ne
pouvait pas marcher ; j'ai demandé aux Saint-Cyriens
de le mettre sur un chariot et de le conduire au buffet. Nous avons déjeuné et j'ai été chercher un taxi. En route pour le
Val de Grâce. A notre arrivée on lui a demandé ses papiers. " Vous n'avez pas
droit au Val de Grâce, il fait partie de l'article 84"; "je m'excuse
Madame mais Mr Fercoq est traité par le Professeur David alors vous
pouvez entrer". Nous avons dû parcourir ce long jardin, lui avec
ses cannes allant de droite à gauche. Enfin nous
sommes arrivés au
service du Professeur David. Dans la salle d'attente une table sur laquelle je
me suis allongée et endormie. J'ai été réveillée par le Docteur FEKETE, lui ai transmis le bon souvenir de Mère Ildefonse et il s'est excusé
car il devait se rendre à l'hôpital Américain de Neuilly.
Le Professeur David est arrivé vers les neuf heures. Nous sommes
entrés dans
son bureau. "Est-ce votre mari Madame ?" - " Non professeur,
j'ai donné mon
mari à la
France". Ma réponse lui a t'elle plu? Il m'a répondu : " Je veux bien prendre dans mon service Mr
Fercoq mais à
condition que le Médecin Chef donne son accord ". Deux points de gagné ; j’ai dû refaire à contre sens ce grand jardin et suis arrivée dans le bâtiment du Colonel Chef de l'Hôpital du Val de Grâce. Un large escalier m'a conduite à un très grand palier. L'officier d'ordonnance
vient vers moi et me demande le motif de ma visite. "Affaire personnelle,
Capitaine ; veuillez je vous
prie m'introduire".
Je suis entrée dans une grande pièce, un bureau, un colonel long et
sec ; de la main il m'a fait le geste de m'assoir.
K
Timidement je lui dis : " Colonel, je suis
envoyée par
le Maire de Paimpol, Mr De Sagazan,
pour qu'un soldat atteint de sclérose en plaque mais faisant partie de 1'article 84 afin qu'il
soit admis dans votre hôpital ".
En colère : " voyez-vous chaque femme de France arrivant chacune
avec un soldat ? Où les mettrai-je ? Mon hôpital est plein ! " - " Colonel, je ne vous demande pas d'intervenir pour les autres, mais
pour mon soldat qui est admis dans le service du Professeur David ". Et
tapant sur la table : "Comment mon autorisation. "Je ne
le sais ". Et, debout, il a signé la feuille et me l'a donnée d'un geste peu élégant.
Mes nerfs étaient à bout ; et derrière ce grand bâtiment de briques rouges j'ai été pleurer, pleurer…
J'ai refait le
jardin pour aller chercher mon soldat qui avait droit à son bon de soupe. C'est l'adjudant
qui a été le plus dur : "mais il n'a
pas droit, il fait partie de
l'article 84". Mes nerfs étaient à bout ; et derrière ce grand bâtiment de briques rouges j'ai été pleurer, pleurer.
J'ai refait le jardin pour aller chercher mon soldat
qui avait droit à son bon de soupe. C'est l'adjudant qui a été le plus dur : "mais il n'a
pas droit il fait partie de
l'article 84". " Je ne vous demande pas s’il fait partie de
l'article 84, 64 ou 44, je vous demande de le signer".
Ah ! Ce 84, je l'avais sans cesse dans les oreilles.
J'ai quitté le Val de Grâce à 16 h 30, je suis sortie par la
petite porte, en face : un pilier de soutènement ; pourquoi ne suis-je pas passée à droite ? Non, et, à ma gauche, je me suis buttée au docteur FEKETE. Avec son
amabilité il m'a
demandé si je
connaissais une bouche de métro. " Oh ! Non, à Paris je suis perdue " - "Je vais vous y conduire ". Et, tout
en marchant : " je dois recevoir jeudi aux armes de la
ville Mr et Mme Le Bec chef de
la Résistance
de la région de
Rostrenen. Voulez-vous vous joindre à nous ? " - J'ai accepté avec grand plaisir et le jeudi nous
avons longuement parlé du pays et
des connaissances. Le docteur Fekete m'a reconduite et m'a renouvelé l'invitation pour le
lendemain. La glace était rompue, le repas bon et copieux avec un bon vin Nuit St Georges.
Deux semaines plus tard, je le présentai à ma belle-sœur Annie, Mr Tranchant se mourait. Le 24 décembre coup de sonnette : c'était papa ; je lui ai présenté Albert et avons assisté et communié à la messe de minuit. Le lendemain
papa nous a invités au restaurant, puis il est parti pour
le Havre. Quelques jours plus tard
j'ai été le rejoindre et ai passé plusieurs jours au Havre. J'avais reçu deux lettres du docteur Fekete. A mon retour à Paris, à mon arrivée à la gare il m'attendait avec une
gerbe de fleurs.
J'avais sûrement prié, j'ai été entendu car je ne pouvais trouver un homme qui avait autant souffert que
le docteur Fekete. C'était un homme charitable à l'égard d'autrui et surtout humain. Nous
avons été très heureux n'ayant jamais eu entre nous le moindre mot qui
blesse.
C'était un homme très sensible et dévoué et je crois qu'une vie après un tel départ ne peut se prendre dans la joie.
Durant la guerre, il avait hébergé des gens pourchassés par la gestapo, hébergé des Anglais ; il occupait la
maison du Chanoine mais il a fait de
faux certificats pour les S.T.O. et,
dénoncé par un confrère, ils ont été déportés. Lui seul est rentré. Ayant fait à l'âge de 45 ans un infarctus on lui avait conseillé d'aller se reposer dans le midi
durant deux mois. Nous sommes
restés en
panne à
Auxerre. "C'est dans cette ville" me dit mon mari "que vit celui qui m’a dénoncé". Au moteur, échange standard, le lendemain j'ai été aux renseignements ; je me suis adressée à un homme qui m’a dit :
"Comment vous ne le savez pas ?" Sa femme s'est suicidée et le Dr s'est tiré un coup de
fusil de chasse dans la tête". Ma réponse : "celui qui chasse
bien mérite
bien". Il a du me prendre pour une insensée…
Le séjour à Nice s'est bien passé et nous avions pris goût pour cette ville : en retraite nous passions six mois
de l'année à Saint-Quay Portrieux
où nous
avions notre propriété "Le Corsaire" et les six mois d'hiver à Nice.
Les enfants, c'est à dire, Loïzic, Yvic et Maryvonne, ont
passé
avec leur petite bande des joies intenses : leurs amis étaient les
petits-fils du Dr VENDEL, laboratoire. Ainsi, ils avaient le
tennis, bateau, piscine et bain ; j'avais une jeune fille qui
s'occupait uniquement d'eux. La rue des Pommiers n'existait pas
avec leur petite bande des joies intenses : leurs amis étaient les
petits-fils du Dr VENDEL, laboratoire. Ainsi, ils avaient le
tennis, bateau, piscine et bain ; j'avais une jeune fille qui
s'occupait uniquement d'eux. La rue des Pommiers n'existait pas
en ce temps là : c'était un sentier, ainsi ils se donnaient de
toutes leurs forces aux jeux de leur bicyclette. Loïzic est une fois
passée par-dessus le capot d'une voiture ; Yvic ayant sauté de la
première marche de l'escalier qui descend dans la cave a heurté la
margelle de granit et on a dû aller lui coudre le cuir chevelu
toutes leurs forces aux jeux de leur bicyclette. Loïzic est une fois
passée par-dessus le capot d'une voiture ; Yvic ayant sauté de la
première marche de l'escalier qui descend dans la cave a heurté la
margelle de granit et on a dû aller lui coudre le cuir chevelu
à la clinique Saint Louis ; Maryvonne en
jouant dans le parc du Dr
Wendel a eu une grosse branche à l'angle de l'œil…
Wendel a eu une grosse branche à l'angle de l'œil…
L'été je tricotais les tricots pour l'été suivant et ils ont toujours porté
des tricots semblables. Les amis petit à petit ont déserté Saint-Quay. Il y a eu deux ans j'ai
reçu de Mr
Vendel un faire-part de deuil ; c'était le décès du père d'Olivier qui, d'après elle, était le meilleur de ses fils ; ainsi
va la vie qui est faite de joies et de tristesses...
Le cours de la guerre avait été interrompue la correspondance entre mon mari et son frère qui vit en Roumanie ; puis un après-midi arrive un télégramme : "Suis à Paris t'attend". Ce télégramme est arrivé en période de vacances et nous nous trouvions à Saint-Quay ; le soir mon mari nous a embarqués dans sa voiture partant le lendemain pour Paris ; les trois enfants portaient des tricots rayés bleu et blanc sur ces rayures des petits bateaux rouges qui partaient de gauche à droite jusqu'à l'épaule. Jugez de la grande joie de deux frères qui se rencontrent après des années de séparation. Mon mari demande à son frère : “mais comment as-tu appris mon adresse ? “- “ Un jour j'ai été appelé à la police, ils m'ont demandé : « vous avez un frère qui vit en France, pour quelle raison a t-il quitté la Roumanie ? » - “ Je ne l'ai jamais su“ a répondu mon beau-frère ; ils ont sorti un dossier nous concernant et c'est ainsi que Georges a appris que nous vivions à Saint-Brieuc et que nous avions deux voitures. Ayant obtenu son visa pour Paris, les jours étaient comptés et sont passés dans la joie et d'avoir fait la connaissance de Loïzic, d'Yvic et de Maryvonne avec sa queue de cheval qui a fait beaucoup rire oncle Georges.
Après la guerre de 1914-1918, il y a eu la séparation de la Hongrie avec la
Roumanie ; comme mon mari était Hongrois par le cœur il n'aimait pas les Roumains ; il
est parti pour l'Italie avec un ami, a fait une année d'étude et ensuite ils ont fait leur médecine à Paris : Tonton Georges a
repris le train pour sa Transylvanie et nous sommes rentrés à Saint-Brieuc où nous avons trouvé nos bons amis Laguitton, Guelorget,
Mazeau et Marthe et Georges
Mayet avec lesquels toutes les semaines nous jouions à la canasta.
Mon mari, après son infarctus, vu qu'il avait une
forte clientèle, est à sept heures à la salle d'opération ; j'ai rompu totalement avec le
corps médical et j'ai mis les deux aînés en pension.
<•
Tous les ans nous
faisions un voyage et avons acheté une caravane. Pour ne pas fatiguer mon mari je
prenais le volant St-Brieuc- Strasbourg - Munich, Vienne est une très belle ville ; nous avons assisté à une soirée à l'opéra, visité le château Schönbrunn, le petit lit du roi
de Rome. Nous sommes
allés à Mayerling : la pièce où a été tué le prince Rodolphe est une chapelle ;
puis nous avons fait les guinguettes viennoises et avons mit le cap sur Budapest. A la frontière, j'ai voulu photographier les levées de la barrière : interdiction ! tout a été visité, les coussins piqués par de longues aiguilles ; dehors les miradors et des
petits bâtons au
bout desquels flottaient des petits drapeaux et ces écriteaux « Minen » ! Ils
allaient jusqu'à perte de vue. A la première borne d'essence tout le pays désirait visiter la
caravane : “ j'ai compris“ me dit
mon mari “je n'ouvrirais plus la bouche“. Le soir, nous nous sommes arrêtés au bord du Danube ; le lendemain mon
mari s'aperçoit
qu'il manquait un feu rouge. Nous déjeunions avec la baie ouverte, arrive
le Directeur d'une école qui se trouvait à proximité et il s'est exprimé en allemand ; mon mari lui a répondu : “ne vous donnez pas cette peine je parle hongrois“. C'était un élève qui avait pris le feu rouge ; l'enfant
est arrivé avec
son professeur et l'a obligé à se mettre à genoux et à nous demander pardon. Je l'ai relevé et lui ai dit que les miens auraient
pu agir de même ;
puis ce fut la visite du curé, d'une femme professeur ne parlant
que de la mode de Paris.
Bref, nous sommes arrivés avec deux heures de retard à Budapest, avec son grand pont sur le
Danube et son Parlement sont vraiment imposants. Nous nous sommes placés près de 1 ' ambassade de France et à coté de la place des héros Albert avait un cousin docteur à Budapest : avec sa femme Sissi
je parlais en anglais. Le lendemain
de notre arrivée j'ai préparé un repas et laissé la baie ouverte, vu le nombre de
personnes me disant comme vous avez de la chance de traverser ainsi
les frontières ;
j'ai dû fermer
la baie je devais préparer une mayonnaise puis le repas.
Nous avions des bons vins de différents crus. Ils ont apprécié mon repas ; ensuite nous sommes allés chez le cousin Miselos qui a tiré un grand tiroir dans lequel il y
avait des jeunes femmes en robes longues et courtes avec des
coiffures différentes puis MIKOS
s'est excusé ensuite :
Georges, n'étant pas
habitué à boire du bon
vin, ils ont été assommés et la sieste parut longue…
le lendemain nous sommes allé déjeuner dans l'île Marguerite
où se trouve un magnifique restaurant
avec ses pylônes de
marbre. Georges me disait en entrant : “Vonnick,
parlez fort, faites vous entendre“ et je
parlais en riant avec Sissi qui ne comprenait pas un seul mot ; mais j'avais été entendue, on nous a placé près d'un orchestre tzigane qui me jouait
leurs douces mélodies. Un déjeuner très bien servi avec un service
impeccable. La conversation allait bon train et nous avons passé d'agréables moments ; ensuite nous sommes
allés au
jardin où une
immense étoile
rouge entièrement
faite de petites marguerites rouges ; de magnifique nénuphars étalaient sur 1'eau leurs fleurs de
différents
tons. Le lendemain, dimanche, j'avais acheté un tailleur Desarbe en jersey beige,
la veste garnie d'un ton plus foncé. Dans cette magnifique cathédrale de Budapest, une petite fille
qui se trouvait devant
nous me regardait sans cesse ; nous avons communié, à la fin de la messe les orgues ont entonné l'hymne
hongrois. A l'entendre j'ai pleuré : l'hymne hongrois est une prière. La ville était un véritable tas de ruine : partout des rideaux de fer rouillés;
pas de vitrine peinte, nul n'est propriétaire de son magasin et vivait dans deux pièces. Le peuple hongrois est courageux
; ils ont fait leur révolution, ont donné à la patrie beaucoup de jeunes, mais à présent ils sont moins dans la misère. La photo de notre petite diligence a paru dans différents journaux. Le lendemain, nous
sommes allés dans
une grande pièce où se restauraient les hongrois ; bien
vite ils ont été mis au courant qu'il y
avait une petite française dans les lieux. Alors l'orchestre a entonné « Mademoiselle de Paris » et tous
les gens présents
chantaient un air ; puis « parlez-moi d'amour », et des chansons de
Rina Ketty. C'était vraiment
la fête et
d'entendre ces airs, ces paroles chantées en français, m'a mit du baume au cœur. Le lendemain, nous sommes
allés dans
une pâtisserie
Hongroise qui portait un
nom français et
avons mangé de délicieux gâteaux. Nous avons été invités à un dîner chez un directeur d'usine ; le frère de sa femme était le meilleur ami de mon mari. Très belle maison ; salon avec apéritif, petits gâteaux, leur petite fille est arrivée portant un petit drapeau rouge ; son papa lui a fait
comprendre de partir. Le repas a été servi par une employée portant toque et tablier blanc. Je
n'ai pu comprendre la
conversation et ils ont parlé de beaucoup de cas. Pour la guerre, le
directeur de l'usine a dit à mon mari « nous gagnerons parce que nous placerons
des hommes à nous ».
En tout cas Dieu merci ce n'est pas le cas pour la France. Il nous
a remis des billets pour l'opéra, car ce sont les ouvriers qui d'abord reçoivent les tickets, ceux qui ne sont
pas vendus sont pour le peuple.
Nous avons donc assisté à une pièce de théâtre où je me suis beaucoup ennuyée. Hélas les jours passaient ; je ne
connaissais pas ma belle-sœur et il
fallait songer au retour. Le lendemain notre dernière visite a été pour le bastion
des pêcheurs. Car Buda se trouve sur la rive droite et Pest sur
la rive gauche. J'ai dit à Albert d'aller se promener car il
fallait que cette photo
soit bien prise. J'ai été fière des résultats, la photo étant très bien réussie. Puis ce fut le départ... Ce voyage est le plus
merveilleux que nous ayons
fait et restera gravé dans mon cœur ; et l'on s'est quitté avec des larmes dans les yeux.
Le soir, nous nous
sommes arrêtés à Salzbourg sur la place Mozart au pied de la statue. Nous
dormions, lorsque nous avons été réveillés par des
étudiants
qui, en faisant un monôme autour de nous, chantaient "Bonsoir Monsieur, Bonsoir Madame, Bonsoir
« et de reprendre... J'ai trouvé ce geste touchant et aurait désiré les remercier ; mais nous étions très fatigués. La caravane vu que nous étions les prometteurs on pouvait l'arrêter où l'on voulait. On roulait le
jour, on ouvrait la porte et nous
nous trouvions aussitôt chez nous ; cela ne nous empêchait pas d'aller au restaurant. Nous
partions toujours de très bonne heure, le soir nous étions à Stuttgart où nous avons trouvé une large étendue de terre avec bordure de trottoir et ai plage mon plat pour l'écoulement des eaux, car nous ne laissions jamais derrière nous le moindre papier ou eau. Mon mari s'est couché, j'ai retiré ma robe et j'ai commencé la cuisine ; au bout d'une demi-heure
des coups de poings à la porte et n'avons compris que le mot "police" ; mon mari s'est levé et a discuté avec un gars ; nous n'avons compris
qu'une chose : il désirait que nous quittions les lieux ; mon mari s'est recouché. Au bout d'une demi-heure
il me dit " Tu vois j'ai bien fait de ne pas partir ". Je lui ai répondu " je ne suis pas aussi sûre que toi " .Une demie heure plus tard 1'on frappe avec fracas. J'ouvre
la porte et me trouve devant une personne, une mégère, les cheveux éparpillés ; je suis descendue, elle a pris le bas de ma combinaison et a
appelé un chien loup ; je sentais déjà le vinaigre. En plus, ils étaient allé chercher une dizaine de personnes et faisaient le demi-cercle. Cette
femme, au ton de sa voix j'ai deviné qu'elle m'insultait. Je suis allée
vers un monsieur portant costume gris et petite barbiche. Je lui
ai dit "je ne sais pas monsieur si vous parlez le français, en tout cas chez nous je lui
donnerai tort vu la sérénade, j'ai dit " je dirais en France l'accueil que j'ai eu chez vous ". Elle est partie d'un éclat de rire hystérique : "Francia" ! Je n'ai fait ni une ni deux, je suis allée a elle et lui dis "oui
Francia" et je lui ai administré une bonne gifle. Personne n'a bougé. J'ai pris mon plat et le peu d'eau
qui s'y trouvait et je le leur ai jeté. Nous sommes montés dans la voiture et étions complètement perdus. Nous faisions toujours
la même
route lorsque face à nous un entourage de fils de fer et de poteaux avec des
lumières.
Dans la nuit noire ces lumières à perte de vue étaient agréables à voir. Nous arrivions dans un camp américain. J'ai
demandé au
garde, un capitaine : "
vous êtes arrivés en
France" il m'a dit, "ici,
vous n'avez rien à craindre, on va-vous mettre avec les familles ".
Le lendemain matin
lever à six heures ; nous roulions depuis une demi-heure lorsque nous sommes
butés à un convoi américain. Impossible de doubler ;
Albert me dit "prend la première à gauche, borne "Sainte-Mère les Deux Eglises. Nous avons été surpris car jamais nous n'avions
situé sur la
carte ce pays. Dès notre arrivée nous sommes allés prier sur la tombe de marbre blanc et sommes entrés dans l'église. Nous avons pris deux chaises au milieu de 1'église, une plaque "Madame De Gaulle" et sur
celle de son mari "Général De Gaulle". Nous sommes allés jusqu'à leur propriété : deux soldats y
montaient la garde. Ce fut le dernier souvenir de notre voyage. Maman et les enfants se
trouvaient sur le seuil de la porte attendant notre arrivée. Puis dans 1'attente des vacances de 1'été suivant, nous avons repris nos bonnes
parties de Canasta. Le vendredi suivant, Albert m'appelle à dix huit heures pour me dire que nous allions avoir
à dîner le père Riquet. Or j'avais acheté des crêpes pour le repas du soir, les
poissonneries étaient fermées ; j'ai téléphoné de chez moi et enfin j'ai réussi à avoir un poisson lequel je ne m’en souviens plus. De
plus, il fallait des entrées, et un assortiment de fromages : j'avais ma brave
Germaine qui préparait fort bien la cuisine, un service impeccable et toujours en jupe noire
et blouse blanche, plus le
tablier blanc. Préparer un repas un vendredi cela devient de la complication. En plus, nous avions
invité un déporté pour se joindre à nous. Nous avons sorti une belle nappe et nos plus belles
assiettes et nos verres Baccara. Il fallait faire honneur au Père Riquet : de savoir qu'il avait
prêché à Notre Dame me donnait de la timidité. Albert est allé le chercher à la gare et à vingt heures toutes les lumières du salon étaient allumées. Pour l'apéritif, j'étais un peu énervée et, voulant allumer une lampe, j'ai renversé mon vase de Saxe et un petit ange a
cassé son
aile. L'éclairage
dans la salle à manger était éclairé par des bougies plus le lustre, je trouve que 1'éclairage est plus intime et j’avais décoré la table avec mes petits soldats en porcelaine,
des soldats Empire que je plaçais sur du coton. Nous avons longuement bavardé ; je n'étais plus timide et nous sommes passés au salon pour le café. Le lendemain matin Albert est parti
pour la clinique, le Père Riquet a pris son bain ; ensuite nous avons déjeuné ensemble ; nous avons parlé de ses voyages sur les pas de St
Paul puis la conversation a dévié sur les Allemands et le Père Riquet me prêchant de pardonner.
au pèlerinage à Auschwitz.
Je ne parlerai pas du pèlerinage
d’Auschwitz qui a été d’une grandeur émouvante : il n’y a pas de mots
pouvant évoquer ce que chacun a ressenti à cette grandiose cérémonie. Par
respect pour tous ceux qui ont souffert et qui sont morts, comme témoignage à
leur égard, je conserve le silence…
J’ajouterai que les Français à leur
arrivée sur le sol de Pologne n’ont été reçus par aucune délégation présente
pour les accueillir et dans les camps de déportés ont eu une conduite
déplorable à l’égard des Français déportés…
" En mémoire de ma délicieuse petite belle-sœur Annie qui était pleine d'humour et de poésie me disant "vonnick, tu devrais écrire le journal de ta vie".
Je ne dédie pas ce journal au docteur FEKETE, frère de mon mari, ni a ma belle-sœur Marianne, alors qu'ils vivent derrière un rideau de fer, où toute lecture est lue, ce journal ne leur parviendrait pas, qu'on ait la "joie de se retrouver tous réunis à L'ERE du Temps" à AIX-EN-PROVENCE.
Je dédie ce journal à ma petite Loïzic qui est pleine de tendresse, qui toujours au long de ma vie m'a apporté la joie et dans les jours sombres l’espérance, à mon gendre si courageux dans son travail ; garçon merveilleux ne connaissant qu'une chose : faire joie et plaisir à son entourage. C'est le pilier.
Je dédie ce journal à ma petite Maryvonne au cœur sensible qui me soutient toujours par ses nombreux coups de fil.
Je dédie ce journal à mon fils Yvic qui a connu les affres de la vie, les a bravés et retrouvé par son courage la force de lutter pour son travail.
Je dédie ce journal à mon frère Louis et à ma belle-sœur Vonvon, qui me viennent en aide lors de mes besoins et leurs paroles de réconfort.
Je dédie ce journal à ma tante Maria de Bégard pour toutes ses gentillesses lorsque j'étais jeune fille et pour nos souvenirs du temps de l'Occupation...
Je dédie ce journal à ma petite Maryvonne au cœur sensible qui me soutient toujours par ses nombreux coups de fil.
Je dédie ce journal à mon fils Yvic qui a connu les affres de la vie, les a bravés et retrouvé par son courage la force de lutter pour son travail.
Je dédie ce journal à mon frère Louis et à ma belle-sœur Vonvon, qui me viennent en aide lors de mes besoins et leurs paroles de réconfort.
Je dédie ce journal à ma tante Maria de Bégard pour toutes ses gentillesses lorsque j'étais jeune fille et pour nos souvenirs du temps de l'Occupation...
Je dédie ce journal à ma petite camarade de classe ayant toujours
été unie dans la joie et dans les peines Annaïk Salaun.
L'enfant grandit au berceau, en prenant de l'âge, il s'éveille à
son entourage, tout est découverte pour lui. Ensuite avec les
années, il découvre les études de classe et s’il plaît à Dieu le
don de la musique.
Il prend part à la conversation des parents et aime approfondir certains mots ne faisant pas partie de son vocabulaire.
Il y a malgré tout, un point d'ombre que l'on n'éclaircit pas, même avec les années qui passent…
Il y a malgré tout, un point d'ombre que l'on n'éclaircit pas, même avec les années qui passent…
C'est pourquoi j'écris ce journal pour que mes enfants et mon petit- fils apprennent par ces lignes non une page d'histoire, mais le temps passé qui figure au palmarès de la prime enfance et de l'adolescence ignorés d'eux.
J'ai éprouvé d'immenses joies au contact de la nature et l'ai transmiseà mes enfants : la cueillette de fleurs dans la blondeur des champs de blé et des aubépines en fleur ; à toi mon petit Yoan de prendre goût à tout ce qui naît, se développe et mûrit avec le temps.
Aller dans le vent, humer son bon air, vivre à sa façon mais dans le bon sens et tu feras la joie de tes parents.
Eprouvele plaisir quand tu auras 1 ' âge de comprendre la lectureet que ce journal des « souvenirs du temps passé » fasse partie de tes rayonnages de lecture.
Je sais que ce journal sera mêlé de joies et de pleurs, puisque la vie est ainsi faite. Ma petite Annie, en pensant à toi, je tiens la parole donnée.
L'enfant grandit au berceau, en prenant de l'âge, il s'éveille à son entourage, tout est découverte pour lui. Ensuite avec les années, il découvre les études de classe et s’il plaît à Dieu le don de la musique.
Il prend part à la conversation des parents et aime approfondir certains mots ne faisant pas partie de son vocabulaire
Il y a malgré tout, un point d'ombre que l'on n'éclaircit pas, même
avec les années qui passent…
avec les années qui passent…
C'est pourquoi j'écris ce journal pour que mes enfants et mon petit- fils apprennent par ces lignes non une page d'histoire, mais le temps passé qui figure au palmarès de la prime enfance et de l'adolescence ignorés d'eux.
J'aiéprouvé d'immenses joies au contact de la nature et l'ai transmiseà mes enfants : la cueillette de fleurs dans la blondeur des champs de blé et des aubépines en fleur ; à toi mon petit Yoan de prendre goût à tout ce qui naît, se développe et mûrit avec le temps.
Aller dans le vent, humer son bon air, vivre à sa façon mais dans le bon sens et tu feras la joie de tes parents.
Eprouve le plaisir quand tu auras 1 ' âge de comprendre la lectureet que ce journal des « souvenirs du temps passé » fasse partie de tes rayonnages de lecture.
Je sais que ce journal sera mêlé de joies et de pleurs, puisque la vie est ainsi faite. Ma petite Annie, en pensant à toi, je tiens la parole donnée.