JO Paris 2024 : péniches, yachts et bateaux, les (autres) stars de la cérémonie d’ouverture sur la Seine
Sans ces bateaux, pas de parade sur le fleuve qui traverse la capitale. Ces embarcations que vous voyez tous les jours amarrées sur les quais ou en train de voguer vont convoyer des milliers d’athlètes le 26 juillet prochain.
Sarah Benoliel ignore encore si elle sera autorisée à porter son habituelle chemise blanche à galons de capitaine lors de ce grand soir. Mais l’armatrice a déjà la certitude de convoyer une douzaine d’athlètes à bord de son mini-yacht « Sam » lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, le 26 juillet sur la Seine.
Amarrée d’ordinaire dans le port parisien de l’Arsenal, son embarcation rapide, l’une des plus petites de cette première parade olympique hors stade, s’offre actuellement un lifting en Seine-et-Marne. Elle doit, coûte que coûte, pouvoir briller de mille feux en mondovision. « Elle a droit à un lustrage de la coque et un changement des banquettes », recense l’entrepreneuse à la barre de WeBoat, société de croisières privées.
Un tiers de la flotte carburera à l’électrique
À l’instar du « Sam », 116 bateaux de tous gabarits dont 25 « remplaçants » ont été sélectionnés par les maîtres du défilé pour transporter entre les ponts d’Austerlitz et d’Iéna des milliers de champions. La quasi-totalité est issue du bief de la capitale. On peut les croiser chaque jour stationnant le long des quais ou en navigation touristique sur le fleuve.
« L’organisation a essayé de faire avec les bateaux parisiens, et pas contre », se félicite Olivier Jamey, président de la Communauté portuaire de Paris. Une toute petite poignée viendra d’ailleurs, dont quatre bateaux promenades strasbourgeois de la société Batorama qui enverra ses pépites alsaciennes « l’Ami Fritz » ou « le Gänseliesel ».
Les grandes compagnies, à l’image des Bateaux-Mouches, des Bateaux parisiens, de Paris Seine ou de Batobus, livreront leurs fleurons. La planète découvrira également en direct le restaurant flottant « Capitaine Fracasse », les yachts de prestige « Joséphine » et « Clipper » ou la péniche « River’s King ». Pour avoir une bonne chance d’être retenu, il fallait une terrasse, un pont supérieur découvert… afin de présenter à tous les continents ses voyageurs, et bien sûr un moteur.
Le vaisseau le plus imposant se prénomme « le Paquebot » et peut faire voguer jusqu’à 800 convives sous la houlette de Yachts de Paris. À l’autre extrême se démarquent les cinq bateaux électriques de Green River Cruises d’une capacité de 12 passagers dont le « Chardonnay ». « Il vaut mieux participer à la parade que de la regarder à la télé ! C’est hypersympa d’être en action sur notre lieu de travail », s’enthousiasme Evrard de La Hamayde, cofondateur de cette entreprise d’excursions et capitaine de soirée le 26 juillet lors des 6 km de pérégrinations historiques. La propulsion électrique a le vent en poupe. Un tiers des transporteurs devrait carburer à cette énergie propre.
Postés au pied de la tour Eiffel, le yacht « Paris Trocadéro », qui vient de se convertir aux watts et son compère « Paris Iéna », en cours d’électrification, feront partie de l’épopée. Trois autres bateaux de Vedettes de Paris, dont un réserviste, seront mobilisés dans sept mois. Les places pour être capitaine et navigant seront chères. « Ça suscite un vrai engouement parmi notre personnel », observe Julie Devernay, la directrice adjointe. Un tirage au sort pour désigner les heureux élus n’est pas exclu.
Une semaine avant la grand-messe, toute l’armada sera rassemblée à 3 km en amont du pont d’Austerlitz, zone de départ, pour y être déminée, préparée, bichonnée… « L’habillage sera minimal », croit savoir un armateur. D’ici là, comme déjà le 17 juillet dernier, les bateaux s’élanceront dans des tests de navigation en convoi resserré, notamment au printemps avant d’ultimes répétitions.
Une dizaine d’autres barges des berges parisiennes seront aussi au cœur de la cérémonie, mais resteront, elles, à quai. Choisies par le prestataire On Location, fournisseur exclusif d’hospitalités durant les JO, elles recevront des privilégiés ayant payé à prix d’or leur place pour assister au spectacle. Parmi elles, le restaurant gastronomique sur une péniche électrique « Ducasse sur Seine », imaginé par le célèbre chef étoilé.
Ou le « Fluctuart », centre dédié au street art flottant près du pont des Invalides. Trois cents veinards fouleront son rooftop. « On va repeindre la coque, on se fait beau », s’illumine Nicolas Laugero Lasserre, son cofondateur. Il jure qu’il ne s’enrichira pas avec cette opération nécessitant une fermeture au public plusieurs jours avant le débarquement des VIP. « Ce n’est pas un hold-up, c’est comme une exploitation normale », calcule le dirigeant, « très content » d’être en première ligne lors de cette fête.
Les propriétaires de bateaux qui nourrissent le cortège olympique ont, eux, paraphé un contrat avec les organisateurs de la cérémonie, selon une grille tarifaire équitable dépendant, entre autres critères, de leur capacité d’accueil. Aucune fourchette de prix n’est dévoilée, les signataires sont liés par des clauses strictes de confidentialité. Mais à écouter les acteurs fluviaux, c’est loin d’être l’affaire du siècle. « Quand on est bloqués une semaine sur la Seine, il y a forcément un manque à gagner », estime Olivier Jamey.
« On n’est pas indemnisés à la hauteur de ce qu’on aurait fait en plein été. Mais l’aspect économique est relégué au second plan. C’est une chance historique de participer », positive Didier Leandri, président de la fédération professionnelle Entreprises fluviales de France. Pour Thierry Reboul, directeur des cérémonies de Paris 2024, il s’agit d’une « vraie location », certes « à tarif préférentiel », mais qui constitue « un budget non négligeable » dans les frais de parade. Et de rappeler que « jamais personne n’aura une telle campagne de publicité pour son bateau », y voyant « un truc gagnant-gagnant ».
« Je suis fière de faire partie de l’aventure »
Effectivement, chez les bateliers, tout le monde semble y trouver son compte. « Je suis fière de faire partie de l’aventure », jubile Sarah Benoliel, capitaine du « Sam ». Elle ne connaît pas encore la nationalité de ses futurs passagers, mais vu l’espace très réduit de son modèle, elle sait qu’elle n’est pas en lice pour les étoiles tricolores ou américaines. Elle imagine « une petite délégation » d’une île lointaine ou d’Afghanistan.
Tous les autres engagés sont logés à la même enseigne. « Pour des raisons de sécurité, on sera mis au courant au moment où les athlètes embarqueront », avance Ghislain Bergerault, aux commandes de « la Sans-Souci », « péniche de charme » avec intérieur en bois et cuivre. D’ordinaire, cette barge accostant au pont de Sèvres est le théâtre d’anniversaires, de séminaires, de cocktails… Elle a été construite en 1937 pour approvisionner la capitale en farine et en blé depuis Le Havre. Quatre-vingt-sept ans plus tard, elle escortera de potentielles médailles d’or devant plus de 1 milliard de téléspectateurs.